Mercredi soir, je suis allé voir « Bang Gang (une histoire d’amour moderne) », premier long-métrage d’Eva Husson dont j’avais déjà pu voir son court-métrage “Those for whom It’s always complicated”.
Je ne veux pas vous livrer une critique du film parce que je ne suis pas critique et je ne souhaite pas jouer la carte des étoiles, des sourires ou des pavés intellects en noir et blanc. Je souhaite simplement vous faire part de mon ressenti, de mes impressions sur ce ce film qui ne m’a pas laissé indifférent. Peut-être parce que je suis encore jeune, peut-être parce que la sexualité et les sentiments sont des sujets qui me passionnent, peut-être tout simplement parce qu’Eva Husson a su réaliser un film jouissif, sauvage, tendre et sincère. Peut-être aussi parce qu’elle aime ses personnages, elle aime ses comédiens, chose que je ne ressens que trop peu souvent dans le cinéma contemporain.
J’allais donc voir « Bang Gang » pour son sujet. Oui, je l’avoue, l’idée d’une partouze géante entre adolescents m’excitait à mort ! Pas pour voir un film érotique ou pornographique, juste parce que ce genre de sujet liant l’adolescence et le sexe me parle ; que ce soit au travers de films comme ceux de Larry Clark (Kids, Ken Park, Bully, The Smell of us, etc.) ou de Gregg Araki (Mysterious Skin, Nowhere, Kaboom, etc.).
Sexe, Mensonges et Vidéo.
Dès l’ouverture, le film réussit à me captiver par sa musique presque anxiogène et mystique au beau milieu d’une foule d’adolescents baisant dans les moindres recoins d’une grande maison. Ils sont là dans leur bulle, leur échappatoire au monde réel. Comme si tout ceci était d’une extrême jouissance, mais pas aussi bonne que cela puisse en avoir l’air. J’avais l’impression d’aller voir ce film parce qu’il s’agit d’un film sur l’adolescence avec toute la complexité que cette période de la vie peut impliquer ; un film sur cette fameuse histoire de bang gang.
Plus le film avance, plus j’étais heureux de voir la romance qui naît à l’écran. Pourtant dans ma tête, je me suis dit : “Pourquoi mes soirées ne sont-elles pas comme celles-ci ?” Mais au fur et à mesure, il y a quelque chose de triste et morose qui s’installe. Triste, parce que tellement juste sur les méfaits de la technologie, des réseaux sociaux et de l’omniprésence de la pornographie. Au départ, les réseaux sociaux sont au centre de l’insouciance, de l’amusement. Ils servent à se donner une image de soi et les personnages tentent de s’imposer par ce biais. Se créer une vie trépidante et hors du monde réel cadré par l’école, les parents et toutes les complications que la vie nous apporte. Mais la technologie les rattrape pour créer de l’enjeu dramatique tout en ne tombant pas dans un discours moralisateur. Eva Husson y plonge, nous y plonge. Les « bang gang » deviennent des impasses pour les personnages. Créer un jeu pour se divertir, repousser ses limites et prendre du plaisir collectif mais, finalement très individuel, devient progressivement un acte dont les personnages deviennent dépendants et où la volonté de s’échapper de ce jeu prend le dessus sur l’idée première de ce divertissement. La mélancolie s’installe. Mais il s’agit surtout d’un gouffre pour le personnage principal, George, qui par les sentiments qu’elle éprouve pour Alex puis pour Gabriel ne l’amène pas totalement dans la recherche du désir et du plaisir.
L’amour (n’) est (pas vraiment) mort.
Le « bang gang » apporte malgré tout un cadre pour la naissance de l’amour entre George et Gabriel à travers cette séquence magnifique où Gabriel rejoint le « bang gang » et croise George. Tous deux vont s’enfermer dans une pièce et non pas baiser mais faire l’amour. Les deux personnages sortent de leur bulle, s’ouvrent à l’autre, se laissent guider par ce qu’ils ont au fond d’eux.
Eva Husson est très proche de ces personnages quand ils font l’amour. Elle frôle les corps, les mélange. Ils ne forment plus qu’un tout contrairement aux « bang gang » où la caméra est moins proche, plus observatrice, plus suiveuse.
C’est là que la tendresse et la sensualité douce et simple percent le chaos sexuel. Quelques minutes plus tard, Gabriel rend visite à George au sujet d’une vidéo de George qui circule sur Youtube. Ils s’enlacent et à l’aide du mixage sonore les dialogues rendent compte des pensées intérieures de George.
George – Tu sens ça ? L’énergie qui circule entre toi et moi ?
Gabriel – Tu es folle.
George (pensée) – Ne gâche pas tout.
Cette pensée résume brillamment l’état d’esprit de notre jeunesse, comme s’il y avait la frayeur de tout gâcher qui nous empêcherait d’aimer ou du moins nous retiendrait d’aimer. S’empêcher pour ne pas en souffrir ensuite, avec cette idée que l’acte sexuel sans amour est plus simple.
Le film nous rappelle qu’à travers un contexte de morosité ambiante, de virtualisation généralisée, de consumérisme des relations et de fuite désespérée du réel, la simplicité et l’amour ne sont pas complètement morts. Ils en ressortent sublimés, sincères et uniques.
Une histoire d’amour moderne.
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Au cinéma depuis le mercredi 13 janvier.
Avec Marilyn Lima, Lorenzo Lefèbvre, Finnegan Oldfield, Fred Hotier, Daisy Broom.
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Facebook du film : https://www.facebook.com/bangganglefilm/?fref=ts
Tumblr d’Eva Husson : http://luxnoxlex.tumblr.com/
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