Nta Rajel?
Prise de parole à la marche lesbienne du 23 avril 2023
En tant que personnes queers nord-africaines, bien souvent, trop souvent, nous devons faire un choix. Nous devons faire un choix parce que nous sommes confronté·es à toutes celles et ceux qui pensent ces identités incompatibles. Celles et ceux pour qui nous sommes homophobes parce que nordaf ou au contraire non nordaf parce que queers. Pour celles et ceux d’entre nous de confession musulmane, la sentence est double.
Mais n’oublions pas que c’est la colonisation qui a apporté l’homophobie dans nos pays. En effet, dans de nombreux pays d’Afrique pré-coloniale, les notions de genre et d’orientation sexuelle étaient bien différentes de ce qui est la norme aujourd’hui. C’est au moment de la colonisation française, en Afrique du Nord notamment, que les gouvernements impérialistes y ont importé leurs lois répressives et les y ont instaurées. La vision d’une Afrique traditionnelle cis et hétérosexuelle face à un Occident voulant nous imposer sa « débauche » est donc historiquement fausse ; tout comme l’idée d’un Occident libéré et éclairé qui viendrait sortir nos peuples de la barbarie. Les enjeux du coming-out sont différents pour les personnes queers de notre communauté car elles ont davantage à perdre : le lien avec la famille est souvent le seul lien avec le pays et la culture d’origine. La famille constitue aussi le premier rempart contre le racisme. Et cette communauté, face au racisme d’État, on en a besoin, à l’heure où la ligne entre le gouvernement et l’extrême droite est de plus en plus floue et où la répression ne cesse de prendre des formes de plus en plus insidieuses et violentes.
En France, au nom d’une prétendue égalité des genres et d’une soi-disant laïcité, l’islamophobie s’est durcie depuis l’adoption de la loi de 2004 interdisant le port du foulard dans l’enseignement public. Les corps et les modes d’organisation des personnes musulmanes sont contrôlés. Ces mesures touchent d’autant plus les femmes et personnes qui portent le voile, qui sont l’objet de tous les débats publics. Ce contrôle est sexiste en plus d’être islamophobe. Depuis, les lois liberticides déferlent, et les débats et polémiques sur leur existence sont incessants.
Vous, féministes blanches, qui traitez l’antiracisme comme un combat annexe, ne vous croyez pas à l’abri. Aujourd’hui, c’est nos corps qui succombent les uns après les autres. Mais demain, vous êtes les prochaines à tomber. Parce que le gouvernement ne s’arrêtera pas là. Les droits des personnes LGBTQIA+ sont leurs prochaines cibles, suivi du droit des femmes. Alors si vous ne vous alliez pas à nous pour nous, faites-le au moins pour vous.
Plus que jamais, la mobilisation doit être générale, antiraciste, anticapitaliste, anti-impérialiste et antifasciste !
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