Avec un nom pareil, Supersilent est au paroxysme du paradoxe. Le concert « de totale improvisation deathjazzambiantavantrock » du trio norvégien qui fêtait son vingtième anniversaire fut sans aucun doute le plus bruyant du festival Ultima.
C’est l’étonnante Marmorsalen (N.D.L.R. : salle de marbre) de Sentralen, ancienne banque reconvertie en centre culturel, qui a accueilli ce concert envoûtant.
Sans surprise, l’entrée en scène tonitruante du groupe a fait fuir un bon nombre de spectateurs. Les raisons ne sont pas difficiles à imaginer : la surenchère de décibels sûrement, la violence des sons électroniques surtout. Les plus téméraires assistant à la totalité de la performance sont nombreux et profitent du concert, debout ou assis, médusés face à la scène, dans l’immobilité la plus absolue.
Le jeu de scène du trio est en effet des plus impressionnants, ne serait-ce que par l’endurance performative dont il fait preuve ! Leurs improvisations dantesques sont rehaussées d’une mise en scène qui évoque les Enfers. Au centre, les trois musiciens sont disposés, chacun à une hauteur différente, de part et d’autre d’un amas de machines instrumentales.
Cette formation triangulaire désarticulée est éclairée du dessous avec une lumière rougeoyante. Les néons bleuâtres tremblants sur le mur du fond forment un ensemble horizontal de lignes saccadées. Sur ce décor binaire, les musiciens exploitent avec théâtralité tous les mouvements de leurs corps. Ståle Storløkken en particulier livre son torse à des convulsions dionysiaques qui miment les rythmes échevelés de la machine infernale qu’ils manient ensemble avec ardeur.
Après les improvisations denses et arythmiques endiablées de la première partie, le groupe explore l’extrême inverse. Et c’est dans une douce étrangeté que Supersilent entame la deuxième partie : un dialogue électroacoustique aux mélodies envoûtantes entre les textures variées de la trompette d’Arve Henriksen et les réverbérations du mythique piano électrique Fender Rhodes de Ståle Storløkken, qui sont bientôt rejointes par les nappes atmosphériques électrisantes de Helge Sten (Deathprod).
Supersilent explore une extraordinaire palette de matières sonores et développe ainsi une véritable esthétique du bruit. Leur jeu arythmique est riche en timbres et les stridentes variations du larsen sont bien la preuve que l’on peut extraire de l’onde la plus brutale une forme de musicalité.
La sélection Manifesto XXI des expériences musicales et insolites à Ultima 2017 (7-16 septembre 2017) :
Ultima #1. Les sérénades des rats de l’Opéra par Jana Winderen
Ultima #2 « Dråpen ». Dans une station d’épuration avec Arne Nordheim