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Alexis Langlois : « J’avais envie d’une fresque épique »

Alexis Langlois : « J’avais envie d’une fresque épique »

Après plusieurs court-métrages remarqués, dont les ultra camp De la terreur mes soeurs ou Les démons de Dorothy, le·a cinéaste queer non-binaire Alexis Langlois a déboulé à toute allure au festival de Cannes 2024 pour présenter son premier long Les reines du drame

Du drame, il y en a assurément dans cet audacieux projet qui narre l’histoire lesbienne d’une starlette pop des années 2000, Mimi Mamadour, et d’une chanteuse punk, Billie Kholer, dans une mise en scène au kitsch et à l’outrance assumés. Revendiquant des inspirations comme John Waters ou Brian de Palma, et fort d’une bande-son survoltée, composée entre autres par Rebeka Warrior et Yelle, Alexis Langlois a retourné la croisette et conquis les journalistes du monde entier. Pour Manifesto, iel revient sur la genèse de son projet dans un entretien qui s’est déroulé juste après Cannes. 

Tu as montré pour la première fois le film au festival de Cannes, comment s’est passé ce moment ? 

On a montré une première fois le film en bande avec toute l’équipe, entre copines, c’était très beau. On a été dans une petite bulle d’amour tous les jours. Ensuite, on l’a présenté en clôture d’un festival du film à la Ciotat le jour des élections européennes. Alors, je sais que c’est pas parce qu’on est vieux·ille qu’on est à droite, mais en tout cas à La Ciotat si visiblement (rires). Près de 50% de la salle est sortie au bout de vingt minutes. Et là, je me suis dit « ah ouais, en fait, quand on est dans notre monde, on ne se rend pas compte, mais le film est vraiment clivant. » C’était très étrange, pour eux, on était une sorte de freak show. Mais toute l’équipe était à fond, donc on ne s’est pas laissé·es abattre ! 

Les récits réalistes, c’est moins mon truc. J’avais vraiment envie d’une fresque romanesque et épique. 

On m’a raconté qu’Arielle Dombasle a été impliquée dans le financement du film, tu peux m’en dire plus ? 

Haha oui ! Quand tu fais un film un peu politisé, c’est très difficile à financer. Par exemple, la chaîne Arte a fini par nous accompagner, mais seulement après l’avoir vu. Au début, iels ne l’avaient pas pris. Comme on savait qu’on allait avoir du mal avec le CNC, ma productrice a tenté un truc : on a présenté le film au guichet comédie romantique. Et la présidente du jury, c’était Arielle Dombasle et apparemment, elle a vraiment défendu le film. Voilà le lien ! 

Quelle est la genèse du projet ? 

J’ai eu l’idée après une rupture très douloureuse avec une personne qui ne venait pas du tout du même milieu que moi, après une histoire très passionnelle. Ça me fait penser à une phrase de Fassbinder à qui on avait demandé à propos de je ne sais plus quel film « Est-ce que ce film est vrai ? » et il avait dit « oui, tout est vrai. Mais ça ne s’est pas passé exactement de la même manière. » Ça m’a donné envie d’écrire cette histoire avec deux personnages très différents, qui tombent amoureux, mais qui ne peuvent pas être ensemble à cause de la société, du patriarcat et des normes. Je voulais que ce soit à la fois un mélodrame et une comédie musicale, avec des personnages féminins très forts. Les récits réalistes, c’est moins mon truc. J’avais vraiment envie d’une fresque romanesque et épique. 

Quelle est la chronologie du film, de l’écriture à la première projection ? 

J’ai eu la première idée il y a six ans. J’ai continué de faire des courts-métrages et j’écrivais mon projet dans mon coin. J’avais l’impression que je n’étais pas prêt·e à faire un long. Puis j’ai rencontré ma productrice, Inès Daien Dasi, elle m’a demandé si j’avais un projet de long. J’ai répondu oui, mais que c’était super mal foutu. Mais elle m’a dit qu’on allait le faire. Après j’ai rencontré mes co-scénaristes. L’écriture a bien pris deux ans et demi, et on a ensuite commencé le financement. Inès a eu la merveilleuse idée de chercher de l’argent un peu partout et c’est pour ça que nous sommes en coproduction avec la Belgique qui était beaucoup plus ouverte aux propositions. 

Moi, c’est une question qui me hante, comment faire des choses pirates ?

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Ça a été une phase compliquée pour toi, le financement ? 

Oui, car il faut convaincre pas mal de personnes. Moi, je viens vraiment du milieu de l’autoproduction. Avant, j’ai fait des projets à tout petit budget où personne n’était payé. Je suis toujours dans un entre deux où je me dis que c’est bien de faire des films coûte que coûte, mais c’est quand même très précaire. C’était important que toutes les personnes qui ont bossé pour moi depuis des années soient enfin payées. Pendant le financement du film, je travaillais à côté. Bien sûr, on a eu des aides à l’écriture, ce qui a dû me tenir un an pour écrire sans avoir une vie folle. Après, j’alternais entre de l’intermittence et donner des cours dans des écoles d’art. 

Pour conclure, en France, on a l’impression qu’il est super dur de produire des longs métrages qui sortent des normes, surtout quand on ne vient pas du milieu… 

Oui c’est terrible. Les projets un peu expérimentaux ne sont pas du tout financés. Pour le long, on est quasi obligé·es de passer par la case CNC et ensuite de travailler à côté. Et moi, c’est une question qui me hante, comment faire des choses pirates ? Le CNC, c’est formidable, même s’il y a plein de choses qui ne marchent pas, il faut profiter au maximum. Mais on a aussi besoin de systèmes qui permettent de créer en dehors des clous. 

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