La nouvelle est tombée il y a quelques semaines : Rebeka Warrior, aka Maman Wa comme elle aime si bien s’appeler, a annoncé la création de son label éponyme, WARRIORECORDS. Un événement, et une promesse follement excitante pour quiconque suit la carrière de la productrice, qui a déjà réuni une bande de talents d’exception autour d’elle… Forcément, on a voulu en savoir plus sur les projets de la matriarche pour sa famille de combattant·es.
2020 nous aura bien matraqué la gueule. Il ne passe plus un jour sans que l’on se dise que ce monde est devenu insensé, de plus en plus détraqué. La culture se fait enterrer sous des amas de conneries grotesques, bâillonner, réduire au silence et pourtant… Alors que l’espoir peut sembler vain dans tout ce chaos, on observe de loin des acteurices chez qui, celui-ci vit encore bel et bien. Si l’expression « l’espoir fait vivre » est souvent tournée en dérision ou vidée de son sens, ici ce ne sera pas le cas.
Car oui, on pourrait penser que lancer un nouveau projet artistique dans le contexte d’une pandémie et d’une crise sociale relève du suicidaire… Mais cela n’en a pas empêché certain·es de monter de nouvelles structures, dont le mot d’ordre pourrait être finalement « solidarité ». Prenant des formes variées et diverses, on peut citer le nouveau média Les Disques du Lobby, qui a pour but de rassembler, exclusivement sur Soundcloud, des artistes appartenant à la communauté LGBTQI+ française, ou Underscope, nouvelle plateforme pour mettre à l’honneur les artistes et labels de la scène underground. Mais aussi, et surtout, le label WARRIORECORDS, fondé par Rebeka Warrior, qui a pour but de « redonner à la musique ses vocations premières : faire danser, penser, fédérer, pleurer et s’aimer ». Pour cette occasion, nous avons discuté avec elle et quelques membres de la famille Warrior de leur programme de résistance.
Faire danser en 2021, un projet de fusion artistique
WARRIORECORDS ne serait pas vraiment le label de Rebeka Warrior s’il se cantonnait à la représentation d’un seul genre musical : « Musique techno expérimentale, EBM, chanson mélancolique, de la coldwave, du new wave, des poésies sonores, des fictions sonores… », c’est un essaim de sonorités proches et prochaines, agrémentées aussi « de podcasts, et d’une radio ». Un label et par extension un média, sur lequel la sélection sera commune. « On choisit tous ensemble ! Mais évidemment… Je vais quand même mettre mon grain » précise avec malice la productrice.
De beaux projets ont déjà été annoncés, avec pour objectif une sortie par mois, en démarrant sur le trop attendu nouvel album de Mansfield.TYA en février 2021, suivi des projets de Cassie Raptor, Moesha 13, Maud Geffray, Vimala Pons, DMRA (Danse Musique Rhône Alpes), HA KYOON et Rebeka Warrior herself. Une année 2021 qui semble déjà prometteuse puisque la garantie sera « des choses qui soient bonnes pour les oreilles ».
Penser ensemble pour inventer de nouveaux codes
Cette époque étrange a bousculé toutes nos méthodes de fonctionnement, mais de là à monter un label ? « Dans le monde de la musique et de la culture, il se passe des choses », même si « je n’avais pas spécialement en tête de créer ce label… mais les planètes se sont alignées ». Alors on se réadapte, on réapprend à vivre avec une barrière invisible et finalement « on inventera toujours quelque chose pour que cela existe. Moi, en tous les cas, c’est ma raison de vivre » conclut Rebeka, philosophe.
Car WARRIORECORDS, en plus d’être label et média, a aussi pour vocation d’organiser des soirées… Enfin « si on ne peut plus faire de club ou plus danser, il va falloir avoir des nouvelles idées ». Le constat est là : depuis le premier confinement, aucun club n’a rouvert, mais la boss de Warrior continue de cogiter : « On planche déjà pour faire peut-être des partenariats avec des théâtres pour faire des nouvelles propositions de soirée. Parce qu’on ne va pas se laisser abattre, même si on ne sera que 10 dans les events. » Les soirées Warrior garantiront un tarif suivant les moyens de chacun·e, s’engageront à rémunérer les acteurs de la nuit équitablement, mais aussi à « former une sécurité 100% femmes. C’est-à-dire payer une formation de krav maga ou de spécialiste de sécurité pour que, quand on organise des soirées, on ait notre propre sécu qui soit safe et où l’on se sente bien, qu’on se sente à l’aise dans la soirée. Ça nous paraissait important et il y aura sans doute d’autres initiatives comme ça avec le temps, je l’espère ».
Fédérer une communauté déterminée
WARRIORECORDS affiche clairement ses valeurs – « queer, transféministe, anti-raciste, et résistante » – car il est plus que jamais important de les défendre et les faire rayonner. « On partage cette idée au sein de la famille Warrior. Certaines de nos valeurs et de nos principes sont touchés de plein fouet, donc on a envie de se faire respecter, entendre, et on utilisera pour ça les armes de la création de la poésie et évidemment de la joie de la musique et de l’art » énonce Rebeka clairement. Elle poursuit : « On n’est pas forcément très heureux·ses dans ce monde-là, il est agressif », alors « on essaye de mettre un peu de poésie dans le monde, un peu de douceur, un peu d’art, un peu de beauté. C’est un peu ce qu’on essaye de défendre ».
Fédérer pour mieux aider, telle sera la philosophie de la maison : « Si on a la chance de faire des bénéfices avec Warrior, l’argent sera utilisé pour notre communauté. On lui en fera bénéficier en premier lieu. » Toutefois, la cheffe de bande reste réaliste, le monde est là, tel qu’il est : « On croit qu’on peut bouger les lignes petit à petit en faisant les choses à notre échelle. Ça ne va pas être une révolution, mais en tout cas, nous, on est en mouvement et on a envie que les choses bougent. Petit à petit, c’est sûr, mais c’est déjà un projet de vie et on a confiance. »
Construire une utopie, un projet de warrior
Quand on demande à Rebeka Warrior comment elle trouve cette année jusqu’à présent, elle nous répond « Je pense, HARDCORE », car oui « c’est une année horrible et que le seul moyen qu’on a eu pour ne pas déprimer et de garder de l’espoir là-dedans, c’était de monter cette maison ». Même si l’avenir est maintenant plus que jamais incertain, Rebeka Warrior a eu le temps de faire ses armes pendant ces vingt dernières années de vie et retient « qu’avec de la discipline, de la rigueur et de la persévérance, les auditeurs étaient sensibles et on arrivait à fédérer. Du coup, je pense qu’il faut arrêter de prendre les auditeurs pour des cons et que quand on a une idée en tête et qu’on ne lâche pas, eh bien ça marche ».
WARRIORECORDS, c’est donc plus qu’un projet de vie : « c’est une utopie, elle est magnifique et on y croit. Donc on a envie qu’elle dure même après notre mort », car elle nous rappelle que « la création, en fait, c’est vital ». Alors, sous son étendard – réalisé par Jérémy Piningre, inspiré de la peinture « Wortträume », signifiant « Le rêve des mots », de Hans Arp –, elle affiche fièrement la couleur noire de son label, opposante et fière. On est presque sûr·e qu’elle aura un jour sa place au Panthéon.
S’aimer, comme dans une maison familiale
Si Rebeka Warrior est bien la mère biologique de ce nouveau label, il faut aussi saluer ses proches qu’elle a réuni·es pour l’épauler et prendre soin de sa progéniture, la Warrior Family. On en a profité pour demander à quelques-un·es de nous expliquer ce qu’était « l’esprit Warrior » et de nous dire ce qu’iels pensaient des plans de leur nouvelle patronne.
En premier lieu, on peut vous présenter Adeline Ferrante, productrice et label-manageuse. Rebeka nous raconte le recrutement de ce membre essentiel : « Je l’avais contactée au début et je lui avais dit que ça allait être juste une plateforme sur internet qu’elle aurait à sa charge et elle a dit oui, puis finalement elle se retrouve embarquée… et maintenant c’est devenu énorme ! » Pour Adeline, l’esprit Warrior c’est : « Arrêter tout. Faire un pas de côté. Tout reconstruire en plus doux. Voilà notre force : on avance ensemble pour inventer autrement. Ou bien peut-être l’inverse ? » À son tour, elle aussi revient sur les prémisses de sa rencontre musicale avec Rebeka : « Je crois que j’étais au lycée la première fois que j’ai écouté Mansfield.TYA. Construire la Maison Warrior aujourd’hui, quinze ans plus tard, c’est comme partir en week-end en thalassothérapie avec Maman. »
À son tour, Alice Couzelas, administratrice et attachée de production, raconte ce que la création de ce label représente en temps de crise : « L’esprit Warrior, c’est ce qui me permet de rester motivée en ce moment ! C’est lancer un label en pleine pandémie mondiale, contre vents et marées. C’est cette envie commune de partager coûte que coûte la musique et la fête dans un esprit de bienveillance et d’inclusivité. On n’a peut-être pas l’air comme ça, mais je crois qu’on est optimistes en fait, ou un peu fous ? » La figure de Maman Wa – qui peut aussi bien sortir un rework de Frank Schubert (sortie le 11 novembre) et un track hardcore avec Maissouille (sortie le 6 novembre) à quelques jours près – inspire confiance et passion à sa lieutenante : « Maman Warrior bienfaitrice, bête de scène enragée à la poésie brute et au cœur militant. Le yin et le yang quoi ! »
Sonia Deville, conseillère activiste, décrit sobrement sa mère comme « talentueuse, protéiforme et possédée beyond ». Ce projet, « c’est les qualités de Maman étendues à l’échelle d’un label : l’énergie et l’envie de digger de nouvelles pépites, pourvu qu’elles soient douces – et produire avec une parfaite maîtrise des choses toujours plus incroyables. Un travail de groupe, ou tout le monde s’écoute, s’estime et se respecte ».
Maud Scandale, agent de Rebeka depuis ses débuts et cofondatrice de la boutique de mode vegan Manifeste 011, aura pour responsabilité le merchandising et la promo des différents projets : « Pour moi [l’esprit Warrior] c’est la liberté de clamer haut et fort nos engagements, de les mettre en pratique, d’être sans concession, tout ça avec fantaisie et poésie. C’est aussi une grande histoire d’amour, de famille et de fête qui rend plus fort·e ». Elle nous décrit son amie de toujours comme « une poète zen généreuse, hypersensible, suffisamment tarée et talentueuse pour dégainer des idées incroyables. C’est mon amie. Pour finir, je reprendrais ses mots pour nous décrire : c’est une hippie déguisée en corbeau. »
Naelle, fondatrice des soirées Shemale Trouble, qui aura la lourde tâche d’être organisatrice de soirées en période covid, choisit de mettre l’accent sur le versant militant de l’esprit de famille : « Péter le patriarcat sous ecsta », tout simplement. Il ne fallait pas chercher plus loin finalement. Peut-être inconsciemment, Naelle fait-elle écho à la série de mixes « Follow the leader » de Rebeka en l’imaginant comme « notre Jeanne d’Arc des temps modernes ».
Enfin, HA KYOON, qui accompagne Rebeka lors de ses dj sets, sera en charge de la radio et en sera la tête chercheuse : « Comme tout esprit, ce sera d’être là où on ne l’attend pas ; dans les interstices de nos désirs, de nos corps résistants, de nos colères, de nos tristesses et de nos joies ». Il nous offre un beau tableau imaginaire où l’on imagine la fondatrice de la maison devenue « un Yôkai avec des grands yeux et de grandes mains qui traverserait une free party au galop en chantant de la poésie ».
Enfin les derniers mots (d’amour) reviennent à Rebeka : « Merci à tous les membres de la maison Warrior d’avoir bien voulu monter ce label avec moi, j’en suis très honorée et je vous aime. » Il nous tarde que la covid disparaisse pour que la famille Warrior puisse faire rayonner ses ambitions et changer le monde.
MANSFIELD.TYA :
13-02-21 : CAZALS SAVIAC – L’Arsenic
11-03-21 : TOULOUSE – Fest. Pink Paradise
18-03-21 : BIARRITZ – Atabal
19-03-21 : BORDEAUX – Krakatoa
26-03-21 : LE HAVRE – Le Tétris
03-04-21 : PARIS – La Maroquinerie COMPLET
09-04-21 : METZ – Les Trinitaires
10-04-21 : DIJON – La Vapeur
16-04-21 : TOURS – Temps Machine « 10 Ans »
17-04-21 : TOURCOING – Fest. Pzzle
22-04-21 : ALLONNES – L’Excelcior
12-10-21 : STRASBOURG – La Laiterie – A REPORTER
21-10-21 : PARIS – Le Trianon