En marge de la FIAC, de nombreuses manifestations ont, la semaine passée, mis à l’honneur la jeune création. Dernière née parmi ces événements, la Biennale de Paname a fait une entrée en fanfare à l’espace Commines, près d’Arts et Métiers, à Paris. Un nom qui claque, de jeunes artistes en vue, des sponsors – Adidas, Vice – qui pèsent. Portant haut la revendication d’une “démocratisation de l’art”, la jeune biennale a de l’ambition, et la foule qu’on y a croisée jeudi au vernissage n’était effectivement pas celle des autres galeries parisiennes, en nocturne ce soir-là. Une réussite événementielle, qui ne masque toutefois pas quelques facilités derrière le cool ambiant. Un compte-rendu sponsorisé par Corona et les champagnes Jacquard.
Il est 21h, une horde de cool kids déborde de la salle d’expo jusque sur le boulevard des Filles du Calvaire. Pour son vernissage public, la Biennale de Paname fait recette, l’ambiance est festive, plus jeune et détendue qu’à l’accoutumée. Un côté “Before de la Concrete” dans la faune qui se meut, jette un œil aux œuvres, se trémousse rapidement au gré de live et Dj sets pêchus, enquille les coupes de champagne.
Désarçonnante, et à première vue plus mondaine que “démocratique”, la Biennale de Paname fait pourtant la part belle à la jeune création. Portée par deux artistes de cette génération émergente, Salomé Partouche et Jean-Samuel Halifi, elle donne un sacré coup de projecteur sur une quinzaine de créateurs, dont la plupart n’ont pas trente ans. « Nous n’avons aucune prétention, hormis celle de créer un événement tel que l’on aurait aimé qu’il soit créé pour nous ! » explique Salomé. En effet, les conditions d’exposition, dans le grand espace Commines, et de visibilité – 6000 visiteurs sur trois jours – sont précieuses pour de jeunes artistes souvent cantonnés à des espaces plus confidentiels. Le tout soutenu par un marketing digne d’un lancement de griffe de mode edgy, avec le soutien notable d’Adidas et surtout de Vice – qui s’octroie une salle dans l’exposition pour présenter le travail d’Andrew Miller. Une capacité à mobiliser des fonds privés louable, à l’heure où la plupart des expositions jeune création souffrent, jusque visuellement, de leur manque de moyens.
La Biennale de Paname réussit donc le pari d’imposer une manifestation créée ex nihilo par et pour de jeunes artistes. L’engouement d’un public, venu en masse, mêlant habitués mondains et teens curieux, est indéniable. Il se retrouve jusque sur Instagram où la manifestation a été largement partagée et documentée.
Alors qu’un improbable “Freed from desire” jaillit des enceintes à quelques minutes de la fermeture, on est pris d’un ultime doute. Certes, la manifestation est une réussite, tant dans sa mise en œuvre que dans son succès public. Certes, plusieurs œuvres présentées méritent toute l’attention qu’elles ont reçue : l’installation élégante de Martin Ferniot, l’ambigu éloge de l’échec de Raphaël Giannesini, et même la monumentale pieuvre de Tess Dumon, sortent du lot.
Toutefois, mener un public différent aux œuvres, ou différemment les œuvres à un public, engage une responsabilité, notamment dans la manière dont elles sont sélectionnées et présentées. Le discours d’ouverture de l’art se doit d’être exigeant envers lui-même, plutôt que de se contenter de la simple gratuité de la manifestation et des rencontres – annoncées mais pas toujours vécues – entre artistes et visiteurs. Cette responsabilité, cette rencontre entre de jeunes artistes et un jeune public, a peut-être été éludée, se cachant derrière la satisfaction, légitime, d’un événement réussi pour ces artistes comme pour ce public.
Rencontre qui aurait pu être l’occasion de mettre davantage en avant les enjeux, nombreux, de ces artistes émergents à un public large, plutôt que de céder à une certaine facilité du commissariat “patchwork”. En donnant à voir une frange cool et kitsch de la création contemporaine – l’esthétique ambiante partagée justement par l’art et les industries créatives d’aujourd’hui – sans favoriser le recul critique du spectateur, la Biennale de Paname tend peut-être à devenir pour le reste de la création ce que Vice est dorénavant pour les médias, une tête de pont où la frontière entre démocratisation et vulgarisation simpliste est mince.