À une époque où les séries connaissent leur heure de gloire et où il est toujours plus glamour d’être féministe, on est allées rencontrer Déborah Hassoun, Dorothée Lachaud et Anaïs Carpita, trois des cinq membres de la Mafia Princesse, un collectif de scénaristEs qui veulent raconter ce qu’elles ont à raconter. Et c’est pas plus mal, parce qu’une meilleure représentation des femmes, ça passe aussi par le fait de mettre des femmes aux commandes. Extraits choisis d’une conversation rondement menée sur l’engagement, la dichotomie ciné/tv en scénario et Buffy contre les Vampires.
Est-ce que vous pouvez présenter la Mafia Princesse et son fonctionnement?
Déborah Hassoun : La Mafia Princesse c’est un collectif qui prend une forme d’atelier. En fait il y a eu beaucoup de collectifs d’auteurs qui se sont créés ces dernières années et on fait partie des premiers. Le principe c’est de se retrouver entre auteurs et de s’entraider, de lire les projets. Voilà, dans les vrais collectifs d’auteurs, parce que nous on est plus un atelier qu’un collectif, il y a des rendez-vous toutes les deux semaines et tu te retrouves en groupe et il y a un projet qui est lu.
Qu’est-ce qui vous a amené à vous rassembler ?
DH : À l’origine, c’est moi qui ai réuni tout le monde, parce qu’on m’avait demandé d’écrire un projet assez rapidement. Je n’avais rien dans mes tiroirs qui correspondait et j’avais rencontré Anaïs, Dorothée, Alice et Charlotte dans un festival, le Festival des Scénaristes. Et en fait, ça m’intéressait de faire une sorte d’expérience d’écriture collective où on se met pendant un mois autour d’une table et on voit ce qu’il en sort. Et donc c’est comme ça que s’est formée la Mafia Princesse.
Et qu’est-ce que ça a donné cette expérience?
DH : Il y a un projet qui est sorti de ça, Cousines, qui a beaucoup circulé, qui a été lu, qui n’a jamais été acheté. On a gagné une aide au CNC. Et en fait comme nous ça nous avait plu de travailler ensemble, on s’est dit qu’on allait en refaire un autre. Donc on a refait un truc qui s’appelle Manhattan Club, toujours un peu comédie et toujours avec cette idée de mettre des femmes en points de vue. Pas forcément des projets féminins mais plutôt des personnages de femmes intéressants et qu’on a pas l’habitude de voir à la télévision en tant qu’héroïnes.
Avoir un point de vue féminin sur la société. Plus que de faire un « projet de filles », l’idée c’est plus ça, d’avoir une parole qui s’exprime.
Ces deux projets-là, c’était sous forme de comédies, ça nous a permis de rencontrer pas mal de producteurs, de faire circuler.
Vous pouvez nous parler un peu plus de Femmes, votre projet en cours ?
DH : Véronique Marchat, qui est une productrice qui bosse depuis trente ans, nous a appelées parce qu’elle voulait créer une série sur un magazine féminin d’après-guerre.
Dorothée Lachaud : Pas d’après-guerre, elle a dit d’époque. C’est nous qui avons proposé l’époque.
DH : Nous ce qui nous a intéressées, c’est la sortie de la guerre et donc on lui a proposé une page et demie, trois personnages et un petit pitch. Et ça lui a plu et elle nous a commandé la bible et elle a vendu la série à TF1. Et depuis on travaille pour cette série où on est assez avancées avec six épisodes dialogués. C’est du drama alors que ce n’est pas ce qu’on avait plutôt lu de nous, et nous c’est pour ça que ce qui nous intéresse c’est plus par projet. On est pas spécialement dans un genre, après c’est vrai qu’aucune de nous n’écrit du polar….
Anaïs Carpita : Pourquoi pas !
DH : C’est pas trop dans notre ADN, mais après tu vois s’il y a un projet…
DL : Moi ça me plairait mais j’aurais peur de ne pas savoir faire.
Vous êtes prêtes à vous diversifier, en tout cas, sur le genre. Mais il y a une constante : les personnages féminins, c’est une décision motivée. Et vous travaillez essentiellement entre femmes, est-ce que pour vous c’est motivé ? Est-ce que c’est un safe space?
DH : En fait, le premier projet il était très féminin. Un producteur m’avait demandé si je n’avais pas un projet sitcom avec que des nanas dans mes tiroirs et quand j’ai eu l’idée de faire le collectif, dans ma tête il n’y avait que des filles, parce qu’on était que sur un projet. Derrière, je ne savais pas ce qui allait se passer. Et j’ai fait pas mal d’ateliers et je trouve que le problème c’est que quand il y a plus d’un seul garçon autour de la table, ça vire un peu à la bataille de couilles. Et à la bataille de vannes aussi, quand c’est de la comédie. C’est un peu chiant parce que ce n’est pas le but, le but c’est de trouver des situations et des intrigues. Moi ce que je recherchais c’était pas ça. Alors on s’est retrouvées avec notre projet à la fin et on cherchait un nom de collectif.
Et donc, d’où il vient ce nom ?
DH : Avec ma copine Lolita du lycée, c’était un truc à la con, comme on avait plein de copains qui travaillaient dans le 6ème comme serveurs, dont rue Princesse, et vu qu’on bouffait gratuit, on passait nos journées là-bas, d’un bar à un autre, on avait appelé ça la Mafia Princesse.
DL : C’était pas du tout pensé pour que ça dure sur des années.
DH : Finalement, ça nous définit bien, c’est un moyen de dire qu’on se prend pas trop au sérieux et puis qu’il y a aussi un truc d’entraide qui est très fort et quelque part le mot « mafia », il dit ça. Et puis aussi qu’on nous prenne pas pour des moins-que-rien parce qu’on est des princesses. Quelque part ce nom, il dit ça aussi, même si c’est très comédie.
Ça rejoint un peu la question sur la comédie, j’avais vu que vous faisiez beaucoup de comédie au départ, qui est quand même un milieu hyper masculin. Dans ce que vous faites, vous me rappelez un peu toutes ces meufs du SNL.
DH : On est beaucoup moins comédie quand même, moi j’ai pensé au fempire qui est le collectif de Tina Fey et Amy Poelher. On n’est pas comme Natoo et tout ça, qui sont plus dans ce truc-là, et qui pensent vraiment une certaine idée de la femme, et je trouve ça super qu’il y ait une nana qui fasse ça sur internet. Nous on est moins comme ça parce que déjà on n’est pas comédiennes.
Comment pensez-vous qu’on puisse être engagées dans le milieu du cinéma et de la télévision à l’heure actuelle ? Est-ce que vous pensez que c’est nécessaire aussi ?
DH : Moi je trouve que faire un projet comme on le fait nous, c’est-à-dire parler de l’émancipation de la femme, de pionnières, c’est une façon d’être engagées. C’est un projet politique quelque part même si c’est très romanesque.
AC : Enfin c’est complètement politique.
DH : En tout cas pour nous, on le vit comme quelque chose d’idéologique. Après moi je m’en fiche un peu que la chaîne ou la prod le vivent comme un truc idéologique, ce qui compte c’est nous parce qu’on a envie de le raconter.
Ça pose la question de la représentation.
DH : Voilà. C’est aussi un moyen qu’il y ait des rôles intéressants pour des femmes qui ont dépassé les quarante ans. Il y a aussi des rôles pour des plus jeunes, hein. On est inspirées par des figures de l’époque et c’est un hommage qu’on leur rend en disant aussi qu’on pourrait pas écrire cette série aujourd’hui si elles n’avaient pas été là quelque part. Ce qui nous intéresse c’est aussi de faire une série populaire qui soit accessible, parce que ça a toujours été notre volonté et qu’on a une chaîne en face qui est comme ça. Notre référence, c’est plus Downtown Abbey que Mad Men.
DL : Dramaturgiquement, c’est proche de Downtown Abbey, après dans ce qu’on dit de l’époque on est quand même pas très éloignées de Mad Men, ou de Masters of Sex. Après, comme dans Downtown, tu as plein d’histoires romanesques, mais on fait moins résonner la grande histoire.
AC : Oui mais tu parles de sujets comme avoir un enfant seule, l’avortement, l’émancipation des femmes…
DH : C’est en ça que c’est un mélange. Parce qu’on parle de sujets intimes, tous les personnages de femmes dans cette série sont traversés par des sujets intimes, les personnages d’hommes aussi.
On a beaucoup travaillé là-dessus parce qu’on ne va pas faire comme les mecs qui ont écrit des séries sans nanas. Ça a aussi été un mot d’ordre, qui est d’ailleurs un travail parce que ce n’est pas une évidence.
J’ai compris aussi pourquoi parfois dans les films de mecs les personnages de nanas étaient nazes : c’est parce que peut-être aussi ils ont un peu de mal à se mettre à leur place, mais c’est vrai que ça a été un gros travail à faire.
DL : Mais c’est ça surtout, au départ, on s’est pas dit et on se dit généralement pas « On va faire que des personnages féminins » : en fait, tu écris ce que tu connais. C’est plus facile de partir de ton épicentre pour après ouvrir. Forcément pour nous, c’est plus facile d’écrire sur des femmes, même si c’est des femmes au lendemain de la guerre. C’est plus facile pour nous de nous projeter dans des personnages féminins que dans des personnages masculins, même si on le fait et qu’on réussit à le faire.
DH : Après on trouve l’identification ailleurs, dans les problématiques intimes.
DL : L’idée c’était aussi de créer des personnages masculins dans une représentation en dehors de la virilité habituelle, c’est-à-dire en dehors du rapport homme-femme classique. Tu présentes aussi des hommes dans un premier temps dans leur position sociale. Mais aussi très vite dans leur sensibilité, dans leurs fragilités, dans leurs paradoxes, etc.
DH : On veut créer des choses qu’on ne montre pas d’habitude.
DL : On n’est évidemment pas les premières à faire ça, quand tu prends les séries qu’on a citées plus tôt, c’est leur approche aussi. Mais c’est vrai que quand tu regardes le paysage des séries made in France d’époque, souvent je trouve que c’est une couche qui fait un peu défaut.
Ce qui est intéressant c’est que vous dites que TF1 est intéressé par le projet, et sans vouloir faire de dichotomie France/Etats-Unis, aux Etats-Unis, il y a un truc beaucoup plus assumé, j’ai l’impression, de la « mainstreamisation » d’un certain engagement des personnages féminins, et en France, est-ce que ça viendrait pas petit à petit ?
DL : On est au début.
DH : En même temps, ce qui est contradictoire, c’est qu’il y a beaucoup, beaucoup de séries avec des personnages féminins en France.
DL : La majorité même.
DH : Parce que de toute façon, vu que c’est de femmes qui regardent beaucoup la télévision, il y a une représentation qui est assez importante.
La question, c’est de savoir s’il y a des femmes scénaristes derrière ?
DH : En France, il y a beaucoup de scénaristes femmes, surtout en télévision. Et je pense que c’est ce qui fait qu’il y a des changements ces dernières années, c’est qu’il y a un renversement.
AC : C’est très féminin comme profession, en télé. Mais ce qui est intéressant, je ne sais pas s’il y a des statistiques, mais souvent c’est en train de s’inverser. Souvent, les directeurs de collection, ce qu’on appelle showrunner, tu as plus d’hommes que de femmes ou alors ça s’équilibre. En réalisation aussi, il y a beaucoup plus d’hommes que de femmes.
DH : Les directeurs de collection, c’est en train de s’équilibrer.
AC : C’est en train, mais franchement, on n’y est pas encore.
DL : C’est la société française, c’est-à-dire que les postes à responsabilités c’est des hommes, en écriture et en création. Parce que dans les chaînes, tu as beaucoup de femmes responsables.
DH : Plus haut, directeur de programmes, là tu as une certaine majorité d’hommes.
AC : Mais c’est en train de bouger.
Ça rejoint mon autre question, à savoir, vous, en tant que femmes, quelle est votre expérience dans un milieu qui est celui de la télévision et du cinéma ?
DH : Nous on a de la chance d’arriver, entre guillemets, juste « après la bataille », parce qu’on profite du travail des pionnières.
DL : On arrive à une bonne période.
DH : Je pense que le fait qu’on soit un collectif, qu’on soit toutes les trois créatrices de la série, le fait d’être ensemble, ça nous protège pas mal aussi. On a créé notre forteresse et notre façon de travailler.
DL : On travaille régulièrement avec des hommes à l’extérieur par ailleurs.
Mais c’est sûr qu’on ne peut pas dissocier notre façon de travailler d’une lecture genrée.
Parce que c’est évident qu’entre femmes, il y a des choses qui se règlent plus vite, c’est plus simple.
AC : Peut-être que le réal sera un homme, on ne sait pas.
DH : Nous on n’est pas contre, on cherche juste le meilleur réal.
AC : Mais par contre c’est marrant, parce qu’en cherchant des réalisateurs ou des réalisatrices, on s’aperçoit que trouver une femme réalisatrice qui soit capable de porter cette série en termes de notoriété et de ce qu’elle a fait, il n’y en a quasiment aucune. Il faut quelqu’un ou qui ait déjà une expérience de la série, ou du long, qui soit compatible avec TF1, il y en a quasiment pas.
Par rapport à la télévision, il y a longtemps eu une dichotomie entre TV et cinéma, est-ce que vous pensez qu’elle est encore d’actualité ?
DH : Il y a plus de scénaristes qui travaillent pour les deux maintenant qu’avant.
DL : Évidemment, mais il y a une vraie dichotomie. Ne serait-ce que, regarde ce qu’il s’est passé là, le Syndicat des Scénaristes, enfin tu peux peut-être en parler.
DH : Moi je pense qu’il y a une dichotomie entre deux cinémas, qu’il y a un cinéma d’auteur et un cinéma plus populaire, et ceux qui ont du mal à s’entendre avec les scénaristes de télé dans les droits qu’on demande, là on parle bien de droits, du syndical, c’est plus le cinéma d’auteur. Le scénariste de cinéma d’auteur il a un rapport privilégié au réalisateur.
AC : Il est très différent de celui qu’on a en télé.
DH : Très différent, mais maintenant on retrouve des dynamiques qui sont les mêmes qu’en télé et en cinéma aussi sur un cinéma plus gros, où la scénariste travaille avec le réal de façon moins continue, où le projet est lancé par une production, et ensuite on trouve un réal. Ceux-là, ils se retrouvent encore à la Guilde des Scénaristes, et après, les autres, ils ont formé une association qui s’appelle le S.C.A. (Scénaristes de Cinéma Associés). Je pense qu’eux, ils ont un rapport à leur métier où ils acceptent d’être payés moins, pour faire des petits films.
AC : La série ça ne leur parle pas du tout par exemple.
DH : Moi, j’ai toujours préféré la télé au cinéma. Je suis cinéphile mais je suis beaucoup plus série-phile.
Vous n’envisagez pas de travailler dans le cinéma ?
DH : Si bien sûr.
DL : À la base, je suis plus cinéma que télé. Après, j’ai beaucoup regardé la télé. Mes premiers films, je les ai vus à la télé. J’ai découvert le cinéma par la télé. Il y a la télé comme support de création et comme objet dans ton salon. En tant qu’objet dans mon salon, ça m’a permis de découvrir le monde. Je suis une enfant de la télé, qui est cinéphile, et qui a envie, aussi, de faire du cinéma et de travailler pour le cinéma. En tout cas, je ne me l’interdis pas. D’ailleurs, on a toutes des projets de cinéma. Après il y a une question d’expérience aussi. C’est comme nous là, tous les projets qu’on nous propose, c’est des séries d’époque féminine.
DH : Faut faire autre chose quoi.
AC : Moi je me dis que les gens manquent un peu d’imagination en ce moment.
DL : C’est toujours comme ça.
Votre projet idéal à chacune, ce serait quoi ?
DH : En même temps, j’ai l’impression qu’on fait un peu notre projet idéal.
AC : Après quand celui-là serait fait, il y en aura toujours un autre.
DH : Après moi je suis une grande fan de séries ado, donc je perds pas l’envie d’écrire une grande série ado un jour. J’y ai fait mes armes et j’ai adoré. Après, c’est au projet. Il y a un film que j’ai écrit et que j’ai envie de réaliser. C’est vrai que le cinéma, je le vois plus comme un truc où moi je réalise, la télé non. J’ai vraiment l’impression de créer une œuvre en écrivant une série. Même quand on est plusieurs, je m’y retrouve totalement. Et ça c’est vraiment hyper agréable. En cinéma, je suis encore un peu frileuse sur le rapport au réalisateur, parce que je suis une scénariste qui prend beaucoup de place aussi, donc faut que je trouve le réalisateur qui accepte ça.
DL : Anaïs, tes rêves ?
DH : Anaïs, elle a deux rêves qui se sont réalisés, elle a son film avec Marie-Sophie, c’était quand même un rêve.
AC : C’est en train d’être réalisé, je ne sais pas ce que je vais faire après ! C’était un des projets dont j’étais la plus fière, qui s’est réalisé. C’est un long-métrage, qui est en montage maintenant, qui n’est pas du tout de moi, je suis arrivée après une première version. C’est coécrit avec quelqu’un dont je suis très proche. Après, c’est très différent de ce qu’on fait en série, c’est vraiment aider quelqu’un, la guider du mieux possible, l’aider à accoucher. Ça parait très con : rebondir, absorber, mais c’est être beaucoup plus en retrait. Là sur Femmes, on est trois, mais on est trois à égalité, on a un vrai regard sur ce qu’on raconte, on débat.
DL : C’est vrai que quand tu accompagnes un réalisateur, ça n’a rien à voir.
DH : Au bout d’un moment c’est lui qui a le dernier mot.
AC : Mais c’est quelque chose que tu acceptes dès le départ.
DL : Ce n’est pas que c’est lui qui a le dernier mot. Tu laisses rebondir, tu laisses ricocher ses idées sur toi, et parfois tu en lances toi, parfois il les attrape, parfois pas, mais ce n’est pas du tout le même rythme quoi.
AC : Moi pour le coup, je ne pourrais pas faire que ça. Je ne pourrais pas être qu’une scénariste de cinéma. Mais c’est honnête, ça dépend de ce que tu as envie de raconter aussi.
Est-ce que le principe du showrunner aux Etats-Unis, ce n’est pas un moyen d’avoir une visibilité sur le projet du début à la fin?
DH : Le showrunner, il est producteur, il n’est pas réalisateur. Il ne peut être que producteur. Et en France, des vrais showrunners, il n’y en a que trois. La réalité c’est que pour avoir un vrai contrôle sur un projet TV, il faut produire. C’est pas la réal en fait, parce que les réal de TV, au contraire, ils n’ont pas tant de contrôle que ça au final. Après, justement, on a une copine, sa grande peur c’est que les réal de cinéma se disent tous qu’il faut faire de la télé, et qu’ils nous utilisent en télé comme ils nous utilisent en cinéma. Elle est en panique là-dessus.
Mais ce succès, c’est bien la preuve que la série est un peu le roman du XXIème siècle.
DH : Ça donne envie parce qu’on est dans une nouvelle configuration, où il y a plus de possibilités qu’avant. Maintenant, il y a plus de vrais fans de télé qui écrivent pour la télé. On a des scénaristes qui aiment vraiment la télé, alors que c’était pas nécessairement le cas avant.
DL : Moi j’ai été biberonnée à la télé. Samedi après-midi, tu allumais TF1, de 14h à 19h. Avant de sortir au cinéma, je matais des séries.
DH : Moi aussi !
AC : Moi, vu où j’habitais, le samedi après-midi, j’étais à la campagne, dehors dans le jardin et le soir, je regardais la Trilogie du samedi.
DH : Moi j’étais très Trilogie. Pour moi, Buffy, ça ne s’est jamais arrêté.
C’est un peu une des séries fondatrices de ce que peut être la série aujourd’hui.
DH : Là, en termes de séries féministes, bien avant l’heure et bien avant tout le monde, et justement idéologiquement féministe sans pour autant que ça se voit, ça l’était quand même énormément !
AC : Les vrais préfèrent Buffy, c’est ma théorie.
DH : Après c’est la difficulté de la télévision et du scénariste télé, c’est de faire de l’idéologique, sans que ce soit de l’idéologique.
Il existe pas mal d’aides en France, le CNC, les résidences. Est-ce que vous, vous êtes passées par là ? Est-ce que ça fonctionne bien ?
DL : Hyper bien, c’est hyper transparent. C’est très dur d’en avoir, donc on aimerait qu’il y en ait plus, notamment des aides régionales, parce qu’en région, il y en a de moins en moins des aides à l’écriture. En tout cas, elles ont été redistribuées différemment avec la réforme des régions.
AC : Ça a été un bordel monstre d’ailleurs.
DL : Et ça, c’est un petit peu dommage. Mais par contre, on en a toutes un petit peu bénéficié. Déborah et moi, on a toutes les deux fait l’atelier du scénario de la Fémis, c’est un atelier d’un an. C’est une formation payée par l’AFDAS, qui est très concrète, et l’idée c’est de sortir de cette année d’atelier avec une V1 dialoguée.
DH : On a toutes eu des aides d’écriture du CNC.
DL : On a eu le fonds d’aide à l’innovation. En fait, ce qui est génial dans ces aides, c’est que, au début, quand tu travailles pas pour des boîtes, pour des chaînes, et que tu es tout seul avec tes rêves, tes projets, tes angoisses, c’est un signal.
C’est des systèmes de validation qui sont hyper sélectifs aussi.
DH : Oui mais ça, j’ai envie de dire, c’est la vraie vie aussi. C’est un métier, tout le monde ne peut pas le faire. Moi je ne peux pas être prof de maths. Oui c’est sélectif, mais être scénariste, c’est sélectif aussi.
On peut être scénariste et en vivre donc?
DH : Ah oui, nous on en vit depuis longtemps.
DL : Quand tu t’accroches et que tu œuvres dans le bon sens, il n’y a pas de soucis.