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Rencontre avec The Vacant Lots

Rencontre avec The Vacant Lots

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Mardi dernier, Brian MacFadyen et Jared Artaud de The Vacant Lots se produisaient à la Mécanique Ondulatoire. On a pu les rencontrer un peu avant leur concert pour leur poser quelques questions, à l’occasion de la sortie de leur EP Berlin, produit par Anton Newcombe des Brian Jonestown Massacre. Newcombe n’est pas le seul musicien prodige a avoir pris le groupe de garage psyché sous son aile puisque leur mémorable premier album Departure avait déjà été produit par nul autre que Sonic Boom, un des leaders de Spacemen 3. Connu pour faire saigner sa guitare (et ses doigts) à chaque concert, Jared Artaud n’a pas dérogé à la règle ce soir-là, livrant une performance cosmique et électrique. Ensemble, ils ont un but, réveiller le public, et c’est exactement ce qu’ils ont fait avec une foule prête à défier ce qu’il reste d’un futur incertain.

Manifesto XXI – Salut Brian et Jared. Étant donné que vous êtes en pleine tournée européenne, je suis curieuse de savoir où vous étiez hier soir.

Brian : On était à Rennes hier soir, c’était une très bonne soirée. En France on aime bien le côté rude et graveleux, on sent vraiment le côté rock’n’roll des lieux où l’on joue. C’est toujours plus excitant que de jouer dans des endroits stériles qui ont des airs de salles d’attentes de docteurs. Ici, à la Mécanique Ondulatoire, on adore le fait de jouer dans une cave avec des murs en pierre, ça donne une atmosphère sombre et intimiste.

En tournée, vous arrivez toujours à créer des sets qui vous ressemblent, avec des projections d’images par exemple ?

Jared : Pour cette tournée on n’utilise plus de visuels. On met un temps fou à faire des collections d’images pour les projections donc on est encore en train de bosser sur la prochaine. On travaille aussi avec un graphiste. Mais à ce moment présent, on se concentre uniquement sur la musique.

Faisons un bond dans le passé pour parler de votre rencontre et des débuts du groupe.

Brian : On s’est rencontrés à Burlington, dans le Vermont, où j’habite encore. On a commencé à faire de la musique ensemble assez naturellement. On jouait avec quelqu’un d’autre aussi mais, comme dans toutes les disciplines, tu sens si le courant passe ou pas. On savait que l’on finirait par rester tous les deux. On n’a pas collé des posters des White Stripes sur nos murs en se disant « c’est ça qu’on va faire ! », le format de binôme s’est imposé après avoir essayé en vain d’intégrer d’autres musiciens au projet. J’ai commencé en jouant de la batterie et ça a progressé en quelque chose de plus électronique.

Jared : Je pense que la force et l’intensité de nos chansons marchent le mieux lorsqu’on est tous les deux. On remplit tous les espaces qui pourraient être occupés par d’autres donc c’est un challenge constant que de continuer à pousser le son plus loin.

Étant donné que vous n’êtes que deux sur scène, ce que l’on entend lors d’un concert est-il très différent de l’album ?

Brian : Le nouvel album qui sort en 2017 est beaucoup plus fidèle à la sonorité de nos lives actuels, mais on essaie constamment de changer et de progresser. Une fois que l’on a trouvé une manière de traduire l’album en concert, on veut immédiatement la modifier et l’améliorer.

Jared : Pour rebondir sur ta question précédente, notre relation est très forte, on est comme des frères, et que l’on soit en studio ou en concert, il n’y a pas de place pour un autre musicien. La musique peut être décrite d’une certaine manière ou se voir attribuer certaines étiquettes mais lorsqu’on la fait, c’est uniquement notre vision qui entre en jeu. On aime quand même travailler avec des producteurs ou des ingénieurs en studio. Pour l’EP Berlin, on a travaillé avec Anton Newcombe des Brian Jonestown Massacre. Tout s’est fait en une journée dans son studio.

Comment s’est faite la rencontre avec Anton Newcombe ?

Brian : On a tourné avec les Brian Jonestown Massacre en Angleterre pour cinq concerts. Anton a bien aimé ce qu’on faisait, et à un moment donné, il est monté sur scène et a joué avec nous. C’est à ce moment-là qu’on s’est doutés qu’il y aurait une forme de collaboration. Il n’y a jamais eu de deal officiel avec un contrat et tout le bazar, c’était très spontané. J’ai retrouvé quelques démos sur mon ordinateur et on en a fait quatre morceaux. C’était rapide et impromptu.

Mise à part la musique, qu’avez-vous appris de lui sur un plan plus personnel ?

Brian : Il a une énergie débordante ! C’est le genre de mec qui ne s’arrête jamais de créer. L’atmosphère qu’il répandait a vraiment eu un effet sur la création de cet EP, même si c’est une chose un peu subliminale. Sa manière de produire est si constante et cohérente que l’on apprend vite à se calquer sur cette façon de penser frénétique. Au début, on avait l’impression de partir à la guerre. (rires) C’est intéressant parce qu’on ne travaille pas aussi vite normalement, donc ce qui en est sorti est forcément différent de ce que l’on a fait dans le passé.

Pourquoi avoir appelé cet EP « Berlin » ?

Brian : Tout simplement parce qu’on l’a enregistré à Berlin, dans le studio d’Anton Newcombe.

Jared : On avait juste un jour off pendant la tournée et on a appelé Anton pour dîner ensemble. Au lieu d’un petit dîner il a dit « rien à foutre, faisons un disque ! ». On n’avait pas dormi la nuit d’avant, on est arrivés au studio et on s’est mis à bosser directement. On a travaillé d’une manière très instinctive, sans trop réfléchir. On balançait plein d’idées pour ne retenir que les meilleures. Il y avait aussi quelque chose de magique à propos de Berlin où l’atmosphère est unique : quelque chose de froid et puissant.

Vous vous êtes rencontrés dans le Vermont. Vous avez été inspirés par les paysages et l’atmosphère paisible là-bas ?

Jared : Pas du tout. J’ai grandi dans le New Jersey donc je n’ai passé que quelques années dans le Vermont. C’est très beau mais je ne crois pas que la nature ait inspiré notre musique. Cet endroit est très isolé et les gens nous fichaient la paix, donc on avait le temps de s’adonner à nos projets musicaux. Beaucoup nous disent qu’on a un « son de New York », ce qui paraît paradoxal pour un groupe qui est né dans le Vermont. Je crois que le rock ne s’inspire pas de la nature mais plutôt des univers plus urbains. Là où j’ai grandi, près de New York, lorsque j’entrais dans la ville, il y avait des sons partout, que ce soit des ambulances, des sirènes de pompiers ou des machines à laver. C’est vraiment ce genre de choses qui m’a inspiré moi et d’autres groupes comme les Stooges et le Velvet Underground. J’ai toujours recherché la stimulation par la lumière et les sons.

Lorsque j’avais 16 ans, je me souviens avoir regardé une émission à la télé où Iggy and the Stooges passait et ça a totalement changé ma vie. Je ne peux pas expliquer de manière rationnelle pourquoi cette musique m’a autant touché mais tout est une question d’instinct. Par la suite, j’ai découvert des groupes comme Suicide et Spacemen 3, et j’écoutais aussi beaucoup de jazz.

Même si Brian a grandi dans le Vermont, je l’ai toujours trouvé très urbain. Captain Beefheart vit dans le désert mais sa musique n’est pas un truc de hippie, c’est hyper puissant et presque punk. Ce qui est inspirant, ce sont les idées et non le fait regarder par sa fenêtre pour voir une putain de montagne. Je pense que je me nourris beaucoup plus d’art et de littérature que de la vision d’un lac ou d’une randonnée. J’étais avec ma copine à Joshua Tree et pendant la balade, j’étais en train de me demander ce que ça donnerait si un guitariste se mettait à jouer dans un coin. J’ai toujours dans l’optique de remplir le vide et le silence.

Jared, tu as publié un recueil de poèmes appelé Empty Space. Avec un tel titre, à quel degré est-il lié au projet Vacant Lots ?

Jared : Les deux projets sont intimement liés car ils découlent d’une même vision. Si tu es fidèle à cette vision, peu importe ce que tu fais, tout est passé à travers un même filtre. Juste avant de rencontrer Brian, je me souviens avoir dit à ma copine qu’il n’y avait rien qui se passait à ce moment-là que j’avais envie d’entendre. J’avais dans la tête ce que je voulais entendre à un concert et ça ne se produisait jamais. C’est la raison pour laquelle j’ai commencé à faire de la musique.

Lorsque j’écoute le premier album, je remarque qu’il y a un certain aspect intemporel avec des morceaux qui ne se définissent pas dans un temps donné. C’est une volonté de donner ce caractère à votre musique ?

Jared : Je crois qu’on a toujours dans l’idée de créer un travail intemporel. J’espère que lorsqu’on ne sera plus de ce monde, notre musique inspirera d’autres personnes. On est très conscients de créer quelque chose de puissant et quand tu fais ça, tu es sur la bonne voie pour trouver un son qui t’est propre. Même si c’est difficile, ça en vaut vraiment la peine. Il n’y a pas de place pour les conneries, c’est complètement sincère, direct et honnête. Ce sont des éléments que j’ai perçus dans la musique que j’aime et que je souhaiterais apporter dans notre projet. Il s’agit de garder l’essence de ce qui fait un album de Patti Smith ou de Television si bon.

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Beaucoup de vos chansons ont une certaine tristesse ambiante. Pensez-vous que les idées noires poussent à la créativité ?

Jared : Bien sûr, et c’est le créneau dans lequel je me positionne. Je suis très concentré sur ces thèmes et c’est très douloureux de parler de choses comme la mort, la perte d’un être cher ou la dualité de la nature humaine. C’est ce vers quoi je suis naturellement attiré, mais quelqu’un qui écoute du Beyoncé ne va pas être réceptif à notre musique. Je traite de thèmes universels mais d’une perspective sombre. Avec le deuxième album, je voulais aller plus loin dans l’introspection et me plonger plus profondément dans ces thèmes. Je suis naturellement attiré par des artistes minimalistes. Je trouve qu’il y a quelque chose de très puissant dans ce qui peut être perçu comme très simple ou minimal. Je me souviens être en train d’écrire quelques-unes des paroles sur le dernier album et devoir arrêter net car c’était trop douloureux. Je me sentais comme un plongeur sous-marin sans son tuba. En même temps, j’aime la douleur d’une certaine manière, et si on ne passe pas sur MTV à cause de ça, je n’en ai rien à foutre. Je préfère faire de la musique qui est fidèle à ce que je suis. Parallèlement à ça, on peut parler de thèmes sombres sans faire de la musique sombre. On aime jouer sur la dualité des émotions. La clé, c’est de ne pas être complètement sombre et de le balancer avec de la lumière. Si je devais me faire un tatouage, ce serait cette phrase : « through the darkness there is light ».

Tout votre artwork est centré autour des illusions d’optique, c’est pour mieux hypnotiser le public ?

Jared : J’aime bien l’Op Art minimaliste. Il y en avait beaucoup dans les années 1960 et il y a certains artistes contemporains qui s’en inspirent. On veut vraiment faire un bel album visuellement. Pour la question d’hypnotiser le public, on préfèrerait le réveiller ! Partout dans le monde, les gens doivent se réveiller. Regarde le climat politique de mon pays et du tien, il n’y a pas le temps de se reposer.

On a fait la pochette du premier album nous-mêmes, mais pour l’EP on a fait appel à Anthony Ausgang qui est un de mes peintres favoris à Los Angeles.

Vous avez joué dans beaucoup de festivals psychés comme le Austin Psych Fest. Vous avez prévu de venir au festival Levitation ?

Jared : Ça a l’air cool, on aimerait beaucoup y aller s’ils nous invitent !

Merci à Hidden Frequencies !

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