Le collectif Les Mots de Trop lance un guide de sensibilisation et d’action face aux systèmes d’oppression en écoles d’art. Une campagne de financement participatif est en cours jusqu’au 19 novembre.
À l’initiative de trois amies étudiantes en design graphique, le collectif Les Mots de Trop s’est formé en 2019 avec pour objectif de sensibiliser et lutter contre les discriminations en écoles d’art. Aujourd’hui composé de huit étudiantes et diplômées du milieu de la culture (art, design graphique, journalisme culturel…), le collectif a lancé un crowdfunding afin d’éditer un « guide d’autodéfense ». Le livre dressera un état des lieux du sexisme, du racisme, des LGBT phobies et toutes formes de discrimination ou de violence présentes dans les écoles. Surtout, il entend servir de boîte à outils pour tenter d’en finir avec les dominations dans ces milieux. Une première pour recenser les différentes façons d’agir, inspirée par les modes d’action de plusieurs collectifs d’étudiant·es de la culture engagés, qui ont été invités à collaborer, comme les Cybersistas, le collectif FEUX ou encore le Massicot – l’union syndicale inter-écoles d’art et de design, qu’on avait par ailleurs invitée à participer dans le troisième épisode de notre podcast Paye ta vie d’artiste ! qui portait sur les écoles d’art.
Peut-on réinventer les structures et les pédagogies pour espérer des institutions artistiques et d’éducation plus saines, inclusives et bienveillantes ? On a posé quelques questions au collectif Les Mots de Trop pour en savoir plus sur leur guide et ce qu’il peut apporter dans les luttes à venir.
Manifesto XXI – Quelles sont les spécificités des oppressions en écoles d’art selon vous ? En quoi y a-t-il besoin d’un guide spécifique pour ce milieu-là ?
Les Mots de Trop : Les écoles d’art ont un fonctionnement très spécifique par rapport à l’université par exemple. Les classes sont souvent en petits effectifs, avec une proximité particulière avec les enseignant·es, et un système d’évaluation souvent flou et subjectif. Et puis, dans le champ artistique, on est beaucoup amené·e à dévoiler des choses personnelles à travers notre travail, ouvrant une porte supplémentaire à l’ambiguïté de la part des enseignant·es et à la vulnérabilité des étudiant·es.
Le guide va proposer un état des lieux sur les discriminations et violences, quelles ont été vos sources pour le réaliser ? Est-ce que ça a été un process difficile (tabous, refus de parler, peurs) ?
L’état des lieux que nous dressons se base sur les témoignages que nous avons récoltés depuis la création de l’association, soit plus de 400 en deux ans. C’est évidemment un process difficile car l’analyse va au-delà du simple relai des témoignages : ça implique de les lire et relire, de s’attarder sur des centaines de situations de violences rapportées avec plus ou moins de détails, de contexte… Par contre, la récolte de témoignages se faisant via un formulaire en ligne, elle était « passive » pour nous, et la possibilité de témoigner anonymement en a facilité l’appropriation par les étudiant·es qui l’ont utilisé. Nous avons en fait constaté qu’il y avait un réel besoin de la part de nombreux·ses étudiant·es de témoigner de leur vécu de cette façon.
Vous avez travaillé avec six autres collectifs, qu’ont apporté ces collaborations au projet ?
Dès le départ, on a vraiment souhaité que ce livre objet soit à l’image des luttes actuelles en écoles d’art : plurielles et diversifiées. On a donc proposé à plusieurs collectifs de raconter la forme de leur engagement et leurs modes d’action, pour montrer toutes les façons d’agir possibles. On retrouve donc à la fois les Cybersistas et le ClubMaed qui font un travail de fond sur l’inclusivité et le langage, et le récit d’étudiant·es de l’ENSCI qui ont littéralement emmuré le bureau du directeur après sa nomination abusive, par exemple. On se dit que c’est autant de sources d’inspiration pour des étudiant·es qui sont confronté·es à des situations d’injustices ou de violences et qui pourront se dire « si d’autres ont réussi ailleurs, je peux moi aussi faire bouger les choses à mon échelle et de la manière la plus adaptée ».
Pourquoi un format papier, à l’heure où beaucoup d’infos circulent sur internet ?
Quand on a publié le projet en juin 2020, il y avait déjà une importance donnée à la diffusion matérielle : nous proposions 10 séries d’affiches à imprimer gratuitement et à placarder dans les écoles. Mais en plein covid, ce sont les réseaux sociaux qui ont davantage servi la diffusion des visuels. À l’heure où tout est numérique, on pense qu’il est quand même important d’avoir des ressources physiques accessibles à toustes, que l’on peut consulter dans une bibliothèque ou à une pause café, que l’on peut transmettre de main en main. Pour la première impression du guide, ce sont 200 exemplaires que nous allons mettre à disposition gratuitement dans les écoles supérieures d’art publiques françaises.
Pourquoi avoir fait appel à un crowdfunding ? Qu’espérez-vous à la suite de cette campagne ?
Nous sommes une équipe de bénévoles, nous n’avons aucun autre revenu que les adhésions et les rémunérations de quelques interventions telles que des tables rondes. En l’état, nous n’avions donc pas de budget pour imprimer ce guide. Nous avons créé ce financement participatif pour une première édition à 250 exemplaires en risographie, et faisons en parallèle des demandes de subventions auprès d’institutions pour une impression plus conséquente pour la rentrée scolaire 2023, en espérant pouvoir diffuser ce guide bien plus largement.
Adhérer à l’asso (prix libre dès 1€ pour 1 an) ici
Faire un don pour le projet d’édition du guide ici ! La campagne de financement participatif est en cours jusqu’au 19 novembre.
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