Dimanche 31 janvier après-midi, la rue était bien à « eux », les nombreux·ses manifestant·e·s de la « Marche contre les LGBTI+ phobies » : Véritable pied de nez à la Manif pour Tous qui était de retour ce week-end, le premier rassemblement de personnes LGBTQI+ depuis longtemps a mêlé les sensations de liberté et de sécurité aux revendications politiques fortes. La lutte pour la PMA et la GPA pour tou·s·tes se fait ici sans haine, loin des fascistes « hors de nos fiertés ».
Huit ans après les premiers débats à l’Assemblée Nationale sur le Mariage pour les personnes du même sexe, les personnes LGBTQI+, concerné·e·s par les débats qui s’ouvrent au Sénat le 2 février, étaient dans la rue ce dimanche. Appelé·e·s dans toute la France à une contre-manifestation, la place de la République à Paris était remplie de nombreux·s·es militant·e·s dès 13h. Banderole tendue sur le Monument à la République, drapeaux et militant·e·s hissé·e·s au sommet, une fois bénie par le collectif des Sœurs de la Perpétuelle Indulgence, la marche peut démarrer.
Un rassemblement nécessaire
Le climat ambiant n’est agréable pour personne en ce début 2021, mais encore moins pour les personnes queer, privées de leurs lieux de sociabilisation préférés par la pandémie. Si l’on ajoute à tout cela une actualité sur la loi bioéthique brûlante et un appel à manifestation de la Manif pour Tous pour ce dimanche, on comprend aisément la nécessité pour les personnes LGBTQI+ de vouloir se rassembler : Les discussions du Sénat du mardi 2 février seront cruciales pour l’adoption (ou non) de la loi autorisant la PMA et la GPA pour tous et toutes, revendication de longue date des militant·e·s LGBTQI+.
Pour Julie*, une manifestante croisée dans le cortège, ce besoin est encore plus urgent que « la Manif pour Tous enseigne de la haine à leurs enfants. Je ne comprends pas qu’iels aient le droit de se rassembler alors que nous on a pas pu avoir la Pride par exemple. » L’annulation de la Marche des Fiertés à cause de la crise sanitaire en juin, puis en novembre, fait qu’il n’y a plus eu de rassemblements LGBTQI+ majeur depuis presque un an dans la capitale (excepté la Pride sauvage). Un manque se ressent dans la communauté. Pour Noé* et Lucas* présent·e·s ce dimanche après-midi, le rassemblement permet de soulever aussi des questions de sécurité et de liberté d’expression : « nous on se maquille pour sortir en soirée. A chaque fois, il faut qu’on fasse très attention c’est à dire prendre un Uber plutôt que les transports en commun, mettre des lunettes de soleil quand on sort pour ne pas se faire emmerder dans la rue. On le sent que ce climat-là se tend de plus en plus et aujourd’hui, c’était l’occasion de se réunir et de se soutenir. C’est une bouffée d’air !«
« L’heure de la révolte a sonné »
Peu après 14h la marche s’élance derrière le camion des organisateur·trices. Dans le cortège, on peut noter la présence notamment d’Act Up et du syndicat étudiant l’UNEF. Le rassemblement se veut inclusif, comme peut le témoigner l’intervention de militant·e·s pour traduire les consignes des organisateur·trice·s en langue des signes à l’arrière du camion. Derrière la bannière « Lesbiennes, trans, intersexes, bi·e·s, gays, exploité·e·s et opprimé·e·s, l’heure de la révolte à sonné ! », la peur change de camp. Pour Aloïse, le cortège de la marche se transforme peu à peu en safe space, lieu parfait pour exprimer ses revendications sans crainte : « en temps que lesbienne, j’ai peur de me faire tabasser dans la rue. Ça me fait peur des fois d’être “aussi” out. Mais là je me sens bien, entourée et protégée. Ça fait du bien. »
Je ne savais pas que j’en avais besoin jusqu’à ce qu’on soit là mais maintenant que je suis là je me rends compte qu’il y a tellement de belles personnes et tellement d’amour. Ça me fait du bien parce que j’en ai marre d’en avoir peur pour moi et peur pour les autres.
Dans la rue Beaubourg, les voisins sortent à leurs fenêtres saluer la foule, et la peur de l’affrontement avec les forces de l’ordre se dissipe peu à peu. Les colleur·eu·ses balisent le trajet de la marche, un film se tourne dans la foule. Les plus chanceux·se·s pourront même y croiser au détour d’une rue l’acteur Félix Maritaud ou encore la militante Ari de B (aka la performeuse Habibitch), venu·e·s apporter leur soutien à la cause. La foule ici est « anti-fasciste », en témoignent les nombreux slogans « siamo tutti antifascisti » et « pas de fachos dans nos fiertés » scandés en cœur, comme des revendications en opposition aux autres manifestants « du camp adverse » de l’autre côté de la Seine.
« On leur a bien marché dessus »
Il est 16h quand le cortège arrive sur la Place de l’Hôtel de la Ville. Pas de confrontation ni d’affrontements ne sont prévus avec la Manif Pour Tous, alors encore devant le Ministère de la Santé, à l’autre bout de Paris. La contre-manifestation pacifique, que l’on pourrait qualifier de joyeuse, malgré les enjeux importants qu’elle recouvre, se dissipe progressivement. Mais pourquoi avoir attendu une contre-manif, une mobilisation pour l’accès à des droits humains fondamentaux, pour qu’un tel rassemblement puisse avoir lieu ?
Le media Le coin des LGBT+, a cependant rapporté un cas de tensions et de violences à Lyon, où un homme a sorti un nunchaku pour s’attaquer aux manifestant·e·s queer. Au-delà de la violence psychologique que certains des membres de la Manif pour tous infligent à leurs propres enfants en les emmenant en manifestation contre leur grès – comme le décrient des années après les nombreuses personnes interviewé·e·s dans cette enquête du Monde – la violence physique envers des membres de la communauté LGBTQI+ renforce leur caractère détestable et condamnable.
En attendant de pouvoir se rassembler à nouveau, les militant·e·s ont conclu sur Twitter, « on leur a bien marché dessus« . La bataille s’est poursuivie sur le réseau social jusqu’à faire passer #MarchonsLeurDessus avant le mot-dièse de la Manif pour Tous, #MarchonsEnfants…
*les prénoms ont été modifiés.
Image à la Une : © Mille et Une queer
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