Bien s’informer, c’est important mais ça demande du temps. Alors chaque lundi, la rédaction de Manifesto XXI vous présente sa revue de presse pour bien commencer la semaine. Dedans, retrouvez des infos essentielles, des enquêtes marquantes, des débats, des images fortes, des actus queers et féministes.
Malgré la communication idyllique de déconfinement du gouvernement cette semaine, a encore été marquée par des violences en tout genre : policières d’une part, avec un viol dans un commissariat parisien et un 1er mai mouvmenté ; misogynes d’autre part, avec un gros dossier (qui n’étonne personne) sur Eric Zemmour ; homophobes pour finir avec les thérapies de conversion qui existent toujours. Heureusement, un documentaire sur Butler, le retour de Pose et une newsletter de fiction féministe ouvrent l’horizon d’autres genres.
La semaine en bref
Ursula von der Leyen, fémo-nationaliste ? L’incident diplomatique du Sofagate a fait grand bruit il y a quelques semaines. La Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, victime de la relégation sur le canapé, est revenue sur cette offense dans un discours brillant de féminisme, tenu à Bruxelles. Il conditionne notamment la reprise du dialogue avec la Turquie au respect du droit des femmes et des enfants, ce que l’on peut analyser, au choix, comme : un coup de pub à peu de frais, à une époque de popularisation du féminisme ou un pied de nez à Charles Michel, président du Conseil de l’Europe, à qui elle reproche de n’avoir pas moufté.
Le grand ruissellement du CAC 40 – L’Observatoire des Mutlinationales (une initiative du media indépendant Basta !) lance la campagne #AlloBercy pour que les aides publiques aux entreprises soient soumises à condition. Le chiffre choc, c’est celui-ci : en pleine crise économique, les plus grandes entreprises du CAC s’apprêtent à verser 51 milliards de dividendes, tout en ayant touché des aides publiques sans conditions. Ça vous choque ? Nous aussi. Pour contribuer au crowdfunding, c’est par ici.
Eric Zemmour – L’homme de plateaux, l’éditorialiste star de CNEWS, est à son tour rattrapé par le mouvement #Balancetonporc. Eric Zemmour a d’abord été visé par le témoignage d’agression sexuelle publié par Gaëlle Lenfant, conseillère municipale à Aix-en-Provence sur son compte Facebook personnel. Les faits remontent à 2004 et ce seraient produits lors de l’université d’été du PS à la Rochelle. Puis, cette parole en appelant d’autres, Eric Zemmour se trouve cité par plusieurs femmes dont les témoignages sont relayées par Mediapart. Comme d’habitude, les scénarii se répètent au fil des histoires que racontent ces femmes, et qui n’ont pourtant pas eu l’occasion de se mettre d’accord. Côté Zemmour, on ne commente pas. Mediapart, a archivé différentes déclarations odieuses de misogynie d’un homme qui s’est toujours flatté d’être violent avec les femmes : « l’homme est un prédateur sexuel, un conquérant. » Pour le moment, il reste à l’antenne de CNEWS.
Tribune Valeurs Actuelles – Le 21 avril dernier, le journal Valeurs Actuelles relaie la tribune d’anciens généraux, à la retraite ou bien radié du corps de l’armée. Le ton est grave, les signataires partagent leur peur d’un « délitement de notre patrie ». Pour le laïus sur la peur de l’Autre, on vous laisse consulter le papier si vous le souhaitez. Cette tribune aurait pu passer sous les radars si Marine Le Pen ne s’était pas empressée d’apporter son soutien et l’aile droite de la classe politique de souligner la clairvoyance de cess propos. En réaction, la ministre des armées, Florence Parly, réclame des sanctions pour les militaires signataires et une vingtaine de journalistes, responsables jeunesse, militants politiques et responsables associatifs signent une tribune dans le blog Mediapart pour combattre l’extrême droite.
Viol dans un comissariat du 19e – Streetpress et Le Media révèlent l’histoire de Tommi, jeune homme de 23 ans, violenté et violé dans un comissariat du 19e début avril. Ce n’est pas la première fois que des faits sordides se produisent dans ce poste : en novembre Streetpress révélait déjà des violences extrêmes subies en garde à vue par plusieurs personnes. C’est dans ce même commissariat que le journaliste Valentin Gendrot s’était infiltré pour écrire son livre-choc Flic (Editions Goutte d’Or). Une enquête a été ouverte par le parquet de Paris et confiée à l’IGPN.
Mr Robot – Le Ministère de l’Intérieur serait-il un repère de petits blagueurs ? On pourrait le croire suite à la mésaventure arrivée à Lionel Perrin, membre du Comité contre les Violences Policières de Lyon. En effet, suite à la publication d’un article dénonçant des violences policières commises par la BAC de Lyon, il se retrouve submergé par des appels de démarchage commercial sur son téléphone. La cause ? Une attaque en ligne ciblée menée depuis nulle autre que le Ministère de l’Intérieur, selon Rue 89…
Affaire Sarah Halimi, l’irresponsabilité pénale ? – Le jugement du meurtrier de Sarah Halimi (sexagénaire juive battue et défenestrée en 2007 par son voisin), a entraîné une succession d’indignations contradictoires. Le caractère antisémite du meurtre a été entériné ; seulement l’expertise psychologique a conclu à une bouffée délirante du meurtrier, dissolvant sa responsabilité pénale. Des associations se sont mobilisées, considérant que la conjonction de l’antisémitisme et de la consommation régulière de drogue (considérée comme acte « volontaire ») devraient rendre le meurtrier responsable. Un projet de loi a donc été proposé par le gouvernement. Côté juriste, on considère que c’est une manœuvre politicienne qui manipule l’émotion contre la justice, qui distingue la bouffée délirante (irresponsable au moment T) et consommation de drogue (responsable au moment T). La question de la responsabilité étant aussi vieille que l’invention du droit, l’antisémitisme et le racisme rongeant notre débat public et les reprises de faits divers étant toujours de juteux calculs politiques, espérons que l’ouverture de ce débat douloureux fera fleurir de véritables réflexions et surtout espérons que les proches de Sarah Halimi sauront trouver soutien et repos.
Troubles du comportement alimentaire – Les troubles du comportement alimentaire chez les jeunes adultes viennent s’ajouter à la liste des conséquences non anticipées de la pandémie de Covid-19. Dans un article du Monde, on apprend que la demande de prise en charge dans les services spécialisés a augmenté de 30% ! Les spécialistes décrivent notamment le contrôle obsessionnel du poids comme une conséquence de la perte de repères et d’horizon tangible : « Le trouble alimentaire vient jouer comme soupape : je ne contrôle pas mon avenir, mon environnement, je crois que je vais pouvoir contrôler mon alimentation. Mais à un moment, il y a perte de contrôle du système défensif lui-même » explique ainsi Maurice Corcos, chef de service en psychiatrie de l’adolescent et de l’adulte jeune à l’Institut mutualiste Montsouris (Paris). Le retour chez les parents peut être un facteur aggravant pour les personnes fragiles, alimentant une sensation d’étouffement. Pour trouver de l’aide, vous pouvez contacter Anorexie Boulimie Info ou Filsantejeunes.com
Conditions de travail en Arabie saoudite – Les conditions de travail pour les travailleur·euses étranger·es en Arabie saoudite sont très précaires. Le système salarial est régi par la kafala, qui relie les employeurs aux employé·es, les empêchant ainsi de changer de travail ou bien même de quitter le territoire sans leur autorisation. Des conditions d’autant plus compliquées pour les employé·es domestiques, majoritairement des femmes, qu’iels se retrouvent isolé·es dans les maisons : harcèlement sexuel, discrimination raciale et mauvais traitement sont dénoncés par ces travailleur·euses émigré·es sur TikTok comme le rapporte Courrier International.
La semaine en images
Com gouvernementale ou promo Center Parks ? – Jeudi 29 avril, plusieurs titres de presse régionale révélaient le calendrier du déconfinement que leur avait révélé le Président de la République lors d’une interview exclusive. Depuis, la com gouvernementale est en roue libre avec une direction artistique digne d’une banque d’image gratuite (et encore, c’est méchant pour les banques d’images).
Covid-19 en Inde – Robin Tutenges livre sur Slate un photoreportage témoignant de la situation sanitaire à Calcutta. Il a saisi l’urgence sanitaire, entre les ajournements de confinement pour cause de manœuvres politiciennes à l’approche des élections régionales, et le sentiment contradictoire que la vie doit continuer dans ce pays aux 1,4 milliards d’habitant·es… avec les soignant·es sur le fil.
Révolte en Birmanie – Quatre mois après le coup d’État, les manifestations se poursuivent en Birmanie et ce malgré la répression des forces armées qui a causé la mort de centaines de civils et provoqué des milliers d’arrestations.
1er mai révolutionnaire – Journée de lutte pour les droits des travailleurs et travailleuses, la manifestation du 1er mai s’est déroulée à Paris dans un climat de tensions et d’affrontements avec la police.
Discount campagne – Les campagnes des élections régionales, maintenues les 20 et 27 juins, battent leur plein. En lice pour sa réélection à la tête de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse a cru bon de faire des économies sur le graphisme. Pas de bol, ça se voit comme le souligne bien le designer et activiste Eliot Lepers.
Matière à penser
Théoriser en féministe – Comment fabrique-t-on de la théorie, quels impacts sur ce qu’on pourrait appeler le réel, et comment ce réel pourrait créer lui-même de la théorie ? Ce champ de recherche s’appelle l’épistémologie et c’est le sujet du nouvel ouvrage des éditions Hermann, Théoriser en féministe. A la nuance près que les théories féministes ont une difficulté particulière, celles de devoir se battre pour être reconnues comme telles. Le livre explore ce combat des théories féministes pour exister en tant que multiples, nuancées, complexes, un champ intellectuel à part entière – dans l’institution comme dans nos rangs.
Cultures queer et transféministes
Numéro 35 et fertilité – On vous recommande la newsletter féministe d’Arwa Mahdawi, The Week in Patriarchy, qui paraît de façon hebdomadaire dans The Guardian. Il y a deux semaines, elle revenait sur le fameux tournant des 35 ans dans les représentations de la fertilité féminine. Elle explique en quoi cette focalisation est sexiste, peu pertinente scientifiquement, et les conséquences néfastes qu’elle peut avoir, notamment dans le parcours médical des femmes désireuses de procréer.
Thérapies de conversion en France – Alors que le nombre de « thérapies » pour « libérer » de l’homosexualité augmenteraient depuis les années 90, un projet de loi d’interdiction datant de 2018 est ralenti par un lobbyisme qui invoque la liberté religieuse, ou encore que la juridiction actuelle serait suffisante pour les encadrer – contre preuves matérielles du contraire. Devant cette urgence manifeste, un collectif de 23 survivant·es nommé RIEN A GUÉRIR, proches du media Le Coin des LGBT+, se mobilise pour interpeller le gouvernement sur le sujet. Suivre la campagne sur Twitter et Instagram.
Wittig à la télé, c’est raté – Sur le plateau de Quotidien, la chroniqueuse Maïa Mazurette revient sur les messages délivrés par certaines pancartes lors de la marche lesbienne de dimanche dernier. Entendre le nom de Monique Wittig sur une chaîne de grande écoute pourrait nous ravir, mais traiter le sujet en moins d’une minute est décevant. Dans un thread Twitter passionant, la podcasteuse Camille Regache revient à son tour sur l’opportunité ratée de rendre à la manifestation ses lettres de noblesse et non d’alimenter une lesbophobie basique.
Pride – L’inter-LGBT a annoncé la date du 26 juin pour la Marche des Fiertés parisienne. Espérons que la manifestation pourra bien se tenir, dans le respect des normes de distanciation sociale. L’événement Facebook.
Strike a pose ! – La saison 3 de Pose est disponible sur Canal+ dès ce lundi ! Ce sera l’ultime saison des aventures de Pray Tell, Blanca, Elektra… On prépare nos petits mouchoirs.
Fictions féministes – L’autrice Illana Weizman lance une newsletter au doux nom, L’Eclaircie, dédiée aux fictions féministes. Hâte de recevoir la première édition.
Le documentaire
Butler, philosophe en tout genre – On vous conseille ce documentaire, accessible sur Médiapart, Tënk et Youtube ; donc no excuse, où l’on ne quitte pas Butler, insaisissable et sexy, une seule seconde. On voit sa pensée se former, se dérouler, puis se ré-enrouler et se redéployer, sans jamais se figer. Butler semble prôner un dicton : « Sans perdre courage, mille fois sur le métier remettez votre pensée ». La théorie virevolte, brillante et implacable, la précision de l’intelligence en est presque berçante
Sélection et rédaction : Albane Barrau, Apolline Bazin, Salvade Castera, Anouk Durocher, Anne Plaignaud, Luki Fair
Image à la Une : Un gentil brin de muguet pour votre début mai © Irina Iriser
Visibilité lesbienne, Les Anges, Derek Chauvin : Revue de presse #13