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Grand Blanc – Elan de la mélancolie

Grand Blanc – Elan de la mélancolie

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Un vent glacial qui fouette le visage. Un corps enveloppé d’un manteau. Un rythme électronique résonnant dans une immensité désertique. Et nichée au milieu des arrangements, les voix chaudes de Benoît et Camille, timbre grave et voix claire. Grand Blanc, c’est une musique en chaud/froid.

 « J’ai ta gueule de brise-glace plantée dans ma vitrine
Ça me fait rire aux éclats comme quand j’étais gamine
Je traînerai à t’attendre le long des couvre-feux » 

Camille Delvecchio : clavier, chant / Vincent Corbel : basse / Benoît David : chant guitare / Luc Wagner : claviers

Les premiers titres de Grand Blanc sortis sous forme d’EP en septembre dernier s’inscrivent dans la tendance renouvelée de “chanter en français” : « L’homme serpent », « Degré Zéro », « Samedi la nuit », « Petites frappes », « Feu de joie », « Nord », « Montparnasse ».  Une bonne vieille recette qui fait le miel du label “Entreprise”, dont Grand Blanc est l’un des fleurons.

Des mots simples, des textes soignés : la patte de Grand Blanc est avant tout à chercher dans sa poésie, juste et détonante. Un exutoire porté par des sons électro, pimentés d’une violence rock.

A l’affiche des Trans’ 2014 de Rennes, et conscients de faire partie de la scène musicale montante, Grand Blanc garde pour autant toujours les pieds sur terre. Rencontre avec Benoît et Vincent, élévation en douceur.

Prélude

En bref, c’est une histoire d’amis. Trois lorrains qui se retrouvent à Paris, des connaissances estudiantines, des logiciels de musique et des guitares dans les mains… Grand Blanc a maintenant deux ans.
Camille au chant et clavier, Vincent à la basse, Benoît au chant et guitare et Luc aux claviers.
Si on n’avait pas les deux pieds dans la musique, disons qu’on en avait un dedans.”
En études de littérature, Benoît grattait déjà la feuille blanche depuis quelques années ; Vincent et Luc, les ingé’ sons du groupe, fleurtaient avec l’univers sonore ; et Camille hésitait à devenir contrebassiste professionnelle.
Je crois que c’est la méthode standard maintenant, pour la plupart des groupes : tu n’arrêtes pas les études à 16 ans pour faire de la guitare », conclut Benoît.

L’origine du nom

Le terme est pratique parce qu’il est évocateur », explique Vincent. “La première fois que t’entends le nom « Grand Blanc », une image particulière te vient à l’esprit.” Benoît renchérit: “Ensemble, les termes de “Grand Blanc” peuvent à la fois vouloir dire plein de choses, et ne rien dire. Selon la chanson – par exemple dans L’homme serpent-, tu vas avoir un univers assez  distancié, style « Requin blanc ». Dans Nord, c’est plutôt toundra, Sibérie et ultra premier degré…  Et puis il y a aussi, et personnellement c’est ma connotation préférée, le blanc typographique. […] Le nom “Grand Blanc” se referme sur lui-même : il est graphique et sonore, le « an » se répète. C’est-à-dire que ce nom est aussi purement formel. D’ailleurs, c’est dans ce sens qu’il « ne veut rien dire ». Il peut ne rien signifier ; en lui-même, il fonctionne.

Lorraine, terre d’inspiration ?

De manière récurrente je crois que quand t’écris, tu règles souvent des comptes avec le lieu dont tu viens », acquiesce Benoît. Mais il insiste sur un point : “Notre musique ne parle pas seulement de Metz, elle parle de l’adolescence dans un endroit paumé. Maintenant, après les premiers titres de « jeunesse » justement, on a aussi envie de dépasser ce thème…

Le français, du pain béni et de la poésie

Il ne faut pas se mentir : on est bénis, parce qu’il y a cinq ans chanter en français aurait été un frein, et aujourd’hui on arrive à un moment où c’est un atout », explique Benoît. “On est très heureux de ça, et puis honnêtement, je ne sais pas écrire en anglais ! Aller profondément dans le sens et la pensée, je ne peux pas le faire dans une autre langue”.

La façon d’écrire de Benoît fonctionne beaucoup sur les doubles sens, les jeux de mots,” ajoute Vincent. “Par exemple Montparnasse joue beaucoup sur le fait que « terre » et « taire » sonnent pareils. Et la répétition du mot pousse à la confusion entre les deux sens…

 

La Jeunesse Éternelle

Grand Blanc touche aux thèmes de jeunesse, sans s’exprimer en son nom. En traduisant les émotions adolescentes révolues, leurs chansons dressent un portrait de la “jeunesse éternelle”.

A l’appui des écrits juvéniles d’auteurs romantiques désenchantés du 19è siècle, Vincent et Benoît affinent : “La jeunesse n’a rien de générationnel, elle exprime un même mal-être constant à travers les époques”. Un sentiment que Benoît fait émerger dans ses textes. Pour lui, il a l’impression que notre époque est celle où “tout a été fait, où plus rien n’est à prouver”.

Et en même temps, c’est parce qu’il est complètement vain d’écrire de la poésie aujourd’hui, que ça a précisément du sens”, selon Benoît. “Justement parce qu’on a rien à prouver, parce qu’on n’est plus politiques. Avec Grand Blanc, on ne cherche pas à « dire ». J’ai longuement parlé avec le chanteur de Fauve ; on développe tous les deux des thèmes post-adolescents, du mal-être. Simplement, lui croit au « dire » en soi, au discours. [De mon côté], je pense davantage qu’il faut faire surgir les choses, les provoquer. Et pour ça, il ne suffit pas d’utiliser une langue.

Répertoire poétique

Il y a peu, Benoît étudiait la poésie contemporaine française, plus précisément Yves Bonnefoy et sa poésie paysagère des années 50-60. “Yves Bonnefoy m’a servi de repoussoir plus que d’inspiration », explique-t-il. Prenant le contre-pied de Bonnefoy, Benoît plonge dans un style plus surréaliste avec Grand Blanc: “J’essaie d’emprunter à la poésie, et de la replacer dans le quotidien. Je peux aller chercher du côté de René Char, ou Robert Desnos  par exemple ; parce que j’ai l’impression que personne ne va voir là-dedans en ce moment.

Grand Blanc Blanc 2

Credit photo : Guillaume Lechat

Inspirations musicales: sans maître et plein d’esprit

Grand Blanc est souvent comparé à Bashung. Pourtant, les membres du groupe n’ont commencé à l’écouter qu’après avoir déjà créé quelques chansons.

“De manière générale, nous n’avons pas d’influences musicales « en amont » : on n’a pas vraiment de maître », affirme Benoît.

Luc et moi on écoutait beaucoup d’électro ; Camille pas mal de Garage et de New Wave », indique Vincent. “A la fois, on voulait faire ce style de musique, et on avait un attachement à chanter en français. A partir du moment où tu fais ce mix [électro/Garage/NewWave/chansons en français]… Tu te sens un peu isolé sur la scène musicale, et t’essaies d’aller voir ce qui se fait autour de toi. Des personnes nous on fait remarquer que Grand Blanc avait quelque chose de Bashung. A partir de ce moment-là, on s’est dit que ce qu’il faisait dans les années 80, on pourrait peut-être essayer de le faire aujourd’hui.

Influences du moment, et pour le futur album

“Com Truise”, “The Soft Moon”: Grand Blanc va plutôt fouiller du côté de la New Wave pour un futur album.

« La New Wave est une musique assez directe généralement, assez rapide, et donc très contraignante pour le phrasé », commente Benoît. « Au bout d’un moment, quand c’est rapide et très simple, tu amuses un peu la galerie. Maintenant, depuis qu’on a sorti l’EP, on ne veut pas cantonner notre musique à un style ; tout en gardant ce son et cette énergie. C’est un peu ce que fait “The Soft Moon”, il me semble… »

« “The Soft Moon”, on s’en sert plutôt pour tout ce qui est couleur de boîte à rythme ; avec les « Stones » par exemple, pour les solos de guitare », ajoute Vincent.

« Personnellement, j’ai pas mal écouté Christine and the Queens aussi, parce que concrètement, il n’y a pas mille façons de chanter en français : si tu fais du lyrique, tu ressembles à Dominique A, si tu fais du jazzy tu ressembles à Gainsbourg, etc », explique Benoît. « Le phrasé de « Christine and the Queens » est intéressant : elle propose vraiment une autre interprétation. Et son son est très large, il va de la variété française à des morceaux plus obscurs. Pour Grand Blanc, la problématique est vraiment qu’on a besoin à la fois d’un son qui turbine mais qui soit plus lent. On a besoin d’une autre manière de chanter. Donc on pioche des idées et on les rassemble, pour faire notre propre son. »

La composition version Grand Blanc

Les membres du groupe ont un objectif clair : faire des chansons qui leur plaisent, et ensemble. Souvent, un petit riff de guitare, une punchline de Benoît suffisent à lancer un nouveau morceau. Ensuite, chacun y va de son idée, et petit à petit une structure mélodique et textuelle s’établit, et quelques arrangements sont rajoutés.

Le texte change en fonction de la musique. Pour Benoît, la méthode “d’amener le texte dans la musique” a plus de sens pour créer un morceau à plusieurs.

« Parfois, dans la version finale d’une chanson, je peux dire le contraire de ce que je disais au début. Mais ce n’est pas dérangeant dans le sens où je ne cherche pas à dire des choses : je cherche simplement à ce qu’il se passe quelque chose. »

L’univers visuel de Grand Blanc

Certains des clips de Grand Blanc apposent des filtres imaginaires et stylistiques à la réalité, alors que d’autres adoptent directement le décor de lieux et de situations que les membres du groupe ont connus.  Le clip de Degré Zéro, par exemple, a été tourné à Metz, ville dont sont originaires la plupart des membres du groupe.

Pour Benoît et Vincent, il n’y a aucune opposition entre des clips “réalistiques” et leurs textes poétiques et déconstruits. Au contraire, les textes expriment ce monde réel : « Nos textes sont du réel quasi pur », dit Benoît.
« Les mots usuels ne suffisent pas pour dire vraiment les choses. Dans Degré Zéro, l’un des passages traite du rapport à la mémoire : “Parmi les photomatons, ton souvenir matraque”. Le fait d’être prisonnier de la mémoire est peut-être plus évident en le disant de cette manière qu’en l’exprimant avec des mots du quotidien. »

 

En général, la réalisation des clips se fait “au cas par cas”, selon Benoît, et dépend de la relation que les membres du groupe ont aux morceaux.

« Le clip de Samedi la nuit sert de présentation, une vidéo-live pour montrer nos têtes et permettre aux gens de mettre un visage sur notre musique… Tandis que par exemple pour le clip de l’homme serpent, c’est Camille qui s’est beaucoup impliquée avec des amis de la Femis », explique Vincent.

“On a la dalle”

La composition de l’album, on est en plein dedans en ce moment : [il devrait sortir] début 2016”, explique Benoît. “Et puis la tournée… Forcément, une vraie tournée on aimerait bien ! On est encore très jeunes, et on a la dalle.

 

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Voir Aussi

Vous aussi vous avez la dalle ? Cliquez sur les liens ci-dessous pour en savoir plus sur Grand Blanc !

 

Ici :  https://soundcloud.com/grndblnc

Là : https://www.facebook.com/GRNDBLNC

Et là: https://twitter.com/GRNDBLNC

 

Et en dessert, les concerts :

Jeudi 26 Mars 2015, NANTES, Le Lieu Unique pour le festival Assis ! Debout ! Couché !

Vendredi 27 Mars 2015, ALLONNES, à Peniche Excelsior

Vendredi 10 Avril 2015, AUXERRE, Le Silex Les festivals

Vendredi 08 Mai 2015, ANGOULEME, Parc Des Expos pour le festival SPIDERLAND

Vendredi 22 Mai 2015 19h00, À SAINT LAURENT DE CUVES pour le festival PAPILLONS DE NUIT

Samedi 23 Mai 2015, SAINT BRIEUC, Forum (Passerelle) de Saint Brieuc pour le festival FESTIVAL ART ROCK

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Crédit photo de couverture : Adrien Landre

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Fanny Ohier

 

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