Nouveaux venus de la scène électro pop française, Dead Sea ont su créer un univers qui leur est propre en soignant autant les clips que les morceaux, qu’ils distillent en prenant leur temps, comme pour laisser planer un mystère. Avant même de sortir leur premier EP, Dead Sea a réussi le pari de jouer en première partie de Slowdive, groupe qui leur est cher, en avril dernier. Plus qu’une consécration, c’est l’assurance d’un avenir prometteur pour le quatuor parisien. On a pu rencontrer Charles et Caroline pour discuter de leurs débuts, leurs inspirations et leurs aspirations.
Manifesto XXI – Comment s’est formé le groupe Dead Sea ?
Charles : On a formé le groupe il y a à peu près trois ans. Au tout début c’était un projet shoegaze assez classique avec batterie, guitare et basse. Par la suite on a décidé de rendre le projet plus moderne avec une voix en plus. On a réfléchi à quel son nous conviendrait le mieux et on a acheté certaines machines par la même occasion, qui nous ont aidé à façonner le son. On s’est retrouvé avec quelques chansons instrumentales que l’on a jouées deux ou trois fois dans des salles de concerts, et en parallèle on cherchait une chanteuse. Toute la musique qui nous inspire et qu’on aime a souvent deux éléments récurrents : le mur de son caractéristique du shoegaze et une voix de femme par dessus.
Caroline : Du coup à ce moment-là vous avez fait des flyers.
Charles : Oui, on a fait plein de choses. On a même fait passer des auditions. Tout ce qu’on fait, on le fait avec passion et on passe beaucoup de temps dessus. On a auditionné une dizaine de chanteuses et on n’était pas convaincus. À la fin, on n’y croyait plus trop, puis on a imprimé des flyers et on les a mis un peu partout, dont au Paris Psych Fest. Caro est la seule qui nous ait écrit suite à ces flyers et ça a fonctionné tout de suite quand on s’est rencontrés. Du coup, ça fait deux ans qu’on a cette formation.
Vous vous êtes trouvés grâce à des références musicales communes ?
Caroline : On avait des références en commun mais les autres membres du groupe m’ont amené pas mal de choses. J’ai eu une espèce de formation de la part d’Alex qui m’a envoyé beaucoup de playlists Spotify.
Charles : Alex, c’est mon frère, et dans le groupe il s’occupe de tout ce qui est boîtes à rythmes, sampleurs etc.
Caroline : Je n’étais pas trop branchée shoegaze avant de les rencontrer, mais Slowdive a été un gros coup de cœur quand j’ai commencé à explorer le genre.
Charles : C’est important d’avoir des gens qui te font découvrir cette musique parce que ce n’est pas ce vers quoi tu vas naturellement.
C’est intéressant que vous citiez le shoegaze et les groupes comme Slowdive en références parce que ce n’est pas évident à déceler au premier abord.
Charles : C’est vrai qu’on essaye de tout faire sauf du shoegaze classique. Quand tu regardes les structures ou les sonorités, il y a des choses qui rappellent le shoegaze. Je pense que c’est assez bien illustré dans notre morceau « 8:50 ». Les autres morceaux sont tout de même plus pop. Le shoegaze, c’est vraiment notre genre de musique préféré mais on essaye de le moderniser.
Comment vous-êtes vous retrouvé à faire la première partie de Slowdive ?
Charles : On les a stalké pendant deux ans (rires). En vrai c’est un groupe qui est managé par notre manager, une petite structure qui s’appelle Zoot Music. Ils ont quelques petits artistes, des plus gros et Slowdive. Depuis qu’on les connait, on les tanne avec ça, et on leur a dit que l’on voulait absolument jouer avec ce groupe. Quand ils sont passés à Paris, ça paraissait évident qu’ils nous proposent.
Caroline : Ce n’était pas non plus évident car les managers ne nous avaient jamais vus en live, le tourneur n’était pas sûr de nous accepter en tant que première partie parce qu’on reste un petit groupe. Finalement c’est passé et en plus les places de concert se sont vendues super vite !
Charles : On a tout de même été en compétition avec d’autres groupes parisiens. Ce qui a joué c’est que c’était une date organisée par Super par lesquels on avait déjà fait quelques dates.
Comment avez-vous vécu cette expérience ? Il y a eu un bon retour du public ?
Caroline : On a eu un bon retour de nos potes et des managers qui nous voyaient en live pour la première fois. Ils ont trouvé ça très pro et ne s’attendaient pas à ce qu’on maîtrise autant notre set.
Charles : Je pense que notre entourage a été beaucoup touché par ce concert et ça nous a fait très plaisir. Normalement Zoot Music ne signe jamais de groupes sans les voir en live, ils ont fait un pari sur nous et finalement ils ont adoré. Jouer au Trabendo c’était un gros kiff. On était très stressés, ouvrir pour Slowdive c’est assez impressionnant.
Caroline : J’étais agréablement surprise que le public soit aussi réceptif, il y avait beaucoup de monde pour une première partie.
Charles : Tout est génial au Trabendo, le son, les lumières, la scène… Après on a bien discuté avec Slowdive donc c’était cool. Le batteur, Simon, est vraiment sympa, on lui a filé un t-shirt Dead Sea qu’il a mis toute la soirée. (rires)
C’est vrai que c’était un pari de vous faire jouer en première partie de Slowdive étant donné que vous n’aviez sorti qu’un morceau sur internet.
Caroline : On avait sorti d’autres titres il y a deux ans mais on les a retirés. Ce sont des choses qui ont été remixées depuis. C’étaient davantage des démos qu’autre chose.
Charles : Ce n’est plus aussi pro que ce qu’on fait aujourd’hui et on voulait recommencer la comm’ à zéro.
Le morceau « 8.50 », que vous avez clippé, fait office de mise en bouche pour ce qui va suivre, que vouliez-vous raconter à travers ce titre ?
Caroline : On va casser le mythe mais « 8:50 » est le nom d’un des preset de mon synthé. J’avais fait mon son en 8.50 et Charlie a bien aimé. Nos morceaux partent rarement de mes synthés mais pour une fois, ça fonctionnait bien. C’est le son que l’on entend au départ, qui est très répétitif. C’est un morceau un peu planant.
Charles : Tous nos autres titres ne sont pas des numéros.
Pour le clip de 8.50, vous avez choisi la mannequin Céline Delaugère, une beauté singulière et forte.
Caroline : On cherchait une fille assez androgyne et Céline est une des meilleures amies d’Alex donc ça s’est fait naturellement. Elle a de grands yeux très particuliers qui peuvent paraître hypnotisants.
Charles : Ça correspondait bien à 8.50 parce que l’atmosphère est très froide et dénuée d’émotion. Céline a une sorte de démarche d’alien et quand elle te fixe, ça fait quelque chose. On aime bien bosser avec des artistes émergents dans différents domaines, comme ça on se soutient mutuellement.
Caroline : Le stylisme de la vidéo était fait par une jeune créatrice qui s’appelle Marine Henrion, qui a fait les deux costumes que porte Céline. Ces pièces correspondaient parfaitement à ce qu’on imaginait lorsqu’on pensait au scénario, très futuriste, blanc immaculé et très contemporain.
Charles : Elle a de super belles pièces et elle commence à bien se faire connaître.
C’est important pour vous de soigner autant votre image que votre musique ?
Caroline : Je pense que oui. J’adore les clips et c’est toujours intéressant de pouvoir collaborer avec des gens, que ce soit des stylistes, des vidéastes ou des acteurs. D’imaginer les morceaux en couleurs c’est très stimulant. « Lotion », par exemple, nous a permis de découvrir le travail d’Adam qui a réalisé le clip. Lorsqu’on a vu ses premiers essais, avec les couleurs, en écoutant notre musique en même temps, on s’est dit que ça collait parfaitement à notre univers.
Charles : Après, l’esthétique du groupe n’est pas celle de « 8.50 ». Chaque clip que l’on réalise est différent et propre au morceau qui l’accompagne. On n’a pas d’esthétique prédéfinie, la seule chose qui lie le tout c’est la musique. « 8.50 » était quasiment un mini-film futuriste, « Lotion » c’est presque de la photographie avec un style communiste donc rien à voir avec le précédent. Pour la suite on réfléchit à quelque chose de plus moderne et pop.
Que pourra-t-on attendre de votre premier album ?
Charles : L’album on y est pas encore. On a pas mal de morceaux enregistrés mais c’est juste une question de stratégie et de planning pour savoir ce qu’on sort et dans quel ordre.
Caroline : On aimerait sortir un autre morceau pour le début de l’été.
Charles : Ensuite, l’idée c’est de faire un EP ou un album pour la rentrée.
Caroline : On aimerait clipper toutes les chansons si on peut.
Il y a des artistes avec qui vous aimeriez collaborer pour de futurs clips ?
Caroline : On aimerait beaucoup travailler avec Canada mais on n’a pas les moyens pour l’instant. (rires)
Charles : C’est une boîte de réalisateurs qui ont fait plein de clips géniaux. Ils ont toujours des idées vraiment malignes. Le clip suivant, on va essayer de le faire tout seul de A à Z. On aime bien toucher à tout.
Vous qualifiez votre musique de « turbo chillwave » ? Ça veut dire quoi exactement ?
Charles : La chillwave est représentée par des groupes comme Boards of Canada ou Aphex Twin.
Caroline : C’est le bassiste de Fauve qui a dit ça à Charles un jour pour qualifier sa musique.
Charles : Il a dit ça pour déconner et on a trouvé que ça sonnait bien. Finalement ça fait sens parce qu’on fait une sorte de chillwave, et « turbo » peut servir à qualifier le côté rock. Ça a bien plu aux Inrocks en tout cas.
Vous avez un compte Instagram très vaporwave avec des photos ancrées dans cette esthétique. C’est voulu ?
Charles : La vaporwave est intéressante surtout pour son aspect visuel.
Caroline : Il y a des morceaux de vaporwave qui sont intéressants où les voix sont pitchées ou beaucoup plus graves. On a fait ça sur quelques chansons, j’aime bien le principe de modifier ma voix.
Charles : Niveau esthétique, c’est sûr que ça nous parle parce que c’est proche de notre univers.
Vous avez une théorie sur la raison pour laquelle l’esthétique des 90s et des débuts d’Internet fascine autant les jeunes d’aujourd’hui ?
Caroline : Tout est cyclique et c’est vrai que le style des années 90 a du succès en ce moment. Le grunge revient en masse par exemple. Les gens sont de plus en plus penchés sur tout ce qui est vintage.
Charles : Au delà du vintage, la vaporwave rentre dans le style normcore qui est apparu ces dernières années.
Caroline : C’est quand même révolutionnaire en terme de musique. La vaporwave et la nightcore sont des mouvements très novateurs.
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