Valérie Jouve – Corps en Résistance

Le Jeu de Paume consacre en ce moment une exposition à l’artiste française Valérie Jouve. Les photographies et vidéos exposées ici retracent près de 20 ans d’exploration sur la façon dont nous habitons l’espace qui nous entoure, les villes et les territoires où nous vivons.

Sans titre (Les Façades), 2003 © Valérie Jouve / ADAGP, Paris 2015. Courtesy galerie Xippas, Paris
Sans titre (Les Façades), 2003 © Valérie Jouve / ADAGP, Paris 2015. Courtesy galerie Xippas, Paris

D’une part, Valérie Jouve met en lumière l’incroyable omniprésence de la contrainte dans l’espace urbain. Dans la série Les Façades, l’artiste met en lumière le trop-plein, la densité, l’écrasement dans le béton puis, dans la série Les Situations, comment cette ville tentaculaire et oppressante vient peser sur le rapport des corps, comment le métro en heure de pointe vient nous coller à autant de corps étrangers et inconnus. Mécanique implacable des corps pris dans le rythme effréné de la ville, elle souligne également la chorégraphie imposée des normes sociales et l’urbanisme des grandes villes … Dans la série Les Sorties de bureau, elle isole des figures, toutes vêtues de costards-cravates-bien-règlementaires, du flot des travailleurs qui quittent leur bureau avant de s’engouffrer dans le métro. Les sortant de leur contexte, elle constate l’incroyable normalisation de leurs comportements qui achève de diviser un corps passif et un esprit qui semble être encore à l’intérieur du bâtiment.

Les Sorties de bureau, 1998-2002 © Valérie Jouve / ADAGP, Paris 2015. Courtesy galerie Xippas, Paris.
Les Sorties de bureau, 1998-2002 © Valérie Jouve / ADAGP, Paris 2015. Courtesy galerie Xippas, Paris.

Mais le travail de Valérie Jouve n’aborde pas seulement la contrainte, son sujet est davantage celui de la capacité des corps à résister face à cette normalisation sociale et urbaine. Les Personnages qu’elle photographie, la plupart du temps dans un environnement urbain, suggèrent une confrontation avec l’espace qui les entoure. Pourtant, ces Corps en Résistance n’ont pas le poing levé, il n’y a rien de théâtral dans ces photographies …  Pas de violence non plus, mais une incroyable présence. C’est cette présence en pleine conscience qui fait résistance, qui habite pleinement l’espace urbain présent en toile de fond. On a la sensation que les corps cherchent à s’arracher à un environnement. La puissance de la figure, sa force de résistance tient alors à la singularité de sa présence, à sa manière d’être indépendamment de son statut ou de son origine sociale. Debout dans le cadre, les Personnages de Valérie Jouve sont animés d’une énergie vitale, d’une force de vie qui incarne la résistance.

Sans titre (Les Personnages avec Marie Mendy), 1994-1996. Collection FRAC Ile-de-France. © Valérie Jouve / ADAGP, Paris 2015
Sans titre (Les Personnages avec Marie Mendy), 1994-1996. Collection FRAC Ile-de-France. © Valérie Jouve / ADAGP, Paris 2015

Ces photographies naissent d’une chorégraphie maîtrisée, d’un rythme et d’un mouvement construits. Elles sont documentaires car elles s’appuient sur ce que le monde offre. Mais s’en échappent immédiatement par la mise en scène soigneusement élaborée par l’artiste et son modèle. Valérie Jouve cherche plus à évoquer une sensation. « Je cherche à évoquer une certaine intensité du monde vivant. […] Je travaille l’habitation d’un espace et souhaite que les spectateurs vivent une expérience de cet espace là, au travers des images. »

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Vue de l’exposition au Jeu de Paume, Paris, 2015
Vue de l’exposition au Jeu de Paume, Paris, 2015

L’accrochage dans les salles du Jeu de Paume témoigne de cette volonté. Pas de linéarité, ni de chronologie, mais une juxtaposition d’images qui se font écho, dialoguent et viennent convoquer l’imaginaire du spectateur. Devenus acteurs de notre propre expérience, nous devenons à notre tour des Corps en Résistance.

Anne-Sophie Furic

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