On arrive à la hâte, juste le temps de s’installer parmi les convives : le Cabaret remet le couvert jusqu’au 31 mars au Cirque Electrique.
Est-ce qu’il y a des queer dans la salle ? Monsieur Loyal, en boxeur à résilles, nous confie ses statistiques : ce soir le public est particulièrement chaud ! L’édition n°68 du Cabaret fait la moue à mai 68, trop chiant. La vraie libération sexuelle a lieu maintenant. Sous nos yeux : l’éros, le désir, personnifiés par Pierre. Strip. Ce Cabaret Décadent n’a qu’un mot d’ordre : mouillez ! Soudaine envie de crier comme une muette qui recouvrerait la voix. Les résilles viriles et le noeud pap sur le postérieur donnent des envies de private show. Côté restauration, le vin rouge coule à flots sur les vêtements et les sentiments grandissent à vue d’oeil entre les participants. Le déjeuner sur l’herbe se transforme en séduction du fakir, la culotte sur mesure de Lalla Morte n’est là que pour se faire piquer. Une version moderne et féminine de Pierrot la lune, un live band qui fait écho à l’orientalisme d’Only Lovers Left Alive. Sous ce chapiteau ardent, on voit de vraies langues s’enflammer, des corps nus se balancer, s’enlacer et finir dans un bain de plumes noires. Le Cabaret est de retour, magnifié tel un phoenix qui renaît de ses cendres.
La contorsionniste Séverine Bellini joue avec notre regard. Son but ? « Oser susciter du désir et le reconnaître dans les yeux de l’autre », elle aime aller au bord des limites et faire tomber les barrières. Elle est queer : « Ce fantasme est présent en chacun de nous, qu’on le laisse parler ou pas. Ce désir de connaître notre sexe opposé. La possibilité pour l’humain d’être complet. On peut être une femme virile et féminine, un être plus sain, lumineux, épanoui. » Nous sommes des animaux, alors regardons un peu le règne animal : la sexualité des femelles.
La nature animale-humaine, en société, dicte aux femmes qu’elles ne sont pas censées avoir du désir sexuel outre-mesure, ni besoin de plusieurs hommes. « Nous sommes des femelles bridées. » Ici, au Cirque Electrique, le futur est libérateur, éclatant, brillant, beaucoup d’espoir et d’épanouissement, tandis que l’extérieur paraît plus dur. Séverine, qui y fait des merveilles depuis 2010, a un message pour vous « Les spectateurs partent avec un instant de lumière, qu’on leur a donné et j’espère qu’ils le mettent dans leur vie. »
Dans un monde plus attiré par le morbide que l’érotisme, très consumériste et violent, le Cabaret Décadent ose faire le pari de la vie. A l’image d’Otomo de Manuel, comédien, chorégraphe et metteur en scène, qui campe ici un Monsieur Loyal punk-queer.
L’érotisme ? Nécessaire. La provocation ? Il faut provoquer le désir, la réflexion, la pensée. Otomo s’est occupé d’une friche pendant seize ans, Le T.O.T.E.M à Nancy. Il l’a perdue et me raconte avec beaucoup de passion : « Changement de municipalité, on nous a déglingué. Clairement sur l’idée d’un côté un peu trop scandaleux. Certains diront trop élitiste, à partir du moment où tu provoques la pensée, d’autres dérangeant parce qu’on vit dans un monde qui essaye de s’aseptiser, énormément. C’est un peu paradoxal, ils nous envoient des trucs hyper violents en permanence, dans les médias, l’actualité n’est pas tendre. On n’a pas trop de problème à consommer la violence du monde, mais quand tu commences à fouiller des questions plus intimes : l’être, le désir, tu te rends compte qu’on est blindé de crispations, de tabous. Si tu prends les années 1970 ou 1980, je pense qu’on recule vraiment. On est dans un monde qui se remoralise, mais pas dans le bon sens. »
Aurait-on peur ? « Peur de se confronter au réel. J’ai eu une compagnie pendant 23 ans, la Materia Prima Art Factory, la nudité était quasiment omniprésente, sans que cela pose problème, c’était presque du répertoire, par rapport à ce qui s’est passé dans les années 1970. A poil sur scène ça tient du poncif, comme faire un Tartufe de Molière.
Aujourd’hui, tu te rends compte qu’il faut mettre des trigger warnings partout. J’ai fait et je fais toujours des choses nu dans la rue. Là j’ai une performance qui s’appelle Oracle, que je vais jouer dans quatre semaines. Un cycle de quatre performances autour d’une réflexion sur le patriarcat, par rapport à quatre figures guerrières. A chaque fois je fais une transformation, où je féminise et je passe par la nudité. Je m’aperçois que dans les commissions de sécurité des festivals, tu as tout de suite “Ouais mais il y a de la nudité”. Des questions qu’on posait pas il y a quinze ans ».
Otomo s’indigne « Je suis assez sidéré que la France, qui se revendique aux yeux du monde comme le pays des droits de l’homme, des Lumières, etc. ne soit que le neuvième pays en Europe et le quatorzième au monde à avoir accepté le mariage homosexuel. Pour moi c’est juste hallucinant. Quand on se fait remonter les bretelles par l’extrême droite hollandaise qui dit “Nous on a que 3% de cathos intégristes”, tu te dis merde, on est en France ! Ça fait réfléchir. »
« On est piégé par notre exception culturelle française, l’intermittence, etc. Les artistes n’osent plus trop prendre de risques, parce qu’il faut bouffer, trouver des subventions, être validé par des commissions, des DRAC, il y a tout un processus institutionnel, les artistes sont prêts à faire beaucoup de compromis. Je bosse pas mal en Allemagne à Berlin, je bosse avec des Hollandais, des pays avec moins d’emprise. On a perdu l’audace de nos vingt ans. »
Quel a été le basculement ?
« Un bouquin à lire là-dessus : L’art à l’état gazeux d’Yves Michaud, sorti en 1999, où il explique bien la mécanique : à un moment, il y a une instrumentalisation des villes, à des fins de tour operating, par l’instrumentalisation de la subvention, de tout ce processus institutionnel, les villes se sont créées un vivier artistique pour leur vitrine : alléchante, ça bouge, etc.
Le problème c’est qu’elles se retrouvent juges et parties, avec la problématique : tu subventionnes mais il faut ménager ton électorat, donc tu vas censurer. L’artiste devient propagande, sans s’en rendre compte et les municipalités jouent cette carte-là, elles ne sont plus dans l’idée de prospective et liberté d’expression. Il faut de l’art, qu’il se passe des choses et que ça ne fasse chier personne.
L’histoire de l’art a fonctionné, sur les deux derniers siècles, au moins à partir du milieu du 19ème jusqu’aux années 1980, les grandes avancées artistiques prospectives se sont toujours faites avec une forme de scandale : Picasso, Duchamp, le surréalisme. C’est là que tu peux arriver à ce que l’art ait un sens, pour faire évoluer les mentalités. Si tu verrouilles dès le départ, tu veux un profil média, distiller la pensée dominante, qu’elle soit “positive”, policée, c’est un peu gênant. Surtout quand il y a encore des gens scandaleux, si derrière ça ne suit pas, sans volonté de défendre la chose. »
On condamne, jamais ouvertement. Heureusement il y a beaucoup de courants qui échappent à ça, dans l’érotisme, les sexualités, le sexe positif, le polyamour, les queer et le Cabaret Décadent, à réserver ici jusqu’au 31 mars.
Crédits photos : Antoine Monégier du Sorbier.
Article : Albane Chauvac
Non 1 er ou 14 eme ,peut importe ,il y toujours a redire ,j’aimerai s’avoir, quel àge a la personne qui a fait cette découverte , et posté ce commentaire ,a t’il connue ,les gays avant 1981.
Poursuivis par des « camions grillagés et conduit au poste avec les jeunes péripatéticiennes » et passer 10 heures de poste pars que gays » a l’époque qui disais gay équivalais a gigolos « prostituée homme »
Stop soyez heureux des libertés 1 par F . Mitérand 1982 ‘plus considéré comme fléau sociale ‘ puis F. Hollande le mariage pour tous , alors laissez le passé au passé et vivez votre vie ,sans remarque ni reproche ,perso j’aurai aimer avoir 20 ans en 2019