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Lazuli: « Si une de mes sœurs réussit, ça va me booster, me donner la niaque ! »

Lazuli: « Si une de mes sœurs réussit, ça va me booster, me donner la niaque ! »

Après un single énigmatique sorti en 2021 intitulé « No Me Tocas » qui fait rapidement le tour d’internet, une collaboration avec Rad Cartier et Lala &ce, le tout sublimé par une identité visuelle affirmée, nous nous demandions encore qui était Lazuli.

Un vol d’ordinateur plus tard, Lazuli sort sa première mixtape, Toketa sur le label Island Def Jam le 24 février dernier. Nous l’avons rencontrée pour une discussion entre résilience, détermination, danse et sororité: plongée dans l’univers de l’artiste franco-chilienne.

Manifesto XXI – Bonjour Lazuli ! On entend beaucoup parler de toi depuis 2019. Est-ce que tu pourrais te présenter rapidement ?

Je suis Lazuli, j’ai commencé la musique en 2021, enfin plus véritablement pendant le confinement. Franco-chilienne, j’ai beaucoup été influencée depuis que je suis petite par la musique latino, le raggeaton, la salsa… Tout est inconscient, mais ma musique est traversée par ce que j’écoutais pendant mon enfance. En vrai, rien n’était prévu, tout ça partait d’un délire entre potes et ça finit avec des interviews avec toi. Je vis le truc à fond, je prends ce qu’il y a à prendre et je vais tout donner. 

Est-ce que tes influences franco-chiliennes se ressentent dans ta musique ?

Ce n’est pas du tout calculé. C’est plus dans les sonorités que j’utilise : j’aime bien quand il y a des percussions, j’aime bien quand ça bouge. Je pense que ça, c’est l’influence de tout ce que j’ai toujours écouté, qui est très dansant. J’ai grandi en France, mais ma musicalité est très internationale ; j’écoute plus de musique latino que de variété française ! A part la trap française, j’écoute beaucoup de sons qui ne sont pas d’ici. 

Et est-ce que tu pourrais me parler de tes influences, en particulier pour Toketa ?

C’est trop bizarre, mais je suis quelqu’un qui écoute beaucoup de musique à l’ancienne. Je ne suis pas à la page, je ne suis pas le genre de go qui va dire « ah vendredi y a eu cette sortie ».  Quand il y a des nouveaux titres qui sortent et que j’aime bien, je les écoute. Je pense que mes influences dans Lazuli sont inconscientes.

Quand je suis en studio, il y a certains beatmakers qui aiment bien dire « Ok tu veux partir sur quoi, tu as des références ? » Et moi je suis toujours en mode. « Venez, on fait avec l’énergie du moment. » Je n’aime pas me référer à quelque chose de préexistant. J’ai beaucoup écouté de Daddy Yankee, Ozuna… Tout le reggaeton latino je me suis tuée à ça. En France j’aime beaucoup Lala &ce en go qui rappe. Franchement, dans sa nonchalance, ça me parle beaucoup ce qu’elle fait.

Je suis archi spirituelle et je pense que rien n’arrive par hasard.

Lazuli

J’ai vu un de tes post Instagram disant que cet album aurait pu ne jamais naître parce que Izen, ton binôme, s’est fait voler son ordinateur. C’est ça ?

Ouais, c’est ça ! J’ai sorti mon EP Zéro et après j’ai sorti une collab avec (King) Doudou qui s’appelle « CARDIO ».  On a fait une release pour ce projet à Paris et à la fin, on s’est rendu·e·s compte que l’ordinateur de Izen n’était plus là. Avec les vidéos de surveillance, on a vu qu’il avait été volé. Le problème, c’est que Izen n’avait aucun backup. On avait que les sons en .mp3 : on ne pouvait pas les retravailler, les mixer… On ne pouvait plus rien faire du tout !  Au début, on était un peu dégoûté·e·s, surtout qu’il y avait vraiment beaucoup de sons, au moins 70 issus de notre collab. Lui, il avait au moins 2000 prods : tout son travail ! 

On a vite rebondi : on a sélectionné parmi tous les sons qu’on avait dans cet ordi, ceux qui méritaient le plus d’être écoutés et c’est de là qu’est née la mixtape. Au final, je pense même pas que ça nous ait desservi parce que si ça n’était pas arrivé, ce projet n’aurait pas pu voir le jour. C’est un mal pour un bien. 

Trop bien ! Enfin, non, pas trop bien, mais heureusement que quelque chose à pu en sortir… 

Oui, comme tu dis, trop bien ! Je suis archi spirituelle et je pense que rien n’arrive par hasard. Dès le lendemain du vol, j’étais encore plus boostée et motivée à sortir ce projet. Au début, on a hésité à le sortir. Mais je me suis dis que mon public n’aurait pas pu capter mon évolution musicale sans Toketa. Ce que je fais maintenant aujourd’hui en session avec Lazuli, c’est déjà différent que ce que je propose dans Toketa. C’est important de garder une cohérence. 

Comment tu t’es entourée pour ce premier album ? 

Pour moi, ce n’est pas vraiment un album, c’est plus une mixtape, on joue un peu sur les mots. C’est toujours la même équipe depuis le début : Izen qui a quasiment tout produit, et réalisé le projet avec moi. Ce qui est particulier, c’est qu’on a signé le projet « clef en main » : à cause du vol, on ne pouvait plus repasser dessus. On a été super bien entouré·es pour tout ce qui est image, tous les clips comme celui de « Gasolina », l’équipe d’Unif nous a beaucoup aidé·e·s. 

Pour moi c’est logique que je danse : je ne peux pas attendre des gens de bouger si je ne le fais pas moi-même ! 

Lazuli

J’ai l’impression que la direction artistique de ton projet est très importante pour toi. On le ressent dans les images de promo, dans tes clips.. Est-ce que tu t’impliques personnellement dans la création de la DA ? 

Oui, il y a une vraie volonté de ma part de m’impliquer dans la DA visuelle de Lazuli parce que j’aime ça. Je travaille avec Georgie Salama, styliste avec laquelle j’ai une très bonne alchimie. On se comprend bien. Avant, je faisais un peu des sapes, c’est un univers qui me parle. J’ai envie que mon projet se démarque par la musique et le visuel. C’est un peu une chance que j’ai, peut-être une qualité, mais la vie a fait que j’ai réussi à m’entourer de personnes talentueuses et avec qui on se comprend vite. Du coup, je laisse beaucoup de liberté aussi à mes collaborateur·ices. C’est un travail d’équipe : on réfléchit toujours à comment se démarquer, faire un effet « waouh ! ». En plus, dans la vie de tous les jours, je suis quelqu’un de très streetwear, un peu oversize… 

Lazuli, c’est un peu un moyen de montrer ce côté-là que j’ai en moi et que je ne peux pas montrer dans la vie de tous les jours : je ne vais pas sortir comme tu vois sur les photos dans la rue, c’est impossible. C’est vraiment un truc artistique et ça me fait plaisir de ce côté de moi dans la DA !

Est-ce que tu pourrais nous parler de ton rapport à la danse ? 

Je ne me considère pas comme danseuse, mais c’est vrai que je danse beaucoup. J’aime bien bouger. Comme je l’ai dit depuis que je suis petite, j’écoute du son pour bouger, donc je bouge sur les sons dans mon coin en soirée. Pour moi c’est logique que je danse : je ne peux pas attendre des gens de bouger si je ne le fais pas moi-même ! 

J’écoute beaucoup « Casse ton dos » en soirée que je considère comme un mode d’emploi pour danser… 

Pour moi, c’est un hymne pour se lâcher. Et c’est pour ça qu’on a choisi un homme dans le clip qui danse, qui twerke car j’ai envie que les gens puissent danser, se lâchent, s’amusent sans jugement. Tout le monde peut danser ! 

Ça danse aussi pas mal dans ton dernier clip, « Shake It »

Oui ! C’est un clip qui a été réalisé par des élèves des Gobelins qui ont grave saisi l’univers de Lazuli. C’est différent de « Gasolina » et de « Toketa » car il y a plus d’effets mais c’est très cool car iels ont travaillé ce côté de sororité entre gos, de danse et ça c’est super bien passé. 

Je pense qu’il y a une part de gâteau pour tout le monde, donc ça ne sert à rien de jalouser, de se comparer.

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Lazuli

Et la sororité, ça fait partie de ton univers ? 

Ça fait partie de ma vision de la vie. Je pense Lazuli comme une extension de moi et c’est un moyen de donner un autre rayonnement à ce que je pense en temps que personne. La sororité, c’est quelque chose de très important et si, à travers la musique, ça peut être ressenti c’est vraiment bien. Pour que ça transpire dans mon projet, je réfléchis vraiment à comment on collabore, comment on pense nos rapports aux autres… Dans le milieu du rap, je trouve qu’on se donne de la force entre meufs : je ne ressens pas forcément de la compétition. Même la comparaison, je crois que tout le monde se détend avec ça. Je pense qu’il y a une part de gâteau pour tout le monde, donc ça ne sert à rien de jalouser, de se comparer. Si une de mes sœurs réussit, même quelqu’une que je ne connais pas, ça va me booster, me donner la niaque ! Même si je ne pense pas avoir assez de visibilité avec Lazuli à l’heure actuelle pour pouvoir porter ce projet, j’aimerais pouvoir aider certaines personnes à se lancer, à donner de la force. 

Il faudrait que ça soit un peu plus normal de s’entraider. Tout le monde te dit que la musique c’est un monde de requins et c’est pas si faux en vrai parce que c’est un business, et ça le reste pour plein de genres. Mais quand même, quand tu fais du son, c’est parce que tu aimes ça, parce que tu as envie de procurer des émotions aux gens et donc je trouve ça dommage de tout le temps se mettre en compétition alors que chacun·e son truc à apporter. 

Tes chansons semblent beaucoup parler d’amour et en particulier de séduction, de drague est-ce que tu peux nous dire quelque chose là-dessus?

Je ne dirais pas particulièrement que ça parle de ça, ou je ne m’en suis pas rendue compte. Je pense que c’est aussi subjectif, à l’interprétation de chacun. Mais quand même, je pense que globalement l’amour, pas que les relations de couple, c’est un peu la base du pourquoi on est là. J’en parle facilement, et la séduction parce que j’ai un côté scorpion, il faut bien qu’il ressorte ! Je trouve que la séduction, c’est toujours le meilleur moment, c’est celui où on apprend à connaître l’autre. Donc je pense que c’est ce qui me stimule plus pour écrire. Pour la suite, je commence à travailler un côté un peu plus deep ; j’amène les choses différemment. Il n’y a pas que l’amour dans la vie.

Si tu as envie de faire un truc, que tu sens que tu as vraiment envie de le faire, alors fais-le. Au pire, tu n’as rien à perdre, ce sera juste un apprentissage, tu pourras faire autre chose, mais fais-le. Fais !

Lazuli

Comment penses-tu ton live pour ce nouveau projet ? 

J’essaie d’être le plus possible dans le moment, dans l’instant, d’être dans un échange d’énergie, de connexion. J’essaie de donner un maximum, c’est un moment partagé de fou, c’est là où tout se matérialise vraiment pour moi. C’est là que tu comprends que tu fais du son pour les gens, qu’iels écoutent, te perçoivent et dansent devant toi ! En tout cas, ce que j’ai envie de transmettre aux gens, c’est du kiff. 

Est-ce qu’il y a quelque chose que tu voudrais rajouter ?

Je suis très contente que ce projet sorte, ce n’était pas évident au début. J’ai voulu insister sur le fait que ça aurait pu ne pas sortir, je n’étais pas obligée de le faire mais je l’ai fait parce que, ça peut pousser des gens à se dire « OK, dans la vie, on a beaucoup d’obstacles, ce n’est pas tout le temps facile, mais c’est la vie en fait ». L’important n’est pas ce qui t’arrive, mais comment tu réagis, et d’avoir la force de rebondir. Je n’étais pas prédestinée à faire Lazuli et ce que je fais, et j’ai envie que les gens croient en elleux. Peu importe ce que tu es sensé faire ou pas, fais ce que toi tu as envie de faire ! Moi ça m’est tombé dessus : c’est parti d’un délire entre tes potes, on se faisait chier pendant le confinement. Dans mon entourage, tout le monde faisait du son, j’accompagnais des potes à des sessions, mais je n’avais jamais rien fait. Le micro, il me regardait, je le regardais, et un jour je me suis dis « vas-y j’essaye ». Et en fait, j’aime trop faire ça ! C’est comme une illumination. Quand j’ai commencé, j’avais 22 ans et pendant tout ce temps je n’avais jamais pensé que je pouvais faire du son. J’avais un bon travail, j’étais fonctionnaire et j’ai tout quitté pour un truc que je ne connaissais pas, auquel je ne croyais pas vraiment. 

Au début, c’est mes potes qui m’ont poussé·e à sortir « No me Tocas » et une semaine après, j’avais des demandes de concert, des rendez-vous avec des labels mais moi je ne comprenais rien ! Je ne m’attendais à rien et ça me paraissait tellement irréaliste ! Autour de moi, on me disait que j’étais folle de quitter mon travail, mais j’ai eu tellement raison de le faire. A partir du moment où j’y ai cru, tout s’est enchaîné. Je n’aurais jamais pensé que j’allais vivre à Paris, faire de la musique mon métier. C’est juste qu’au bout d’un moment, il faut y aller. Si tu as envie de faire un truc, que tu sens que tu as vraiment envie de le faire, alors fais-le. Au pire, tu n’as rien à perdre, ce sera juste un apprentissage, tu pourras faire autre chose, mais fais-le. Fais !

Crédit photo : Milena Pasina
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