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Philippe Halsman – Étonnez-moi ! au Jeu de Paume

Philippe Halsman – Étonnez-moi ! au Jeu de Paume

Yvonne Halsman, Marilyn Monroe et Philippe Halsman, 1959. Archives Philippe Halsman. © 2015 Philippe Halsman Archive / Magnum Photos. Source : http://www.jeudepaume.org/?page=article&idArt=2210

« Pour moi, la photographie peut être une chose à la fois profondément sérieuse et extraordinairement amusante. Essayer de capturer la vérité élusive avec mon appareil est souvent frustrant alors que tenter de créer une image qui n’existe que dans mon imagination se révèle souvent un jeu exaltant. J’ai particulièrement apprécié ce jeu avec Salvador Dalí. »

Cette double conception de la photographie, sérieuse et amusante, semble être un fil rouge que l’on retrouve tout au long de la carrière de Philippe Halsman (Riga, Lettonie, 1906 – New York, États-Unis, 1979). Vous l’avez certainement remarqué si vous fréquentez le métro parisien, en croisant quelques-uns des portraits que Philippe Halsman a réalisés au cours de sa prolifique carrière, reproduits en grand format sur les murs carrelés de certaines stations.

Philippe Halsman, Marilyn Monroe, 1959 Musée de l'Elysée. © 2015 Philippe Halsman Archive / Magnum Photos Source
Philippe Halsman, Marilyn Monroe, 1959
Musée de l’Elysée. © 2015 Philippe Halsman Archive / Magnum Photos
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Son œuvre ne se réduit cependant pas aux portraits de Marilyn Monroe, suspendue en l’air devant un fond bleu, les fils minces de sa robe noire échancrée pétrifiés en halo volatile autour de ses jambes pliées, sa chevelure blonde dansant en mouvements désordonnés autour de son visage éclairé par le rouge écarlate qu’elle porte aux lèvres, que vous avez pu apercevoir au détour d’une station de métro ou sur les affiches. L’œuvre de Philippe Halsman est protéiforme, riche et multiple ; mais surtout, on retrouve dans chacune de ses photographies ces deux traits majeurs, le sérieux et l’amusant, comme un couple indissociable et indispensable. Dans une des salles de l’exposition présentée en ce moment et ce jusqu’au 24 janvier au Jeu de Paume, « Philippe Halsman – Étonnez-moi ! », on peut lire cette assertion de Halsman, qui témoigne de cette ambivalence sérieux/amusant qui transpire de chacune de ses œuvres : « Pour mon travail sérieux, je m’efforce d’atteindre l’essence même des choses et des objectifs qui sont peut-être impossibles à réaliser. D’un autre côté, je suis très attiré par toute forme d’humour, et cet aspect puéril de mon caractère m’amène à toutes sortes de comportements frivoles. » De l’humour, c’est certain ; de la frivolité, rien n’est moins sûr.

Philippe Halsman – Portraits psychologiques et jumpology : une photographie « profondément sérieuse… »

Cet équilibre entre sérieux et amusant se retrouve dans nombre des portraits que Philippe Halsman a réalisés, tout d’abord à Paris dans les années 1930, puis à New York à l’issue de son départ pour les États-Unis en 1940 au début de la Seconde Guerre mondiale, des portraits qui pour certains constitueront la couverture du magazine américain LIFE pour lequel Halsman a réalisé cent-une couvertures. Chaque portrait effectué par Philippe Halsman est une sorte de roman à lui seul. Focalisé sur la psychologie de son sujet et surtout par la mise en scène de la photographie afin de donner à voir « l’essence même » de la personne portraiturée, Halsman réalise des images pleines de sens et de symbolisme, dans lesquelles se donnent à voir à la fois la personnalité du sujet mais également celle de Halsman lui-même, notamment dans le caractère humoristique et malicieux des clichés, ainsi que sa propre conception de la photographie et du portrait. Il indique d’ailleurs : « Je fais beaucoup de portraits et je les prends très au sérieux. Avec vérité et sans artifices, je tâche de saisir l’essence même de mon sujet. L’idéal serait de créer une image qui entrerait dans l’histoire de telle façon que si la postérité se rappelle un grand homme elle le verra dans une image créée par mon appareil et ma vision. » Une vision singulière, qui cerne de façon originale et pertinente la personne portraiturée.

À gauche : Philippe Halsman, Andy Warhol, 1968 Archives Philippe Halsman. © 2015 Philippe Halsman Archive / Magnum Photos À droite : Philippe Halsman, Le Duc et la duchesse de Windsor, 1956 Archives Philippe Halsman. © 2015 Philippe Halsman Archive / Magnum Photos Source : http://www.jeudepaume.org/index.php?page=article&idArt=2210

À gauche : Philippe Halsman, Andy Warhol, 1968
À droite : Philippe Halsman, Le Duc et la Duchesse de Windsor, 1956
Archives Philippe Halsman. © 2015 Philippe Halsman Archive / Magnum Photos.
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À gauche : Philippe Halsman, Brigitte Bardot À droite : Philippe Halsman, Audrey Hepburn © 2015 Philippe Halsman Archive Source : http://philippehalsman.com/?image=jumps

À gauche : Philippe Halsman, Brigitte Bardot
À droite : Philippe Halsman, Audrey Hepburn
© 2015 Philippe Halsman Archive / Magnum Photos
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Dans les années 1950, toujours dans cette idée de portrait psychologique, Philippe Halsman développe une nouvelle façon d’effectuer les portraits, qu’il va appeler la « jumpology » : l’idée est de prendre le sujet en photo alors qu’il est en train de sauter ; « selon lui, l’action de sauter désinhiberait le sujet, qui, concentré sur son saut, laisserait “tomber le masque”. Halsman remarque les postures très variées des différents participants et discerne dans ces gestuelles des signes révélateurs du caractère des individus qui s’exprime à leur insu ». Et on ne peut que saluer l’initiative lorsque l’on voit le résultat. Marilyn Monroe, genoux pliés et pieds joints, dans une robe noire luisante, sourire aux lèvres ; Brigitte Bardot sautant au-dessus de rochers en bord de mer, bras largement écartés et chevelure ondulant autour de son visage, tête renversée et sourire qui donne l’impression d’essayer d’atteindre la même amplitude que ses bras ouverts ; le duc et la duchesse de Windsor, très droits et hiératiques, se tenant fermement la main et ayant pris la précaution d’enlever leurs chaussures avant de sauter – élément qui, en sus de leurs portraits en eux-mêmes, en dit également long sur eux – ; Audrey Hepburn, dont la large jupe flotte autour d’elle et épouse son mouvement, jambes et bras tendus, large sourire qui lui mange la moitié du visage… Nombreux sont ceux qui se sont pliés au jeu et ont accepté de sauter en l’air devant l’appareil photographique de Philippe Halsman. La plupart, en tout cas, ont cela de commun qu’ils arborent un large sourire, bien loin des sourires forcés et convenus que l’on trouve habituellement dans les portraits posés.

« … et extraordinairement amusante » : mise en scène, humour et imagination

De la même manière, les portraits que Halsman réalise de Fernandel en 1949 pour un picture book, portraits dans lesquels Fernandel exprime différentes émotions et expressions afin de répondre de façon silencieuse et humoristique à une prétendue journaliste, dénotent un goût marqué pour la mise en scène et l’originalité, goût que l’on retrouve également dans les clichés issus de son travail avec Alfred Hitchcock ou Jean Cocteau, pour lesquels Halsman recourt parfois, comme dans de nombreux autres portraits, à des procédés de montage photographique afin de produire des images originales et amusantes.

À gauche : Philippe Halsman, Fernandel, « Quelles sont les mesures prises par le gouvernement français pour accroître le taux de naissance ? », The Frenchman, 1948 Archives Philippe Halsman. © 2015 Philippe Halsman Archive / Magnum Photos Au centre : Philippe Halsman, Portrait d’Alfred Hitchcock pour la promotion du film Les Oiseaux, 1962 Musée de l’Élysée. © 2015 Philippe Halsman Archive / Magnum Photos À droite : Philippe Halsman, Jean Cocteau, l’artiste multidisciplinaire, 1949 Archives Philippe Halsman. © 2015 Philippe Halsman Archive / Magnum Photos Source : http://www.jeudepaume.org/?page=article&idArt=2210

À gauche : Philippe Halsman, Fernandel, « Quelles sont les mesures prises par le gouvernement français pour accroître le taux de naissance ? », The Frenchman, 1948. Archives Philippe Halsman. © 2015 Philippe Halsman Archive / Magnum Photos.
Au centre : Philippe Halsman, Portrait d’Alfred Hitchcock pour la promotion du film Les Oiseaux, 1962. Musée de l’Élysée. © 2015 Philippe Halsman Archive / Magnum Photos.
À droite : Philippe Halsman, Jean Cocteau, l’artiste multidisciplinaire, 1949. Archives Philippe Halsman. © 2015 Philippe Halsman Archive / Magnum Photos.
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Autres manifestations de cet humour propre à Halsman, les œuvres issues de sa collaboration avec Salvador Dalí, avec qui il partage un « sens de l’humour potache » et une « ironie cinglante ». Pendant trente-sept ans, Halsman et Dalí réalisent ensemble de nombreuses photographies résultant d’une habile mise en scène et d’une imagination débordante, comme par exemple la photographie Dalí Atomicus inspirée du tableau Leda Atómica de Dalí et dans laquelle trois chats, une grande quantité d’eau, une chaise ainsi que Dalí lui-même accompagné d’une reproduction de son tableau sont en suspension dans l’air, créant une scène qui semble hors du temps, comme un moment de perfection absolue, l’instant T avant que tout ce qui se trouve en suspension grâce au pouvoir d’immobilité que procure la photographie ne retombe au sol à grand fracas. Autre réalisation majeure issue de la collaboration entre Halsman et Dalí, un picture book nommé Dalí’s Mustache dans lequel les deux artistes se focalisent sur – vous l’aurez compris – la moustache de Dalí, ingénieusement mise en forme et accompagnée d’accessoires divers, la transformant en attribut riche de sens et de potentiel humoristique. Une autre œuvre, inspirée du tableau La Persistance de la mémoire de Dalí, témoigne en sus de l’imagination de Dalí et Halsman des prouesses techniques dont fait montre Halsman, qui parvient à remplacer une des montres molles du tableau par le visage de Dalí.

Philippe Halsman, Dalí Atomicus, 1948 Musée de l’Élysée. © 2015 Philippe Halsman Archive / Magnum Photos. Droits exclusifs pour les images de Salvador Dalí : Fundació Gala-Salvador Dalí, Figueres, 2015 Source : http://www.jeudepaume.org/?page=article&idArt=2210

Philippe Halsman, Dalí Atomicus, 1948
Musée de l’Élysée. © 2015 Philippe Halsman Archive / Magnum Photos. Droits exclusifs pour les images de Salvador Dalí : Fundació Gala-Salvador Dalí, Figueres, 2015.
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À gauche : Philippe Halsman, « Plantées comme deux sentinelles, mes moustaches défendent l’entrée de ma personne », Dalí’s Mustache, 1953-1954. Archives Philippe Halsman. © 2015 Philippe Halsman Archive / Magnum Photos. Droits exclusifs pour les images de Salvador Dalí : Fundació Gala-Salvador Dalí, Figueres, 2015. Source
À droite : Philippe Halsman, « Le surréalisme, c’est moi », Dalí’s Mustache, 1953-1954.
Archives Philippe Halsman. © 2015 Philippe Halsman Archive. Source

« La photographie est la forme d’art la plus récente. Toutes tentatives d’élargir ses frontières sont importantes et doivent être encouragées », disait Philippe Halsman. Aucun doute, Halsman a largement contribué, de par son imagination, son humour, sa volonté de réaliser des clichés psychologiques et sa maîtrise technique du médium, à cet élargissement des frontières de la photographie. Et par la même occasion, à l’élargissement de nos propres frontières visuelles et de nos horizons photographiques.

« Philippe Halsman – Étonnez-moi ! », c’est jusqu’au 24 janvier 2016 au Jeu de Paume à Paris. Pour plus d’informations sur l’exposition et sur Philippe Halsman, je vous renvoie au site du Jeu de Paume, où vous trouverez des documents relatifs au photographe ainsi qu’une présentation filmée de l’exposition, par Anne Lacoste et Sam Stourdzé, les commissaires de l’exposition. Et pour voir d’autres photographies de Philippe Halsman en attendant de faire l’exposition ou faute de pouvoir vous y rendre, vous pouvez aller faire un tour sur ce site consacré au photographe.

N.B. : toutes les citations de cet article sont extraites de l’exposition et de l’application officielle de l’exposition que vous pouvez télécharger ici.

D’irrépressibles envies photo en ce moment ? Manifesto XXI fait le point pour vous sur les expos photo incontournables à Paris en cette fin d’année, en plus de l’exposition « Philippe Halsman – Étonnez-moi ! », et c’est à lire ici.

Suzy PIAT

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