Belaria : « Reverser des fonds pour des causes qui me tiennent à coeur fait sens »

Le dimanche 9 juillet, la DJ Belaria jouera au festival Peacock Society. Rencontre avec une jeune artiste en pleine expansion.

Belaria est une productrice et DJ parisienne de 23 ans. Elle a baigné depuis toute jeune dans les disques de ses parents : Depeche Mode, The Cure ou Orchestral Manoeuvres in the Dark – des sonorités post-punk, new wave et cold wave qu’on retrouve aujourd’hui dans son travail. Encore étudiante lorsque sa carrière a décollé il y a deux ans, elle a terminé son master en stratégie digitale et innovation l’an dernier et se consacre aujourd’hui à mille pour cent à la musique. Belaria est résidente au Badaboum et signée sur le label paritaire et transgénérationnel Friendsome. Manifesto XXI est allé·e à la rencontre de cette artiste qui représente une nouvelle génération de femmes artistes engagées et talentueuses. 

Manifesto XXI – Dans la presse musicale électronique, on te présente comme LA nouvelle étoile montante. Qu’est-ce que ça t’inspire ?

Belaria : J’ai débuté la musique il y a cinq ans et je vis vraiment de mon art seulement depuis quelques mois. J’ai un petit peu de mal avec ce genre de phrases, ça me met une grosse pression. J’ai un énorme problème de légitimité, notamment vis-à-vis de cette mise en lumière dont je bénéficie depuis deux ans. J’en suis très reconnaissante et je travaille beaucoup pour ça, mais ça m’est tombé dessus du jour au lendemain. Lorsque je sais que des artistes bossent dans l’ombre depuis plus de dix ans, je ressens un syndrome de l’imposteurice, même si je suis aussi très flattée. En plus, on catégorise souvent les artistes. Par exemple, moi je suis « l’étoile montante de l’italo et de l’EBM ». Je trouve ça dommage, car lorsque je joue quelque part, on s’attend à ce genre de musique, alors qu’il y a énormément de genres que j’aime écouter et jouer, comme de la techno un peu hardgroove ou des sonorités trance. Ce que j’aime, c’est faire des ponts entre des styles différents pendant mes sets et avoir cette liberté de m’exprimer plus largement.

Quel a été ton parcours personnel depuis que tu as commencé la musique il y a cinq ans ? Qu’est-ce qui t’a menée à la carrière que tu as aujourd’hui ?

J’ai découvert la musique électronique en 2015. J’avais 15 ans et j’ai pris des places un peu au hasard pour un festival qui n’existe plus maintenant : le Big Festival. Je ne connaissais pas du tout ce monde-là à l’époque, et ça a été la claque de ma vie. J’ai passé cinq jours scotchée devant les barrières, sans vouloir lâcher la scène. Je ne connaissais aucun·e artiste qui jouait à ce moment-là, c’est surtout l’atmosphère qui m’a marquée. Plus tard, j’ai revu la programmation et je me suis dit « ah oui, en effet, il y avait Jeff Mills et Nina Kraviz » (rires). Cet événement, c’est aussi l’origine de mon nom d’artiste : le festival avait lieu à Biarritz, et Belaria signifie « oreille » en basque. À la suite de ça, j’ai commencé à vraiment m’intéresser à la musique électronique. Je suis autodidacte, je n’ai jamais fait le conservatoire ou pris des cours de musique. En revanche, j’ai toujours été sensible au rythme puisque dès l’âge de 10 ans, j’ai fait beaucoup de danse : du moderne, du classique, même des claquettes ! Mais ce qui a vraiment lancé ma carrière, c’est le concours Producer Day que j’ai gagné en 2021.

Pourquoi est-ce que ce concours a été un moment charnière de ta carrière ?

C’est un concours organisé depuis 2016 par la communauté des « Chineurices de House », le groupe Facebook aux 45 000 membres hosté par les DJ Gboi et JeanMi. Un jour, mon manager Ruben Pariente m’appelle : « Il y a le concours Producer Day dans deux jours, tu ne veux pas participer ? » Ce à quoi je réponds que je n’ai aucune idée de ce que c’est ! J’avais fini mon tout premier morceau deux jours avant, alors j’ai décidé de me lancer. Et j’ai gagné grâce à cette première production, « Morning Disco Tonic Bongo ». C’est un track house disco un peu rapide, à 135 BPM. Un peu banger, très solaire, parfait pour l’été. Il est devenu viral à ma grande surprise. À cette époque-là, je vivais en Angleterre où je faisais des études en stratégie digitale et innovation, je ne me suis pas rendu compte tout de suite de l’ampleur que ça prenait. Puis à l’été 2021, je suis revenue à Paris et ça a été à la fois hyper fou et hyper intense, car je n’avais jamais pensé à vivre de la musique.

Cette « mise en lumière » soudaine a-t-elle eu un impact sur ta santé mentale ?

Comme je te le disais, les choses se sont vraiment enchaînées très rapidement et ça a été beaucoup d’un coup. Ce n’est pas du tout évident pour moi d’être seule devant plein de gens, ce n’est vraiment pas en adéquation avec ma personnalité. Je ne me décrirais pas comme quelqu’un·e de timide, mais je suis souvent dans la remise en question et l’auto-critique. Être face à une foule que tu dois faire kiffer te met dans une situation de vulnérabilité [on pense notamment à l’expérience de la DJ Paloma Colombe pendant son set au Cabaret Sauvage, ndlr]. J’ai très peur de la critique et du regard des autres. Je n’avais que 21 ans à l’époque, aujourd’hui j’en ai à peine 23. Et puis c’est un milieu très masculin. Lorsque j’ai gagné le Producer Day, un homme m’a dit que j’avais gagné le concours uniquement car j’étais une meuf, que mon track était « facile » et que je n’aurais jamais eu autant de visibilité si j’avais été un garçon.

Tu as notamment fait partie du Vénus Club, un collectif féministe qui prône la fête libre, inclusive et safe. Pourquoi ce genre d’initiative est-elle importante dans la musique électronique selon toi ?

J’ai aidé à la création et au lancement du projet lors du confinement. Malheureusement, je n’ai pas continué avec elles sur le long terme car, n’étant pas en France à ce moment-là, je ne me sentais pas légitime de m’attribuer le travail fourni à part égale avec les autres membres du collectif. En revanche, le temps que j’ai passé avec elles m’a permis de dialoguer et d’échanger avec d’autres professionnelles du milieu. Vénus Club est un collectif fait par et pour toutes les femmes, qui met en avant des profils très éclectiques et qui nous donne de la visibilité dans le paysage musical dans lequel nous restons sous-représentées. Elles organisent des ateliers de mix, de professionnalisation, de production. Et c’est aussi un espace dans lequel nous pouvons nous regrouper en toute sérénité. Il est essentiel d’avoir de telles structures dans ce milieu-là.

Tu fais également partie du label Friendsome Records. Pourquoi ce label et quel est son credo ?

C’est un label qui a été créé en 2018 par mon manager Ruben Pariente et sa petite sœur Bluma Pariente, ma meilleure amie. C’est une affaire de famille ! Ruben est celui qui m’a donné mes premiers cours de mix. Le label est paritaire et intergénérationnel. Je suis la plus jeune, et l’artiste le/la plus âgé·e a 43 ans. L’idée était de créer entre nous une émulation intergénérationnelle où chacun·e apporte quelque chose à l’autre. Friendsome a également des engagements sociaux. À chaque fête que nous organisons, nous reversons 25% à des associations qui nous parlent, notamment Surfrider qui protège les fonds marins.

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Trouves-tu qu’il est important de lier musique et engagements ?

Oui. Pouvoir reverser des fonds à des associations qui soutiennent des causes qui me tiennent à cœur, et le faire grâce à ma passion, fait sens pour moi. Je reverse également toujours une partie des bénéfices de ma résidence au Badaboum à des associations.

Tu joues au Peacock Festival qui aura lieu les 8 et 9 juillet prochains, qu’est-ce que ça signifie pour toi de jouer dans un festival de cette envergure ?

Je suis hyper honorée ! C’est un festival auquel je me rends depuis que j’ai commencé à écouter de la musique électronique. Je me rappelle regarder les programmations en me disant « génial, il y a tel·le et tel·le artistes qui jouent ». Et cette année, je suis sur le line-up ! Je trouve ça beau et je suis très flattée. En plus d’avoir une programmation éclectique, Peacock met à l’honneur des jeunes collectifs et beaucoup de B2B. Il est important à mon sens de valoriser des groupes et non pas seulement des DJ d’une façon individuelle. En plus de ça, le cadre de ce festival est toujours génial.


Rendez-vous au Peacock Society le samedi 8 et le dimanche 9 juillet prochain au Parc de Choisy Chemin des Bœufs, 94000 Créteil, Paris Val-de-Marne. 
Pour prendre vos billets, c’est juste ici !

Relecture et édition : Sarah Diep et Anne-Charlotte Michaut

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