Deux rappeurs, un producteur, un cocktail explosif de tension, d’humour, de spleen et de provocation, voilà la colonne vertébrale du sulfureux crew DFH DGB dont les morceaux font vibrer les entrailles parisiennes depuis déjà quelques temps. Un son unique les deux pieds dans l’air du temps, qui transpire l’urgence, assorti d’un univers visuel hypnotisant qui a digéré toutes les obsessions de son époque, derrière lequel se cache entre autres le décidément incontournable Kevin Elamrani-Lince. Du défouloir poétique à la neurasthénie électrique, DFH DGB vient braquer le rap français une rose noire à la bouche, un fuck dans une main et un taser dans l’autre.
Manifesto XXI : Comment vous avez su que la musique, le rap, était votre moyen d’expression privilégié ?
Hyacinthe : Sur nous trois je suis le seul à ne faire que ça. Je ne me suis pas trop posé la question, je pense que j’étais vraiment très nul dans tout le reste, donc j’ai concentré mes efforts pour être pas trop mauvais dans un truc. C’était déjà assez compliqué comme ça ! Puis le rap ça semblait accessible, c’était assez facile de se procurer des prods, et ça ne demandait pas beaucoup de matériel.
L.O.A.S : La musique parce qu’on en écoute, le rap parce que c’était un peu la musique de ma génération, et que c’était le truc qui me parlait le plus. Après moi j’y suis venu par le biais de l’écriture, il s’agissait ensuite de trouver comment transmettre au mieux ce texte, et le rap semblait le média le plus évident pour ça. C’est ce qui a le plus de facilité à être distribué et compris.
Krampf : Pour ma part je pense que ça a un rapport avec les premiers logiciels que j’ai eus sous la main sur l’ordinateur familial. Il y aurait eu Photoshop ou autre, j’aurais peut-être fait autre chose. Dès que j’ai eu accès à d’autres logiciels, j’ai fait d’autres choses. J’aime juste faire des trucs sur les ordinateurs en fait, c’est mon côté nerd.
Vous avez plutôt des parcours autodidactes ?
Krampf : J’ai pris des cours de batterie et d’accordéon étant enfant, puis j’ai arrêté brutalement à l’adolescence, et j’ai continué avec des logiciels mais en cliquant sur des cases. Pour moi il n’y avait plus aucun rapport, c’était d’autres référents. Donc j’ai poursuivi de manière « ignorante ».
L.O.A.S : Mes parents m’ont inscrit au Conservatoire quand j’étais petit, ça me plaisait, mais je leur ai dit qu’il fallait choisir. Je pouvais me donner pleinement soit à l’école soit au Conservatoire, mais pas les deux à la fois. Ils ont choisi l’école. Mais récemment mon père m’a dit qu’il regrettait, qu’on aurait dû faire l’inverse !
Krampf : Est-ce que tu t’es investi à l’école du coup ?
L.O.A.S. : Oui j’étais assez bon, jusqu’à ce que je découvre la weed !
Hyacinthe : Moi j’ai fait trois ans de batterie quand j’étais enfant mais il en reste assez peu de traces…
Krampf : Voire quasiment aucune !
(rires)
Hyacinthe : Ça m’arrive encore de rater mes entrées… Je devais vraiment être très mauvais en rythme à la base car c’est pas mon point fort… mais ça va mieux maintenant.
Krampf : Tout ça pour dire qu’au final on en est toujours au niveau zéro d’un point de vue académique, pas sûr qu’on puisse te dire ce qu’est une tierce… On travaille différemment, c’est vraiment une autre forme de connaissance.
Comment vous en êtes venus à travailler ensemble ?
Krampf : Parce qu’on avait tous besoin des autres en fait. Aucun de nous n’avait les moyens de faire quelque chose qui ressemble à ce qu’on fait aujourd’hui tout seul. On était complémentaires dans nos compétences.
L.O.A.S : Bien sûr on aurait pu trouver un autre producteur par exemple, mais il y avait une vraie qualité. La première fois que j’ai bossé avec Krampf je ne m’étais jamais entendu comme ça. Il arrive à matérialiser ce que j’ai dans la tête.
Krampf : Il y a eu une forme d’émulation.
Hyacinthe : C’est la première fois que je rencontrais des gens qui comprenaient ce que je faisais, avec qui c’était fluide en termes de dialogue.
L.O.A.S : On avait aussi des références communes.
Hyacinthe : Qui aujourd’hui se sont démocratisées, mais qui à l’époque étaient plutôt rares.
Quelles types d’influences ?
Hyacinthe : Par exemple, quand j’ai rencontré Lucien, c’était la première fois que je parlais d’Alkpote avec quelqu’un dans la vraie vie, en dehors d’internet.
Krampf : En fait le début de DFH DGB est complètement contemporain du début de 1995, et les gens étaient majoritairement dans un autre délire très nineties. Il n’y avait pas mille personnes à Paris auxquelles tu pouvais parler de Nessbeal pendant trois heures par exemple.
L.O.A.S. : Il y avait aussi une sensibilité pop partagée dès le début. On savait qu’on voulait aussi chanter, ce qui n’était pas forcément du tout évident dans le rap à ce moment-là.
Est-ce que vous vous autorisez une grande liberté stylistique et d’expérimentation, ou est-ce que vous vous posez tout de même un certain cadre ?
Krampf : Il y a quand même une notion particulière dans le rap de compétitivité, de performance par rapport à une concurrence qu’on se pose. Il y a quelque chose de sportif qui fait que même si tu te sens libre, à un moment tu te dis quand même qu’il faut que ça envoie plus que les autres.
Hyacinthe : C’est une réalité, mais par exemple je sais que moi je m’en libère de plus en plus. Il y a deux-trois ans je me disais « il faut vraiment que j’ai un couplet où ça découpe, où il faut vraiment kicker », et là de plus en plus je mets de la distance avec ça.
Krampf : Mais ça peut être remplacé par d’autres choses.
Hyacinthe : Je m’autorise à faire de la musique bizarre, mais c’est vrai que je m’impose que ce soit un minimum efficace. Par exemple on a sorti « Sarah » il y a quelques jours, c’est vraiment un morceau hors-cadres, sans refrain, avec une espèce de montée bruitiste au début…
Krampf : Mais qui aurait pu l’être plus, hors cadre. Qui aurait dû !
(rires)
Hyacinthe : Laissez-moi tranquille !
Mais même dans un morceau comme ça, j’essaie de penser à ce que ce soit efficace et agréable à écouter, même si c’est un objet un peu bizarre par rapport à la norme.
L.O.A.S : Et pour terminer sur le sujet, je dirai qu’aujourd’hui la norme c’est être bizarre. Maintenant chaque musicien réfléchit à comment faire quelque chose qui n’a pas été fait, et le rap a englobé toutes les autres musiques. C’est la musique pop d’aujourd’hui.
C’est important pour vous d’avoir la sensation d’innover ?
Hyacinthe : Pour être honnête, je ne crois pas qu’on innove.
L.O.A.S : À un moment donné dans le paysage français, si…
Krampf : C’est plus une volonté de saisir l’époque et l’air du temps. D’être contemporains plutôt qu’avant-gardistes. Mais vu que dans l’industrie on a plus tendance à se référer à ce qui a marché avant, au final essayer d’être vraiment contemporain, c’est risqué, mais pas forcément innovant. Mais on est tous l’avant-garde de quelqu’un d’autre. Ça a aussi à voir avec la compétitivité. Il ne faut pas paraître ringard, il faut être stylé, et ce qui est stylé c’est ce qui n’a pas encore été ringardisé. Tu te dois d’être ‘frais’. Tu ne peux pas te permettre d’avoir des snares (ndlr : caisses claires) qui ont quatre ans… Tu dois créer du «’whow’ effect, ce qu’on recherche tous en partie dans l’art. Tu peux vouloir provoquer de la nostalgie, de la tristesse par exemple, mais aussi de l’ébahissement. Ça fait partie du langage de l’artiste.
L.O.A.S : Mais ce n’est pas de l’innovation pour l’innovation à tout prix.
Hyacinthe : Il ne faut pas que ce soit gratuit en fait.
Comment vous voyez la cartographie de la scène urbaine actuelle ?
Krampf : C’est un terrain glissant et une conversation qui pourrait durer des heures, même si c’est super intéressant…
L.O.A.S. : En tout cas c’est un contexte stimulant. Quand on a commencé à bosser ensemble ça stagnait autour, voire même ça retournait en arrière, alors qu’aujourd’hui la majorité des gens ont compris le sens de la marche, ça ne fait que s’élargir, et chacun dans son coin explore son petit univers et agrandit la carte.
Krampf : Il y a une qualité aujourd’hui dans les musiques urbaines qui a rarement, voire même jamais été atteinte, en termes de maîtrise.
Hyacinthe : En même temps il y a de l’espace, il y a eu des vraies têtes d’affiches dans divers styles, ça a élargi chaque niche.
L.O.A.S. : Par contre, autant il y a cinq, six ans c’était facile de se faire remarquer, autant aujourd’hui il y a une énorme diversité et beaucoup d’originalité, donc une difficulté plus grande à sortir du lot.
Cette scène en ébullition, selon vous elle s’exporte où c’est très franco-français ?
Krampf : Je pense que ça ne peut être qu’extrêmement franco-français à part deux-trois exceptions…
L.O.A.S : Type MHD, PNL, Maître Gims… ce genre de personnages, qui ont des titres énormément joués à l’international.
Et vous d’ailleurs, vous êtes plus attachés à un succès populaire ou spécialisé ?
L.O.A.S : Déjà du succès c’est pas mal !
Hyacinthe : J’essaie de ne pas trop me poser ces questions pour être tout à fait honnête, parce que je pense qu’on se rend fou rapidement. Je crois que dans tous les cas il faut accepter ton public quel qu’il soit. Je sais qu’il y a un truc qui m’exaspère, c’est quand les artistes vont cracher sur leur propre public s’il devient trop populaire. Mais à choisir je ne sais pas… si tu peux avoir les deux c’est mortel, mais après ça dépend de tellement de facteurs incontrôlables…
Krampf : Je pense que les deux sont quand même interdépendants au final… Mais on peut estimer finalement que tous les deux vous avez déjà un succès critique, si on étudie la grille moyenne du succès critique en France, le bingo est bien rempli. Mais le succès populaire n’est pas en regard du succès critique. Est-ce que vous êtes satisfaits de ça ? Je ne pense pas, mais est-ce que le contraire aurait été plus satisfaisant ? Peut-être.
Vous vivez à Paris depuis longtemps ? Quel est votre rapport à ce territoire ? En quoi Paris a pu influencer votre art ?
Krampf : Hyacinthe et moi on y est nés, et L.O.A.S y est arrivé il y a déjà pas mal d’années.
L.O.A.S : Avec la musique je ne sais pas, par contre j’ai un vrai rapport affectif à cette ville, même si j’y suis pas né, parce que j’y ai vécu sans avoir de vrai logement, donc j’ai passé énormément de temps dans la rue à trainer, à y passer des nuits, à traverser cette ville de long en large en travers à pieds, à visiter les moindres bâtiments en chantier, les toits, les accès… Donc j’ai un vrai rapport affectif qui je pense nourrit mes textes, mais si je n’avais pas vécu ici j’aurais quand même fait cette musique, peut-être pas de la même manière, mais j’aurais quand même fait du rap.
Hyacinthe : J’ai très envie de partir de Paris pour plein de raisons, je me sens un peu étouffé par cet esprit de microcosme duquel j’ai envie de m’évader. J’ai toujours vécu là donc j’ai peut-être un côté blasé, j’ai envie de voir autre chose.
L.O.A.S : Moi aussi je suis dans une phase où ça y est je veux repartir…
Krampf : Je n’ai jamais connu autre chose, du coup je n’ai aucun recul par rapport à ça.
Hyacinthe et L.O.A.S, comment vous savez qu’on vous propose une bonne prod ?
Krampf : Ils me demandent en fait !
(rires)
Hyacinthe : En général oui !
Il faut que j’ai envie de la réécouter. Il faut que naturellement j’arrive à poser des mots ou des mélodies dessus. Et l’étape deux c’est « Lucien, c’est bien produit ou pas ? »
L.O.A.S : Immédiatement j’ai envie de chanter si c’est bon, de faire du yaourt…
Hyacinthe : Quoiqu’il y a des prods que j’ai reçues que j’ai pas trop calculées au début, mais sur lesquelles je suis revenu après. Ça dépend. Mais globalement il faut que ce soit une prod dont tu ne te lasses pas trop rapidement. S’il n’y a rien à creuser dedans, il faut passer à autre chose.
L.O.A.S : C’est vraiment deux choses, le coup de cœur et le temps.
Hyacinthe : Et Lucien !
(rires)
Lucien : Mais maintenant vous en avez plus rien à battre de mon avis…
L.O.A.S : Mais c’est faux ! Je t’ai envoyé une prod récemment que t’as validé !
Hyacinthe : Quand j’aime bien et que Lucien n’aime pas assez, en général je fais quand même un truc dessus et ensuite je lui envoie pour qu’il l’améliore.
Krampf : Et une fois que j’y ai mis un peu de mon ego, je me dis que ça ne peut pas être si mauvais que ça !
(rires)
Krampf, tu fais à la fois des productions destinées au rap et des productions plus personnelles : comment tu t’organises avec tout ça ?
Dans le processus je travaille de la même manière, et après des featurings adviennent ou pas suivant si un rappeur écoute et apprécie une prod. Il y a plein de morceaux qui étaient censés être rappés qui ne l’ont jamais été, et inversement.
Comment envisages-tu tes prochaines sorties ? Toujours dans un flux un peu continu, ou tu songes à te poser sur un format plus long ?
Krampf : J’ai décidé que tant que je n’avais pas fini mes études (d’ingénieur du son), je ne me mettais pas de pression sur la musique.
De quoi tu pars généralement quand tu produis ?
Krampf : De la technologie surtout. Un nouveau logiciel, un tutoriel que j’ai vu, un nouveau plug-in… C’est essentiellement ça qui m’inspire et guide ma composition.
Le rap est souvent associé à une forme d’engagement ; est-ce que vous vous sentez investis d’une mission particulière, de représenter un certain type de gens, d’idées ?
L.O.A.S : Je pense que malgré nous on représente quelque chose, par l’esthétique qu’on développe il y a une forme d’engagement, mais elle n’est pas théorisée, et tant mieux.
Krampf : Il y a des valeurs et des idées qui sont inhérentes à notre musique, même si ce n’est pas sa finalité.
Hyacinthe : À partir du moment où tu ouvres la bouche et que tu dis quelque chose, quelque part tu t’engages. Même ceux qui disent qu’ils ne font pas de politique, en vérité si…
Krampf : Car tout est politique !
Hyacinthe : Consciemment ou pas, tu défends quelque chose.
L.O.A.S : Malgré nous on va défendre un certain type de personnes qui se reconnaissent dans ce qu’on dit.
Le rap a gagné une audience plus large ces dernières années grâce à des productions plus pop et variées, mais beaucoup lui reprochent de continuer sur le fond à valoriser par exemple la drogue, la violence ou encore la misogynie. Qu’en pensez-vous ?
Krampf : Il y a eu des avancées sur les prods mais aussi sur le fond. Le fait par exemple d’avoir aujourd’hui des rappeurs qui affichent une solidarité avec la communauté homosexuelle était impensable il y a dix ans. Donc oui il y a un certain « folklore » rap inhérent à cette culture, mais il y a quand même eu de l’ouverture, du progrès, une évolution.
L.O.A.S : Une diversité de messages.
Hyacinthe : Dans son propos le rap est un poil moins réactionnaire qu’il y a dix ans.
L.O.A.S : Il y a autant de conneries dans le rap qu’il y en avait avant, mais il y a plus de rap, et une plus grande variété de propos.
Si on prend l’exemple de PNL, les productions peuvent plaire à un large public, mais les paroles continuent d’en bloquer une partie…
L.O.A.S : PNL c’est comme du Air avec des paroles trash de banlieue, mais c’est aussi ce décalage-là qui rend leur musique intéressante. Le fait qu’ils ne soient pas arrivés avec des paroles énervées et une musique énervée fait qu’on trouve toute une douceur mêlée à la rage de leurs propos. C’est ce qui donne du relief. Tant mieux qu’il continue à y avoir ce genre de textes qui choquent les gens. Il existe aussi plein d’artistes qui font du rap bisounours, après à chacun d’aller écouter ce qui lui convient.
Krampf : Mais ce n’est pas PNL qui a fait un morceau anti-avortement par exemple. Donc il faut aussi chercher la violence là où elle est, voir qui la subit, vers qui elle est dirigée…
Krampf tu parlais de « folklore », ce qui rejoint une idée de posture ; est-ce qu’il n’y a pas une nécessité pour chacun de conserver une certaine posture dans le rap, qui entraîne certains choix artistiques ?
Krampf : Non car tout le monde sait que les propos violents font perdre de l’argent, donc personne ne va s’amuser à forcer le trait. Sauf le côté bling-bling, l’apologie du capitalisme, ça bien sûr ça arrive que certains forcent le côté « on a du biff ». Mais sinon typiquement je pense que personne ne s’est dit « allez les gars, plus de sexisme sur l’album, ça le fait pas là ! » Je pense que c’est toujours très naturel.
L.O.A.S : Il y a aussi un côté jouissif aussi à dire des choses transgressives, interdites, à aller chercher dans le hardcore. Surtout quand tu débutes ; quelles sont mes limites, jusqu’où je peux aller… c’est ce qui définit un peu qui tu seras par la suite.
Krampf : Après j’ai plein d’exemples en tête d’artistes mettant en scène une forme de violence qui vient d’autres cultures musicales que le rap.
L.O.A.S : Il y a des choses à aller explorer dans l’écriture et dans le propos hardcore qui vont magnifier ce qui n’est pas hardcore dans le texte justement.
Quel cap souhaitez-vous maintenir autour de l’image visuelle de vos projets ? Est-ce que vous contrôlez ou déléguez beaucoup ?
Hyacinthe : J’ai eu un genre de coup de chance car ce que je faisais a rapidement inspiré des gens talentueux en termes d’image. Donc je ne me suis pas du tout posé de questions, j’ai donné carte blanche. Maintenant je suis un poil plus investi, je sais un peu plus ce que je veux, mais j’essaie de laisser une véritable latitude aux gens avec qui je travaille.
L.O.A.S : Je suis très investi dans la direction artistique de mes clips dans le sens où j’aime bien donner des directions, des impulsions. Après les gens s’expriment et font ce qu’ils veulent.
Mais aujourd’hui j’ai l’impression d’être un peu en questionnement sur comment innover dans les clips de rap, beaucoup de choses ont été faites… je cherche comment me renouveler.
Krampf : Je suis vraiment control freak pour tout ce qui a trait à l’image, c’est-à-dire que la liste des personnes à qui je peux déléguer un clip se résume à une personne, Kevin Elamrani-Lince. J’ai beaucoup d’avis et d’envies, c’est pour ça que je pratique aussi de mon côté pour pouvoir échanger avec mes interlocuteurs.
Mais honnêtement je connais très peu d’artistes qui s’en foutent aujourd’hui. On est tellement nés là-dedans que tout le monde a un avis.
L.O.A.S : Dans une interview on avait découpé les années du rap en décennies, les années 1980 c’était les années du dj, les années 1990 du MC, les années 2000 du beatmaker, et passé 2010 celles du vidéaste. Il devient crucial pour n’importe quel crew ou artiste.
Côté live, sous quelles formes vous produisez-vous chacun en ce moment ?
L.O.A.S : Pendant pas mal de temps j’ai tourné avec un batteur, dans une formule simple et énergique, mais là je suis en transition, j’y réfléchis.
Hyacinthe : Moi je suis en fin de transition, je fais des concerts tout seul maintenant. Comme la musique qui habille mes morceaux est de la musique d’ordinateur, ça n’avait pas vraiment de sens d’ajouter des instrumentistes.
Krampf : Et d’avoir une personne seule en rap sur scène, sans l’effet bande, ça donne une dramaturgie intéressante aussi je trouve.
Hyacinthe : Le parti pris c’était de limiter à l’essentiel. Là où je suis bon je crois que c’est en termes d’interprétation, donc le but c’était de concentrer le set là-dessus.
Krampf : Ça dégage une certaine vulnérabilité.
L.O.A.S : Et ça suit l’évolution de ta musique, ça va être cohérent avec tes morceaux qui arrivent prochainement.
Krampf : De mon côté je fais beaucoup de dj sets, et parfois ce que moi j’appelle des live mais qui en fait ne requiert que des platines, simplement avec la différence que je ne m’impose pas de faire danser les gens, je prends beaucoup plus de libertés. Je réinterprète des morceaux, j’improvise… je crée des choses quoi.
Sinon là je suis en train de conceptualiser une autre idée de live avec d’autres outils.
En dj set tu passes quels genres de sons ?
J’aime beaucoup, toujours dans l’idée de ‘whow effect’, surprendre les gens régulièrement dans le set. Notamment en switchant d’univers rapidement. Ça me parle plus que l’idée du set tunnel, qui peut être géniale aussi mais va jouer sur d’autres sensations. J’aime bien switcher entre les moods, les époques, les couleurs, les tempos… ça permet d’interpeller régulièrement la concentration de l’auditeur, de ne jamais le lâcher.
C’est plutôt des sons très connus ou bien un peu diggués ?
C’est un bon mélange de classiques et de sons plus diggués. Je pense que les trucs rares et diggués sont mis en valeur par les petits classiques dégotés que tu peux avoir oublié. Si tu ne mets que des trucs que tout le monde connait, ça peut tomber dans la facilité et devenir relou ; si tu mets que des trucs que personne ne connaît, c’est se priver de bouts de grammaire qui vont jouer sur le plaisir brut de la mémoire. Il ne faut pas en abuser, mais ça marche bien. J’aime bien aussi mettre des classiques que tu n’as jamais entendus en club.
Hyacinthe : Je pense à ta Boiler Room où tu as passé « Halla Halla » de Soprano, qui est vraiment un énorme classique pour notre génération, c’est un morceau qu’on a tous écouté. Mais c’est la première fois que j’entendais ça dans un dj set, alors que c’est un tube évident.
L.O.A.S : C’est à la fois très populaire, mais pointu dans son utilisation.
Des choses à annoncer pour la rentrée ?
Hyacinthe : Pour moi sortie d’album en septembre, avec une release party le 12 octobre à La Boule Noire.
L.O.A.S : Je suis en plein boom productif, j’en profite, j’ai énormément de sons sur lesquels travailler, donc phase créative !
Krampf : Tout pareil pour moi. J’adore faire des trucs donc je fais beaucoup de choses pour plein de gens, j’apprends. Vu que je n’ai pas la ressource créative pour générer suffisamment de projets nécessaires à mon apprentissage, c’est avec plaisir que je m’investis à droite à gauche, ça me fait du challenge créatif.
L.O.A.S : L’important c’est de continuer d’apprendre.
Krampf : Dans mes vingt prochains projets, il n’y en a aucun que je sais faire. Par exemple là je dois faire un clip en scans 3D alors que je n’ai jamais réussi à en faire un bien, après je dois mixer de la pop alors que je n’ai jamais fait ça, je prépare un mix sur vinyle only alors que je n’ai jamais fait ça non plus… Tu dis oui et après tu te démerdes ! C’est stimulant !