Outre quelques têtes bien connues — Shygirl, Charlotte Adigéry, Metronomy — le line-up du Pitchfork Music Festival Paris faisait la part belle aux artistes émergent·es français·es et internationaux. Comme il est assez rare qu’on vous parle de jazz dans ces pages, on a voulu vous parler de la soirée qui a réuni trois formations emblématiques de la foisonnante scène londonienne au Bataclan le 18 novembre. L’occasion pour nous d’évoquer trois groupes qui brillent autant par leur virtuosité que par leur habilité à réinventer le genre : Cktrl, Nubya Garcia et Sons of Kemet.
Plutôt que de « jazz » à proprement parler, les formations réunies au Bataclan témoignent des multiples influences dans lesquelles ont baigné ces instrumentistes qui empruntent autant au répertoire jazz classique qu’aux musiques afro-caribéennes ou aux musiques électroniques qui ont marqué de leur empreinte les sous-sols de l’ancienne capitale impériale (dub, jungle, drum & bass, grime, etc). La bande-son contemporaine de L’Atlantique noir théorisé par Paul Gilroy en quelque sorte.
Cette scène qui a bourgeonné depuis le sud-est de Londres, notamment dans des jams où se croisent nouveaux·lles venu·es et artistes confirmé·es mais aussi grâce à des programmes dédiés au développement des artistes émergent·es comme Tomorrow’s Warriors (programme qui a notamment accueilli Nubya Garcia, Theon Cross, Shabaka Hutchings et Moses Boyd), et qui a désormais ses propres salles de concert comme le Total Refreshment Center, la Church of Sound ou le prestigieux centre culturel de Southbank.
Le clarinettiste et saxophoniste cktrl, mais aussi producteur que l’on a pu apercevoir aux côtés de Sampha, Duval Timothy ou encore Dean Blunt, ouvre le bal entouré de deux claviéristes et choristes dans une ambiance feutrée toute en reflets bleutés pour un concert intimiste où se mêlent R&B, soul et néoclassique.
Accompagnée d’un trio clavier, contrebasse, batterie, la saxophoniste ténor Nubya Garcia — à prononcer « Nubaya » comme elle tient à le préciser à son auditoire francophone — nous surprend au tournant par une intro dub aux basses ronflantes. Originaire du quartier de Camden Town à Londres, celle qui écume les salles et festivals du monde entier depuis près de 3 ans déjà et dont l’album Source (2021) était nominé cette année pour le Mercury Prize du meilleur album, reste encore trop peu connue du public français. Soliste dont l’énergie se transmet au-delà du son, elle emporte dans son sillage les quelques hanches restées étrangement statiques entre breakbeats inspirés et sonorités afro-caribéennes.
C’est enfin à Sons of Kemet, quatuor drum & brass formé autour de Shabaka Hutchings (saxophone) et Theon Cross (tuba), que revient la tâche de clôturer la soirée. Le groupe nous plonge dans un tunnel de sons afro-futuristes, un souffle continu et envoûtant, à la limite du cacophonique, dont l’énergie cinétique parvient à épuiser les forces des danseur·ses les plus motivé·es.
Image à la une : Nubya Garcia © Alban Gendrot