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5 questions à La Branlée sur leur nouveau porno queer et handi, à soutenir d’urgence

5 questions à La Branlée sur leur nouveau porno queer et handi, à soutenir d’urgence

Le collectif queer de production porno La Branlée a lancé une campagne pour la réalisation de son deuxième court métrage intitulé Une Envie Pressante, the crip basement. Il ne reste plus que deux jours pour aider ce projet aussi excitant que politique à voir le jour !

Fondé en 2020, La Branlée a déjà produit un premier porno lesbien, La cerise sur le gâteau. Fort·es de cette expérience, iels soutiennent aujourd’hui la production d’Une Envie Pressante, un film porté par Al Calin aka putain_en_petard, TDS handi militant. Le pitch ? « Avec ses béquilles dorées, Fox et sa.on copaine Lou rentrent d’une teuf le cœur et la vessie bien remplies lorsque leur nuit bascule. Sur fond de teuf techno, de sueur et de lumière flashy, Une Envie Pressante, the crip basement nous emmène dans une soirée d’anniversaire BDSM au cœur d’un disgrace party queer. » La réalisation de ce deuxième projet est conditionné à la réussite d’une campagne de crowdfunding. Pour vous mettre encore plus l’eau à la bouche, le réalisateur Al Calin, la cheffe opératrice Agathe NRV et la coordinatrice Petra von Schatz ont répondu à 5 questions sur le projet.

Manifesto XXI – Le film va se dérouler dans une « disgrace party queer », qu’entendez-vous par là ? 

AL CALIN (réalisateur) : Avant la question du genre, la découverte du sexe et du BDSM a été un moyen d’empouvoirement pour moi en tant que personne handi. Pendant 6 ans j’ai découvert le milieu sexpo et BDSM, c’est ce qui m’a permis par exemple de sortir de mon fauteuil. J’ai longtemps expérimenté les orgies et les séances de fouet avec plein de gens autour et j’y trouvais beaucoup d’excitation, de sécurité et de consentement. Quand j’ai commencé le travail du sexe puis que j’ai transitionné, j’ai été un peu surpris de constater que dans le féminisme mainstream et queer le BDSM souffrait souvent d’une mauvaise image, que c’était vu comme une violence, à l’inverse de ma vision. 

Une disgrace party c’est un espace où tu organises une séance d’humiliation, mais en réalité c’est un moment centré sur les désirs et envies de la personne humiliée. C’est une forme de célébration inversée ! En tant que personne trans et handi la teuf à été un moyen de créer du lien, un espace de joie. J’avais envie de mixer les deux : mettre en scène une disgrace party loin des cadres hétéronormatif et mêler à ça l’univers du “camp”, musique techno, BDSM hardcore et comédie ! 

la branlée


Al, dans tes sources d’inspiration tu parles de la chercheuse Loree Erickson, peux-tu expliquer ce qui te touche dans son travail ? 

AL CALIN (réalisateur) : Elle a une manière de présenter les corps handis dans ses films qui a été une révolution pour moi ! Elle fait des gros plans sur des corps qu’on n’a pas l’habitude de voir, d’une manière très organique. Et elle les présente d’une manière nouvelle, loin du stéréotype héroïque plein de pathos. C’est drôle, ça bave et ça s’amuse ! 

Pour moi son travail c’était une première. Et c’est ça qui m’a percuté : voir des films par et pour les personnes handis queer ! Être une personne handi aujourd’hui en France, c’est subir du validisme. Cette discrimination se déploie dans l’ensemble des représentations visuelles, qui sont dépeintes de manière binaire : soit corps à soigner, soit héros des paralympiques… Le prisme médical y reste omniprésent ! 

En France la lutte anti-valitiste reste très peu représentée. Ce qui n’est pas le cas au Royaume-Uni, au Canada ou encore en Allemagne, où les disability studies y sont, depuis plus d’une vingtaine d’années, absolument incontournables. 

J’espère avec ce film lancer un pavé dans la mare, et contribuer en France à la lutte anti-putophobie et anti-validisme, en montant des corps trans, handi puissants ! D’ailleurs je voudrais remercier et souligner le travail de mon ami·e Lucie Camous, co-fondateur·ice du collectif Ostensible : structure de recherche et création dans les champs des disability et crip studies.

Quelles sont tes productions porno préférées, celles qui t’inspirent ?

  • PERIOD CHAOS 6XX, de Porn freaks club. Il y a pleins de choses qui me parlent dans ce film: la musique, la lumière, le rythme… Les gens ne sont pas forcément entièrement nus, et pourtant c’est très excitant ! 
  • As you wish, My Lady, de Jo Pollux : Il y a dans ce film une esthétique très léchée ! Ça représente du BDSM hardcore mais de manière très sensuelle et poétique. C’est ce qui permet de détourner la vision violente qu’on imagine, pour montrer le rire et la beauté qu’il peut y avoir derrière. 
  • Snack time, de Ame Thyzt (House of Huit la Cooch) : J’ai beaucoup aimé l’aspect d’auto-fiction qu’elle amène dans le porno. Ça m’a beaucoup inspiré pour mon film car j’ai trouvé ça hyper excitant de mêler récit personnel et imagerie pornographique. 
  • Et évidemment j’ai envie de parler du travail de la Branlée ! Sans ce collectif le film n’existerait pas. Personnellement c’est ce qui m’a permis de passer à la création et de me sentir légitime. C’était important pour moi d’inscrire ma vision dans celle du collectif, auquel j’appartiens. Même si parfois c’est difficile, c’est important d’entrechoquer ses propres envies avec celles des autres. C’est comme ça qu’il en rejaillit toujours mille idées qu’on aurait pas pu penser seul. 

La Branlée permet de sortir de l’isolement et de collectiviser les moyens de production. On le sait le porno a peu de moyens de financement, notamment quand on veut le faire de manière indépendante, puisqu’il est exclu des institutions cinématographiques en France. C’est pourquoi on se retrouve obligé de passer par des moyens communautaires d’entraide, comme les cagnottes participatives. 

Comment envisagez-vous de filmer le corps queer et handi dans ce film ? Quelles sont vos réflexions sur l’éclairage, le cadrage…? 

AGATHE NVR (cheffe opératrice): Avec Mélodie Preux, directrice artistique du film, nous avons choisi une approche à la croisée du documentaire et de la fiction. C’est-à-dire un travail de la lumière et de l’image proches des productions de fictions pour les scène de comédie et une configuration plus légère pour les scènes de sexe. L’idée c’est que ce soit la caméra qui suive le jeu plutôt que l’inverse. C’est une manière, pour les scènes de sexe, de laisser les acteur·ices s’exprimer comme iels le sentent, et présenter leur corps selon leurs termes. On n’a pas voulu leur imposer la représentation qu’on s’imaginait elleux, mais plus les laisser créer d’elleux-même ces moments, au plus proche de leur propre vision. 

Ce choix entraîne forcément des risques à l’image. Par exemple on accepte qu’il se passera peut-être pas ce qu’on aurait souhaité. Les scènes se feront selon ce que les acteur·ices se sentent de proposer au moment du tournage. Mais c’est ça qui va rendre le moment incroyable ! On va découvrir et vivre les scènes en même temps qu’elleux, au lieu de les avoir écrit au mot près.

Le BDSM dans un spectre non hétéronormatif est clairement révolutionnaire, dans le sens où on sort la sexualité du sacro-saint pénétratif génital.

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Al Calin

En quoi la domination-soumission peut être une sexualité d’empouvoirement pour les personnes queers et/ou handi·es selon vous ? 

PETRA VON SCHATZ (coordinatrice d’intimité) : Il y a une possibilité de sortir de la vision premier degré qu’on a de la soumission-domination. L’empourvoirement dans ces pratiques se trouve dans la manière insurrectionnelle de les appréhender : renverser les rôles, se moquer d’eux, les emmener ailleurs… c’est faire fondre la rigidité des carcans pour les modeler à l’image de son corps. Et c’est un pouvoir phénoménal quand on a justement un corps que la société ne veut pas regarder. 

C’est pour ça qu’en tant que coordinatrice d’intimité c’est important d’écouter ce que les acteur·ices ont comme limite mais aussi ce qu’iels ont comme désirs ! J’ai envie de célébrer les kinks et envies de chacun·es pour qu’à l’image on voit une explosion de plaisir ! 

AL CALIN (réalisateur) : Ça a toujours été frappant pour moi de constater qu’avec mon corps handi faire du BDSM était inconcevable pour la majorité des gens. En effet mon corps est vu comme fragile, un corps qu’il ne faut pas toucher ou regarder. C’est un objet de non désir, sans sexualité. Le BDSM m’a permis, dans un cadre sécurisant où le consentement est présent à tout moment lors de longues discussions et négociation, de comprendre que mon corps était beau, qu’il existait et qu’il pouvait susciter du désir. Selon moi on ne parle pas uniquement de la domination-soumission, mais du BDSM dans ce qu’il a de plus large et polymorphe (shibari, sensorialité, explorer ses ressentis…). 

Le BDSM dans un spectre non hétéronormatif est clairement révolutionnaire, dans le sens où on sort la sexualité du sacro-saint pénétratif génital. D’un coup le sexe peut prendre à parti tout le reste du corps comme un espace de jeu infini, ce qui est parfois réjouissant pour les personnes trans qui vivraient de la dysphorie. Par exemple, il m’arrive de faire du needle play (jeu d’aiguille) avec des partenaires, dans un cadre sans désirs ou tensions sexuelles, mais qui procure mutuellement beaucoup de bien ! On pourrait presque rapprocher le BDSM à une pratique communautaire de soin. On devrait normalement voir un·e domina comme on voit un·e kiné !


Soutenir Une Envie Pressante !

Image à la Une : © Mélodie Preux @croptymelimelo

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