Les 7 et 8 octobre, le Hasard Ludique se transforme en temple de la sensualité avec le retour du Marché de l’Illustration Impertinente. Voici un petit avant-goût des délices qui vous attendent.
Depuis 6 ans, le Marché de l’Illustration Impertinente se donne la mission de renouveler nos imaginaires érotiques, loin des normes de genres et des complexes ! Une trentaine d’artistes exposeront leurs œuvres dans l’ancienne gare de la petite Couronne. Nouveauté cette année, le Marché se dote d’une belle soirée, le Cabaret Sensuel le samedi soir. Cinq artistes et spécialistes de l’érotique qui vont faire de ce week-end un moment inoubliable nous ont parlé d’une œuvre qui les excite.
Victoire Gazzola aka Gazzo Studio, illustratrice, présente :
le Boléro de Maurice Ravel, chorégraphié par Maurice Béjart en 2015
Cette œuvre représente, à travers l’effort, l’endurance et le rythme, l’intensité d’un orgasme. La scénographie s’y prête : une scène ovale rouge sur fond noir, ornée de danseurs. Quelques parties du corps se dévoilent peu à peu sous l’éclairage. Quand j’y pense, le corps d’un homme athlétique dans une ambiance feutrée, pour l’inconscient collectif de femmes hétérosexuelles de ma génération, ça fonctionne.
J’ai découvert ce ballet un soir où je cherchais le sommeil de retour de soirée en zappant à la télé (j’aurais pu très clairement mater une rediff des Anges à ce moment-là). C’était sur Arte je crois, et j’ai tout simplement eu la sensation d’être hypnotisée parce que je voyais, je ne pouvais pas décrocher mon regard de Nicolas Leriche (danseur étoile de l’opéra de Paris) et de sa performance. Je souhaite à tout le monde de pouvoir ressentir ce que j’ai éprouvé en découvrant cette performance. Développer son imaginaire sexuel est parfois plus intense que l’acte en lui-même. D’autant plus que ce ballet a été interprété par des danseuses, tout le monde est servi !
Gazzo Studio sera sur le Marché tout le week-end.
Pretty Quasar, performeuse, présente :
la performance d’ouverture de Gemma Rose à la compétition Pole Dance Stripper Movement United Kingdom
En janvier dernier, je me suis rendue à Birmingham pour la compétition PDSM UK (Pole Dance Stripper Movement United Kingdom) à laquelle je participais, et j’ai pu assister à la performance d’ouverture de Gemma Rose, la fondatrice. Au-delà du fait que je suis et admire son travail depuis plusieurs années, la voir sur scène était particulièrement magique. Gemma est une stripteaseuse anglaise, militante pour les droits des travailleur·ses du sexe et fondatrice de la compétition PDSM UK. Pendant son show, j’ai aimé retrouver une esthétique qui soit à la fois très mignonne et très sensuelle, sexuelle et slutty. Son énergie était rayonnante et communicative. Sa performance fait écho à tous les autres shows que j’ai pu voir ce jour, mais aussi à ceux des ami·es et collègues que je suis depuis des années. Le point commun entre toutes est que j’ai systématiquement des étoiles dans les yeux et l’envie d’être tout aussi badass et empowering sur scène.
PDSM UK est une nouvelle compétition dont la première édition a eu lieu en janvier 2023. Elle est née du désir de redonner une place centrale aux personnes travailleuses du sexe (TDS) dans la pratique de la pole dance en compétition. Là où la plupart des compétitions de pole dance restreignent certaines manifestations de l’érotisme, PDSM UK a encouragé toustes les participant·es à s’exprimer sans retenue et honorer les différentes formes de stripper style. En mettant en place une prise en charge financière pour les TDS précaires, cette compétition leur a permis de monter sur scène autrement et de leur donner un nouvel espace d’expression. C’est énorme et indispensable.
Politiquement, ce qui a été accompli par Gemma est immense. En pole dance et pour beaucoup de disciplines, la plupart des esthétiques érotiques proviennent des TDS mais elles sont constamment sous-représentées et invisibilisées. Cet événement permet non seulement de les mettre en avant et leur rendre hommage, mais aussi de soutenir, admirer et passer un moment exceptionnel.
Pretty Quasar sera au Cabaret Sensuel le samedi soir.
Taylor Barron, illustratrice, présente :
les illustrations de Toshio Saeki
Les œuvres de Toshio Saeki sont sexuellement stimulantes et inspirantes, également sur le processus créatif. Il a été baptisé « parrain de l’érotisme japonais », un titre bien mérité avec ses illustrations surréalistes, intenses et brutales. J’apprécie tout ce qui peut repousser les limites de mon imagination et me choquer, que ce soit obscène ou humoristique. Le sexe et le kink sont l’une des rares choses qui me permettent d’être pleinement présente dans mon corps, l’autre étant le processus de création artistique. J’ai toujours aimé l’expression « la petite mort », et le travail de Saeki représente pour moi le tabou du plaisir et le chevauchement de la mort et du sexe.
Je crois que je suis tombée sur son travail sur Pinterest il y a plusieurs années, alors que j’étais distraite ou en quête d’inspiration. C’était à un moment de ma vie où je commençais à explorer le kink et à me sentir plus à l’aise avec ma sexualité et mon corps. Le kink a une atmosphère presque surréaliste et onirique pour moi et son travail évoque un sentiment similaire. Je ne pense pas que l’œuvre de Saeki convienne à tout le monde, mais c’est en partie ce qui la rend géniale : l’absence de limites, la brutalité, mêlées à des éléments surnaturels et à une mentalité de révolution sociale d’après-guerre. Le but est de divertir, de choquer, de stimuler l’imagination et peut-être même d’explorer ses propres limites.
Taylor Barron sera sur le Marché tout le week-end.
Manon Lugas, aka Le Cul Nu, présente :
le compte Insta @la_petite_morttt, notamment avec cette œuvre vidéo
À force de vouloir prendre du plaisir et jouir dans tous les sens, on oublie l’intensité des moments simples. Les créateurs ne cessent de jouer avec les lumières et les matières, ce qui vous pousse, une fois que vous consommez la vidéo, à puiser dans vos souvenirs pour ressentir leurs sensations, s’immiscer dans le moment qu’ils vivent. Pour moi, c’est de la poésie. Une poésie qui mise sur le voyeurisme pour se faire comprendre, jouer sur votre propre désir et je trouve ça magnifique.
J’ai découvert cette œuvre avec la magie de l’algorithme, mais j’aime croire que rien n’arrive jamais par hasard. Cela fait des années que je ressens une frustration quand je consomme des œuvres érotiques. Quand je suis tombée sur le travail de ce compte, j’ai tout de suite compris ce qui m’avait toujours manqué : de l’intime. Évidemment on y est sensible parce que quand on fait appel à nos propres souvenirs et nos projections, difficile de rester de marbre. Cette vidéo, et les autres qu’ils proposent, m’aident à me projeter.
Pour moi, érotiser les caresses est une révolution dans la création audiovisuelle. Nous avons habitué nos yeux et notre cerveau à des performances extrêmes qui nous ont fait oublier la réalité de la nature humaine et sa sensibilité ! Quand on consomme un format court comme celui-ci, c’est l’imagination qui prend le relais, c’est le cerveau lui-même, de manière indépendante, qui vient nourrir votre désir. Quand on voit le nombre de personnes qui suivent avec beaucoup d’attention le travail des créateurs, on réalise que c’est un vrai manque dans les représentations de l’intime !
Le Cul Nu sera sur le Marché tout le week-end et au grand Cul-iz le dimanche soir.
Manly B, artiste drag, présente :
le Girlie Show Tour de Madonna
Je choisis le Girlie Show de Madonna de 1993 (qui suit l’album Erotica, 1992). Je sais bien que pour certain·es ça reste peut-être le cliché d’une époque, mais je suis née en 1983 (même si on ne dirait pas…) donc de voir ce mot écrit dans un LP à la maison, et connecter avec cette artiste à 10/11 ans, c’est sûrement quelque chose qui m’a marqué. Madonna représente tout un moment de découvertes pour moi gamin qui commençais à percer les premiers indices de sa sexualité et sentir des attractions pour « les deux genres ». Être inspiré artistiquement par ce show, ça été excitant pour moi, et ça l’est toujours. À 10 ans je faisais déjà du cirque et de la danse, et de voir un tel spectacle avec des artistes complètement différents avec ces corps mêlés, transpirants et super expressifs… Ça m’a fait comprendre, je pense, que l’art était un endroit de liberté. Et que je pourrais vraiment être inspiré, créatif et me sentir en puissance. Je pense qu’à travers cette œuvre, cette artiste est indubitablement quelqu’un qui a révélé la beauté de la sexualité et de l’érotisme pour plusieurs générations. Et aussi la non-binarité du genre, à une époque où les définitions qui nous permettent d’exister et prendre notre place aujourd’hui n’étaient pas si assimilées encore…
De mon point de vue, des œuvres comme Erotica, des artistes comme Madonna, David Bowie, Grace Jones et tellement d’autres ont été, et sont toujours, d’importants propulseurs pour faire comprendre aux gens que les non-binaires, trans, travailleur·ses du sexe et la communauté LGBTQIA+, nous avons toujours été là, que nous avons notre place, que c’est l’amour qu’on veut faire et non pas la guerre.
Manly B sera au Cabaret Sensuel le samedi soir.
Le Marché de l’Illustration Impertinente, du 7 au 8 octobre au Hasard Ludique.
La programmation complète
Image à la Une : l’affiche du Marché 2023 a été réalisée par Gazzo Studio.