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Elisabeth Lebovici : « Housewife, la redistribution du sensible »

Elisabeth Lebovici : « Housewife, la redistribution du sensible »

En 2015, Elisabeth Lebovici a écrit un très beau texte sur Housewife, magazine mensuel publié par et pour des membres du Pulp, club lesbienne légendaire qu’on aurait toustes aimé connaître. Housewife a été créée et tenue par deux non moins légendaires goddesses du Pulp : Axelle Le Dauphin et Dana Wyse, artistes-écrivains-bikers-dog mums, et bien d’autres choses. Le Pulp, définie par Elisabeth, était « un lieu fait autant pour les lesbiennes, que par les lesbiennes, ou mieux, par des gouines qui revendiquent pleinement le terme et le territoire où elles ont instauré leur aire de jeu ». Ce texte témoigne d’une période charnière, qu’on a tendance à oublier aujourd’hui : quand les gouines nous ont libéré·es ; quand elles ont fait exploser le genre, porté une culture pro-sexe et pro-pute mise au ban du féminisme, quand elles ont permis de sortir des salons et salles de réunion pour exister dans des espaces de vie, quand elles ont redistribué le visible et l’invisible. Republier ce texte, c’est rappeler que nous ne sommes pas sans histoire, mais que nous avons du mal, nous-mêmes, à la connaître et y avoir accès. Malgré la structuration d’archives communautaires ces dernières années, la dissémination et la remise en circulation d’articles ou documents partout, et dans la presse féministe surtout, reste une stratégie urgente.
Redécouvrir Housewife est réjouissant.
Pour consulter les Housewifes, c’est ici sur le site d’Axelle Le Dauphin.

Introduction par Olga Rozenblum
Texte par Elisabeth Lebovici


Elisabeth Lebovici, « Housewife, la redistribution du sensible », Miroir / Miroirs n°4, 2015. Republication.

Voulez-vous profiter de la « Daphne Dulick’s Lesbian Powder (…) vue à la télé » ? C’est très simple : il suffit de « verser discrètement le contenu dans un verre » pour que « toute femme rangée » soit transformée « en goudou lubrique !!! ». Dans cette publicité d’un « devenir lesbienne » de gré ou de force, dont le texte en italique s’enlève sur un fond à carreaux vichy rouges et blanc – du style nappe d’auberge des années 1950 – et qui est accompagnée d’une image féminine de la même génération, on aura reconnu la patte cent fois imitée de l’artiste-écrivain Dana Wyse, œuvrant souvent sous la marque de sa compagnie : « Jesus Had a Sister Productions » [1]. La réclame s’insère en fanfare dans le premier numéro de Housewife.

Format : 10 x 15 cm. Nombre de pages : 16, en calculant avec la première et la dernière de couverture, parce qu’elles comptent, évidemment. Tirage : 2500 exemplaires. Prix : gratuit. C’est ainsi que trois années (et des poussières de mois) durant est produit Housewife, le minimagazine de l’Entracte [2] d’abord, puis du Pulp à partir du numéro 4. Car le nom du club de filles du 25 boulevard Poissonnière, niché au-dessus du Scorp – une boîte gay des Grands-Boulevards, déambulatoire des divertissements parisiens depuis la fin du XVIIIè siècle – a changé entre temps. Michèle Cassaro [3] qui en a repris la gérance juste au moment de l’Europride 1997 en compagnie de Sophie Lesné (et de Fred Phi, temporairement), l’ouvre à la rentrée de la même année. L’esprit de bande [4] se substitue au projet calibré d’entreprise : l’expérience du monde de la nuit n’a rien de professionnel et il ne s’agit aucunement d’y faire carrière, bien plutôt d’y faire advenir ce qu’on ne trouve pas ailleurs. C’est exactement le moment où cinq boîtes parisiennes sont soumises à la fermeture administrative pour cause de trafic de drogue. The rest is history. Vingt ans après le mythique Palace, non loin de là, qui, à la fin des années 1970, a révolutionné les nuits parisiennes [5], le Pulp devient au tournant des années 1990-2000 la force centrifuge, la chambre d’échos sombre et palpitante, qui chamboule le clubbing, la vie parisienne et l’image des lesbiennes, tels qu’on les connaissait. Le Pulp est un lieu fait autant pour les lesbiennes, que par les lesbiennes, ou mieux, par des gouines qui revendiquent pleinement le terme et le territoire où elles ont instauré leur aire de jeu. Certes celle-ci couvre à peine 100 m2, l’espace timbre poste d’un dancing de velours défraichi, à la moquette usée et aux toilettes approximatives, mais complètement expérimental et multi-sensoriel, qui, doté d’une âme de gouine rocker et teigneuse, électrise le corps de la techno. C’est un lieu sans carré VIP, sans tapis rouge et l’entrée y est gratuite.

Sa règle fondamentale est précisée sur les flyers : « Le Pulp est une boîte de filles où les garçons aiment bien venir aussi ». Les femmes y seront toujours prioritaires et les garçons ne pourront y entrer que s’ils sont accompagnés. Comme l’explique Michèle Cassaro : « C’était une boîte tenue par des gouines avec une énergie de gouines. Certaines perchées, certaines très organisées, certaines très militantes avec des formes de militantisme très différentes. C’était un truc de meufs, cela n’avait jamais existé. C’était aussi un lieu où on est arrivé à exploser les barrières entre les gays, les hétéros et les différentes classes sociales [7]. »

La programmation artistique et musicale d’enfer lancée grâce à Fany Corral (programmatrice et productrice du label Kill the DJ) et à Delphine Palatsi, la grande DJ Sextoy [8], est déclinée en un menu de soirées hebdomadaires ou mensuelles, du mercredi au samedi, nuit 100% filles. Ces rendez-vous, il faut les annoncer. Housewife, le magazine mensuel gratuit conçu par Axelle le Dauphin et Dana Wyse, est chargé d’en faire la publicité. Un agenda figure effectivement en guise de double-page centrale. Mais les noms et les dates des nuits du Pulp sont recrachées non sans avoir été digérées par une machine éditoriale infernale. Celle-ci marche à la façon décapante du « cut-up » inventé comme méthode littéraire par William Burroughs et Brion Gysin, qui disaient qu’en « coupant dans le présent, le futur s’échappe [9] ».

Dépourvu de sommaire, Housewife charrie un flux discontinu d’images, de typographies, de mots et de textes : autant d’éléments empruntés à un vestiaire incongru (pour ne pas dire ici « hétéro-clite »). Celui-ci appartiendrait à une « fille qui en a » [10] (… « des tatouages »), une reine du drame franco-canadienne (Axelle Le Dauphin + Dana Wyse) très décontractée sur et sous la ceinture. L’une joue le rôle d’éditrice, l’autre de directrice artistique mais il faut dire que le mélange des usages et des fonctions est de rigueur. Les sexes – pardon ! Les textes passent allègrement de l’anglais au français. Ils font se rencontrer des prénoms et des pronoms personnels et, surtout, le récit bruyant des vicissitudes de l’intimité amoureuse des deux protagonistes principales avec des citations de magazines féminins, alliant tests, shoppings, guides de survie sexuelle en milieu de boîte de nuit, photos people des soirées (l’œil de Housewife : la photographe Sophie Anquez). On y trouve également des cirages de pompes (hymne à Virginie Despentes, vivats à Nan Goldin, étoiles pour Ann Scott [11]), du déballage de linge sale (« les maîtresses de Sextoy lui souhaitent un joyeux anniversaire » : suit une cinquantaine de prénoms féminins, dont 12 Sophies) ; des articles de fond et des histoires rédigées par d’ardentes collaboratrices ; et bien sûr, des publicités – sans oublier les cadeaux bonus dissimulés à l’intérieur [12]. On repère, sporadiquement, une thématique mensuelle : « spécial jeunes mariées [14] », spécial « tabloïd Londonien » ; spécial « Black is beautiful » ; spécial « Cow-girls » ; spécial « Moscou » ; spécial « Porn ». Bien avant qu’arrive la cartographie des « 6 degrés de séparation » lesbiens promue par la série américaine The L Word, on trouve dans Housewife le dessin du réseau parisien de sociabilité nocturne sexuelle et amoureuse, qualifié de « foutoir lesbien universel ». Ce réseau existe sous forme d’arbre généalogique, certes, mais aussi dans chacune des pages qui égrènent également la « consanguinité virtuelle » de la communauté du Pulp, que le fanzine, décrivant les incessantes mutations des relations et des désirs, fait advenir et dont il constitue l’archive vivante. Housewife en est l’outil de communication, la propagande tendre et trash à la fois. Les images utilisées, dessins et recyclages de documents personnels, découpages prélevés sur des catalogues ou copiés sur des encarts publicitaires mixent également avec ferveur ce qui relève d’une histoire individuelle et ce qui appartient au fonds inépuisable des lieux communs.

Appelés aussi « ordre symbolique », ces lieux communs fabriquent et organisent les normes de genre et la normativité des politiques sexuelles, y compris de la part des annonceurs type 3615 FEMM, parfois harangués à l’intérieur du magazine, lequel ne dissimule en rien son économie [16]. « Oui je suis beau mais je suis une fille… » [18] : Housewife convertit l’énervement en énergie, c’est-à-dire en amour. C’est du moins sa promesse dès son premier édito : « Welcome ! Bienvenue ! Housewife n°1 pour les filles ÉNERVÉES qui ont du style. Ce magazine vous est dédié. May the house be with you. (Suit une émoticône : Cœur). Votre dévouée éditrice »Housewife n’est point desperate, loin de là. Le mot « Pulp », trouvé en un éclair par DJ Sextoy au moment où il faut baptiser le char qui va défiler en avant-poste du club du boulevard Poissonnière au sein de l’Europride 1997, renvoie autant au film-culte de Quentin Tarantino ou au roman de Charles Bukowski, qu’à la littérature de gare policière, sentimentale ou érotique, sous l’égide de laquelle s’est développé un genre lesbien. Entre les années 1930 et la fin des années 1950, munis de titres et d’une couverture codée permettant à qui le désire d’en faire usage, les livres de « lesbian pulp » s’attirent également une clientèle d’amatrices qui, malgré les récits et les personnages sordides, y trouvent un espace qui rend identifiable ou du moins vraisemblable leur existence. Le même situationnisme affecte le titre Housewife. C’est une appellation désignant, depuis les mêmes années, les femmes au foyer. Faire entrer dans la maison-Pulp la représentation du comble de l’aliénation alignée sur l’hétérosexualité – sous l’horrible mot de ménagère – au point d’en faire un porte-drapeau (un porte-plume ? un chevalet ?), ce n’est pourtant pas y adhérer, ou peut-être, y adhérer seulement à moitié. C’est surtout comprendre instinctivement que les femmes qui aiment les femmes, plurielles dans leurs identifications, dans leurs histoires, dans leurs cultures, dans leur genre et dans leur intérêts libidinaux, s’identifient aussi à des figures bien au-delà de celles qui affirment leur identité – bien définies comme « lesbiennes ». En d’autres termes, le kitsch – un jugement de valeur – n’est pas le camp – une attitude. Telle est peut-être la condition du rire dans Housewife, où l’on rit de soi aussi et pas seulement des autres.
Et on pleure, aussi.

« Voyez la couverture. Ma mère, 24 ans, son image fugitive piégée comme une ecchymose sur la peau par l’appareil photo de mon père. Regardez-la. Elle est belle. Et nous l’avons saisie en train de s’enfuir. Elle restera avec mon père et moi encore une année, difficile. Un frère naîtra. Et puis elle partira. Elle est trop jeune pour être une épouse malheureuse et il y a des amant(e)s qui font la queue. » C’est l’édito qui accompagne le n°15 de Housewife. La photo de couverture, en noir et blanc, représente un paysage d’herbes et de ciel gris-clair et en bas à gauche de l’image, le visage d’une femme jeune, en sweat-shirt, les cheveux un peu fous, souriant hors champ. Ça pourrait être nous. Ça pourrait être celle dont on est amoureuse. La tonalité douloureusement émotionnelle du texte (en anglais) et de l’image (évoquant les années 1970) rend vraisemblable un énoncé à la première personne. On est embarqué du côté de Wanda, le film de Barbara Loden qui, du point de vue de sa propre expérience, montre au cinéma l’aliénation sinon l’altération d’une femme, sans la convertir en héroïne positive, en femme « suffisamment bonne » pour l’histoire du féminisme. Et pourtant, dès la page d’à côté, le sarcasme pointe son nez. Évoquant la mise en page célèbre d’une publicité pour vodka, une photo en couleurs de femme habillée, coiffée, laquée, maquillée – tout le contraire de celle décrite plus haut – accompagne une réclame pour la pilule « Compassion instantanée ». Celle-ci, concoctée par la diabolique « Jesus Had a Sister Productions », assure que « des thérapeutes, partout dans le monde, recommandent aux lesbiennes ». Le numéro continue son vertige confessionnel, pour célébrer ce conseil « codéiné » : « les histoires d’amour devraient commencer à la fin plutôt qu’au début ». Ces questions de point de fuite et de point de vue organisent une double perspective. À la fin du numéro, comme dans n’importe quel magazine d’art, se succèdent les encarts publicitaires d’expositions auxquels se joignent quelques images d’une performance qui eut lieu au Pulp [19] un soir de vernissage. Durant cette nuit-là, l’artiste et travailleuse du sexe japonaise BuBu de la Madeleine, à l’imitation de l’américaine Carolee Schneemann [20], sortit de son vagin un grand pavois composé des drapeaux du monde entier, pendant de longues minutes. Tous genres d’émotion vraisemblables, ainsi, se catapultent.

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À chaque numéro d’Housewife (avec sa variante russe, son numéro « Gonzesse » ou bien « Mousewife » en l’honneur des souris, son numéro à lecture inversé spécial « Hong Kong is burning », ou encore son numéro entièrement dépressif intitulé « Housefire ») se produit une série de mises en scène. Celles-ci rejouent encore et encore la représentation de « la » lesbienne, pour en faire exploser l’unicité en vol. Pour paraphraser la phrase célèbre de Monique Wittig, la lesbienne n’existe pas chez Housewife. Ni la gouine, d’ailleurs. Il n’y a pas d’identité lesbienne sans incarnation, sans faire, sans jeu, sans devenir, sans identification, c’est-à-dire sans citation, comme il n’y a pas de représentation sans imprévisible. C’est ainsi que dans Housewife, tout test parle d’expérience, tout shopping de pratiques, tout conseil de moyens d’agir (n°566 : « Se faire un nom de scène : 1) Prenez le prénom de votre premier animal domestique ; 2) Ajoutez le nom de jeune fille de votre mère, par exemple Dana Wyse, artiste/écrivain, se transforme en Gypsy Lorenzo, pornstar »). Dans Housewife, tout extrait de journal intime touche à la fois une première personne du singulier et une troisième personne du pluriel. Toute image recyclée de la culture populaire des années 1960 – les années d’enfance des lectrices ou de leurs parent-es – renvoie à la féérie surannée d’une consommation, non seulement des biens mais aussi des images, théâtralisant les objets et les êtres humains comme une marchandise aphrodisiaque. Housewife agit performativement. Et c’est justement pour cela qu’il s’est donné ce titre comme moyen d’agir. Housewife, comme toutes les propositions absurdes ou paradoxales qu’il contient, suspend en fait le jugement. Vrai ou faux ? Sympathique ou antipathique ? Juste ou injuste ?… Housewife introduit une confusion dans le genre du magazine, qui sabote le modèle hétérosexuel de la différence des sexes généralement usité pour penser la sexualité et plus largement, tout modèle binaire de la différence utilisé pour représenter les actions humaines. Ou plutôt pour les distribuer, d’un côté, et de l’autre. Comme s’il s’agissait ici, moins d’un problème de représentation que d’une question de redistribution.
La redistribution du sensible…

Un peu plus tard, en 2001, à Brooklyn (New York), un étrange projet collectif s’est produit. Son nom, LTTR, a l’air d’un acronyme mais les quatre lettres s’interprètent, au choix, comme « Lesbians to the rescue », « Lesbians tend to read », « Listen translate translate record », « Lacan teaches to repeat », entre autres propositions. Projet émanant, selon ses propres termes, d’un collectif féministe et genderqueer, il est également flexible dans ses orientations, qui le poussent aussi bien du côté de la performance, de la soirée, de l’événement d’une projection, que du côté de la fabrication d’un extraordinaire journal annuel, qui s’arrête d’ailleurs au bout de cinq numéros : « Positivement Méchant(e) » est le titre du dernier. La revue a changé à chaque fois de forme, de contenu, de processus et de contributrices, à la fois dans ses pages et dans sa fabrication qui se fait collectivement, en cercle ou en groupe, de l’appel international à participation (« après le choix fastidieux de son objet éditorial ») jusqu’à l’impression, la collation, et la reliure des pages y compris l’insertion d’objets à l’intérieur. Ici aussi, l’imprimé est un acte, une performance.

LTTR, comme Housewife, appartiennent à ce phénomène, continuellement reconduit dans la culture féministe et/ou homosexuelle, du « DIY » – le fameux « do it yourself ». Aux temps où internet assoit sa primauté médiatique, sa résurgence apparaît d’autant plus marquante que cet artisanat du faire s’applique à la fabrication et la distribution de publications sur papier, dotées d’une extraordinaire inventivité éditoriale et visuelle, hors et le plus souvent contre les normes appliquées à la presse destinée à être vendue en kiosque. Ce sont, ainsi, des publications « queer » par excellence, des « queer zines [21] » qui constituent leur communauté en même temps qu’ils se font. Cette communauté est le produit d’un « piratage » de la distinction usuelle entre celles qui font (celles qui fabriquent le magazine, mais aussi celles qui figurent dans le magazine) et celles qui reçoivent, les lectrices : les images et les rôles circulent de l’une à l’autre. Et même si les fanzines répondent à des niches précises, les corps et les discours qu’ils présentent restent largement absents des « grands médias ». Housewife, puis le Pulp fermé en mai 2007, sont entrés dans la légende [22]. Non sans avoir passé la main. Ainsi en témoigne le numéro 24 qui n’est pas loin d’être l’un de mes préférés. Sur la couverture, au lieu du bandeau « gratuit » qui court non loin des agrafes servant de reliure, la phrase « nothing is gratuit » a été substituée. Et en guise de Une, on peut lire ce graffiti d’humeur très colère : « J’en peux plus ! Je déteste mon ordinateur. Je suis allée au Canada pour voir ma mère. Créez vos propres Housewifes et envoyez-les moi. La gagnante aura 3000 (souligné) francs. » En dessous, en tout petit, il y a une adresse. À l’intérieur, hormis la deuxième et la troisième de couverture réservées aux sites de rencontre et annonceurs – Girls d’un côté et 3615 FEMM de l’autre – il y a douze pages blanches.
Rien que des pages blanches.


Elisabeth Lebovici est une travailleuse de l’art, critique, elle vit à Paris. Elle a été rédactrice en chef de Beaux-Arts Magazine (1988-90) et journaliste à Libération (1991-2006). Elle a co-dirigé entre 2006 et 2024 (avec Patricia Falguières et Nataša Petrešin-Bachelez) un séminaire à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) intitulé « Something You Should Know : Artistes et Product·eur·ices ». Elle tient un blog critique (« Le Beau Vice ») et collabore à de nombreux ouvrages, séminaires et colloques. Elle est la co-auteure, avec Catherine Gonnard, de Femmes Artistes/Artistes Femmes, Paris, de 1880 à nos jours (Paris, Hazan, 2007). Son livre Ce que le sida m’a fait. Art et activisme à la fin du XXe siècle (Zurich, JRP/Editions, « lectures Maison Rouge », 2017-2021/Prix Pierre Daix 2017) a initié « Exposé·es », une exposition au Palais de Tokyo, Paris (16.02-14.05.2023) dont elle a été conseillère scientifique. Elle prépare un ouvrage sur la pratique.


  • [1] Dont on connaît sans doute les sachets de pilules, produites artisanalement par centaines de milliers, chacun accompagné de la formule de leur action exprimée à l’impératif : Être blonde immédiatement. Cloner l’amie de votre meilleure amie. Garantir l’homosexualité de votre enfant. Le record absolu des ventes est tenu par Understand your mother (« comprenez votre mère »).
  • [2] Les derniers numéros de ma collection vont jusqu’à l’an 2000 et au numéro 32 mais il y a également un n°75, un numéro π (3,14116), qui d’ailleurs fête le 3,14e anniversaire du fanzine.
  • [3] L’Entracte, dancing et thé dansant l’après-midi, avait été investi en 1994 par Laurence, l’une des deux animatrices de la seule émission interactive adressée aux jeunes lesbiennes sur la radio FG.
  • [4] Michèle Cassaro, l’ex-patronne du Pulp, est aujourd’hui gérante du Rosa Bonheur, bar-buvette-guinguette ouvert en août 2008 au sein du parc paysager des Buttes-Chaumont : un autre lieu à succès.
  • [5] Michèle Cassaro, DJ Sextoy, l’artiste Anastasia Mordin, le musicien Rachid Taha, de même habitent alors la même maison dans le XIXè arrondissement.
  • [6] Le Palace est une ancienne salle de spectacle de la rue du Faubourg Montmartre, qui à partir de 1978 et jusqu’à la mort de son directeur, Fabrice Emaer, en 1983, révolutionna les nuits parisiennes. Le Gay Tea Dance y a lieu tous les dimanches après-midi entre 1984 et 1990. C’est dans un club adjacent et adjoint au Palace, d’ailleurs, appelé Le Privilège, que s’installa à la fin des années 1980 l’établissement transfuge du Katmandou, club des « femmes qui préfèrent les femmes » ouvert en 1969 rue du Vieux Colombier par Elula Perrin et Aimée Mori.
  • [7] « Mimi raconte le Pulp » par Lionel Nicaise, Tsugi, 5 décembre 2013.
  • [8] Née en 1968, décédée en 2002, Delphine Palatsi, dite Sextoy, fut l’une des plus brillantes, des plus charismatiques et des plus inventives DJ de la musique électronique, s’imposant dans un milieu musical très majoritairement masculin. Deux documentaires faits d’images d’archives, Le Projet Sextoy et Sextoy Stories ont été réalisés en 2014 par Anastasia Mordin et Lidia Terki.
  • [9] « When you cut up into the present the future leaks out ». Voir.
  • [10] Housewife n°2, traduction approximative.
  • [11] Respectivement : écrivaine, artiste et photographe, et écrivaine.
  • [12] Une feuille de papier toilettes dans le Housewife 8 ; du faux LSD en papier à découper, à vendre 100 francs pièce au Pulp le samedi soir dans le numéro 17 ; un petit sachet de poudre blanche dans un autre ; des flyers, à profusion.
  • [14] Le projet de Contrat d’union civile déposé en 1995 est refusé par le ministre de la Justice d’alors, Jacques Toubon. Après une longue bataille d’une année à l’Assemblée nationale, le PACS est adopté en 1999 et la loi est promulguée le 15 novembre 1999.
  • [16] Le réseau télématique de Gai Pied est annonceur.
  • [18] Housewife n°22.
  • [19] 6 octobre 1998.
  • [20] C’est effectivement ce qu’avait fait l’artiste-performeuse Carolee Schneemann en 1975, sous le titre Interior Scroll, déroulant de son vagin un rouleau de papier pour lire le texte inscrit, un texte féministe tiré de son film Kitch’s Last Meal.
  • [21] Voir notamment Martine Laroche et Michèle Larrouy, Mouvement de Presse, des années 1970 à nos jours, luttes féministes et lesbiennes (Paris, éditions ARCL, 2009). Et les deux volumes des Queer Zines (ed. AA Bronson and P. Arons, New York, Printed Matter et Rotterdam, Witte de With. Nouvelle édition : 2013).
  • [22] Axelle Le Dauphin a déjà rejoint Têtu, elle y éditera l’éphémère Têtu Madame, et également les talk-shows de la télévision, puis la photographie et les reportages au loin, notamment en Asie. Dana Wyse poursuit ses activités artistiques.

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