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Prise de parole à la marche lesbienne du 23 avril 2023

En tant juifves queers féministes, nous souhaitons mettre en lumière les fonctionnements similaires entre antisémitisme et lesbophobie : selon les rhétoriques racistes et queerophobes, les juifves et queers ne sont pas reconnaissables facilement et peuvent ainsi s’organiser pour comploter (d’où les fantasmes sur les lobbies juifs et gays) ; et représentent un danger pour l’ordre du genre et l’ordre de la nation.

Nous luttons contre ces fantasmes antisémites de la figure de l’« ennemi de l’intérieur », « iels sont partout, comment les reconnaître/démasquer ? », et ceux qui nient nos identités et vécus diasporiques par d’autres thèses complotistes comme « iels n’ont pas de patrie et ont une allégeance à des entités supranationales ou internationales ». Les discriminations racistes, antisémites et lgbtqi-phobes se nourrissent et s’entretiennent, et rendent nos vécus juifs et queers lesbiennes doublement suspects et stigmatisés.

Pour combattre ces stigmas et pour se joindre aux luttes des collectifs antiracistes présents contre la lesbophobie d’État, notamment liée à la PMA, nous voulons citer Leslie Feinberg qui appelait déjà dans les années 70 à lutter en mixité choisie et à l’intersection des oppressions, contre ces discriminations :

« Parfois, d’autres travailleurs me dirent que le contremaître les avait informés que tous les juifs étaient de riches banquiers et industriels, responsables de la souffrance de la classe ouvrière. Mais je rappelais à mes collègues qu’ils travaillaient chaque jour avec des juifs comme moi sur la table d’assemblage et, depuis quand le contremaître s’intéressait-il à notre misère ? Il est devenu clair pour moi que le racisme et l’antisémitisme – comme la haine des femmes et l’homophobie – était faits pour que nous continuions à nous battre entre nous, plutôt que de nous battre ensemble pour gagner de réelles avancées. »

Nous voulons aussi parler de nos isolements parce que queers : dans nos communautés, il est rare de pouvoir être out, ou bien cela nous vaudra d’être marginalisé·es. Nous voulons combattre cet isolement et les risques que nous prenons en dévoilant nos genres et sexualités : c’est pourquoi nous nous organisons en collectif, d’endroits où nous pouvons nous soutenir, mais aussi où nous pouvons ne pas apparaître individuellement. L’importance de situer notre parole à partir du collectif est aussi une manière de résister à la récupération et la libéralisation des luttes féministes, antiracistes et contre l’antisémitisme.

La culture française est truffée de représentations de la pute juive, de juives déviantes, de tentatrices des blancs aux péchés condamnés par la culture occidentale. L’association des Juifves à l’argent produit des stéréotypes destructeurs sur une supposé cupidité des femmes et/ou putes juifves. Ces clichés perdurent dans la société, et nous voulons renverser ces représentations en nous présentant comme nous sommes, lesbiennes, queers, bis, meufs juives aux sexualités et pensées politiques « déviantes », qui n’ont rien à cacher.

Nous voulons enfin profiter de parler de ces situations d’isolement et de marginalisation pour témoigner notre soutien aux combats menés par les TdS ici et ailleurs, des femmes, des queers, des trans, travailleureuses du sexe, pour qui les droits n’avancent pour ainsi dire pas, et qui subissent les violences sociales, raciales, lgbtqi-phobes, sexistes et sexuelles, les plus acceptées et donc négligées par nos sociétés.


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