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TH da Freak. Slackers mais hyperactifs

TH da Freak. Slackers mais hyperactifs

Emmené par la tête pensante Thoineau Palis, TH da Freak est un bon groupe de faux branleurs. Après de nombreuses sorties plus aléatoires et DIY toutes plus indie rock 90s les unes que les autres, le projet bordelais s’est posé le 8 mars pour l’album Freakenstein, plus affirmé qu’aucune autre de ses productions.

Alors même que son accent traînant et ses réponses laconiques pourraient confirmer l’appellation slacker dans la vie quotidienne au-delà du simple aspect musical, une hyperactivité se dessine chez l’artiste et la scène qui sous-tend derrière lui. De ses sorties compulsives à son collectif Flippin’ Freaks en passant par le label 1 EP par jour, il suffit de tirer la ficelle pour réaliser que TH da Freak représente bien plus qu’un revival presque adolescent d’une décennie passée et des nappes rêveuses. Un projet unique, il est certain, mais surtout une scène grouillante qui a soif de mouvement. Discussion avec Thoineau et Sylvain.

Manifesto XXI : Vous avez sorti un album, Freakenstein. Elle représente quoi pour vous la figure du monstre ?

Sylvain : On est très « C’est pas grave si t’es freak ». C’est cool d’être chelou. J’aime bien les monstres.

Thoineau : Ils sont très attachants, ils ont une histoire particulière. On se retrouve un peu en eux.

Sylvain : Et leur vies sont pas très faciles parce qu’ils sont différents des autres.

Thoineau : Et on aime bien la force d’esprit qu’un monstre peut avoir pour devenir meilleur.

Pourquoi vous vous sentez différents ?

Thoineau : Parce qu’on est exceptionnels. (rires) Non, je pense que ça vient juste du milieu social duquel on vient, qui était un peu bourgeois, faut pas le cacher. On se sentait vraiment pas bien dedans donc on a fait de la musique, on était un peu des moutons noirs. On était dans ce milieu restreint, qui n’encourageait pas forcément la créativité, du coup on a tout fait nous-mêmes.

Sur cet album, tu parles de quoi ?

Thoineau : L’album est essentiellement sur l’amour. Chaque morceau est une tranche de ce que ça peut être : une rupture, un pétage de câble de quand t’es complètement amoureux, c’est plein de choses.

Souvent vos thèmes, vos esthétiques, c’est très quotidien et instantané. Qu’est-ce qui vous plait dans ce réalisme ?

Thoineau : C’est inexplicable je pense. On est juste comme on est, on fait la musique comme on est. On fait des trucs dans l’instinct. On fait énormément de musique, donc on ne va pas passer mille ans à faire un morceau. On trouve un délire et ensuite on y va.

Pourquoi vous faites de la musique ?

Thoineau : Parce que ça nous libère.

Sylvain : Parce que ça nous amuse.

Thoineau : Je pense que j’ai beaucoup de mal à dire ce que je ressens dans la vie de tous les jours, du coup je le dis en musique.

Vous êtes systématiquement décrits comme slackers, vous en pensez quoi ?

Thoineau : Ça dépend dans quel sens tu le prends. Slacker dans la musique, okay. Pavement, les groupes qui font du slacker rock, je m’identifie pas mal. Par contre slacker dans l’attitude, la vraie définition qui est d’être un fainéant et manger des céréales sur son canapé, on n’est pas du tout comme ça.

Sylvain : On l’est plus ou moins dans la vie mais c’est pas ce qui nous résume, on est plus du genre à se lever pour répéter.

Thoineau : On travaille beaucoup quand même.

Sylvain : Mais il y a un côté très relâché dans la musique, très libre, très « je m’en fous de ce que pensent les autres ».

Thoineau : La musique c’est pas très grave. Ce n’est que de la musique, donc on est à la cool.

Tu disais d’ailleurs dans les Inrocks que tu avais envie de sortir les chansons de manière spontanée, sans forcément avoir de plan.

Thoineau : Ça c’est juste de la frustration de l’artiste. C’est un peu saoulant de sortir un disque un an après l’avoir enregistré, avoir composé les morceaux, qui te parlaient vraiment au moment où tu les as faits. Freakenstein c’est un peu différent parce qu’il est un peu plus travaillé que les autres albums.

Vous l’avez travaillé comment ?

Thoineau : C’est des morceaux qui sont étalés dans la composition depuis à peu près trois ans, que je gardais en tête. Ensuite on a enregistré, mixé, on voulait faire les choses bien, avec un travail de promo pour faire une belle sortie, etc. En plus celui-là je l’ai fait avec le groupe pour l’enregistrement. Dans la composition il y a plus de morceaux épiques que pop, même s’il y en a toujours. Et puis je l’ai composé pour qu’en live ça pète. Il a été composé pour le groupe plus que pour moi tout seul dans ma chambre. Jusqu’à présent c’était moi tout seul dans ma chambre, j’enregistrais des trucs et je les envoyais à Howlin Banana qui me disait « Ok on peut sortir ça à telle date », ce qui était plutôt cool.

Ça a commencé comment ?

Thoineau : Ça a commencé avec le premier album que j’ai fait qui s’appelait The Freak. Je l’ai sorti sur Bandcamp tout seul sans rien pour le kif. Un an plus tard, Howlin Banana l’a repéré, l’a sorti et depuis ils sortent tous les albums que je fais.

Vous avez clairement une esthétique 90s. Pourquoi ?

Thoineau : Je ne sais pas. Je pense que les années 90 c’est une décennie méga adolescente et je pense qu’on est encore très adolescents. Nirvana, tout ça, c’est la rage. L’oisiveté aussi, c’est un truc des 90s et nous on est comme ça.

Vous sentez qu’il y a une scène à laquelle vous appartenez à Bordeaux ?

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Sylvain : À fond. On a même un collectif qui s’appelle Flippin’ Freaks. C’est que des projets solos et tout le monde joue dans les projets des uns et des autres. Je suis le bassiste de TH, Thoineau est le guitariste de mon projet solo, on est les basse-batterie du projet d’un autre.

Thoineau : C’est le même schéma que pour Th da Freak, à chaque fois il y a une tête pensante et des musiciens.

Qu’est-ce qui vous rassemble ?

Sylvain : Déjà on est potes depuis méga longtemps.

Thoineau : On est tous des gros fans des années 90.

Sylvain : On est tous très émotifs aussi. C’est ça qui nous rejoint plus que la musique des années 90, c’est notre sensibilité extrême. On est là, on chiale pour rien, on vit tout à 200 fois plus. En ce moment je revendique ma part de féminité, je joue avec des robes sur scène parce que c’est méga confortable. C’est pas pour faire genre, j’adore être un homme mais je veux porter des robes parce que c’est très agréable en été. Dans d’autres pays il y a beaucoup de robes mais en Europe il y a vraiment un délire. Si vous avez des robes que vous ne mettez plus, envoyez-les par la poste.

Après au-delà de ça, on est avant tout des gars qui veulent faire avancer les trucs dans la musique. Et on a une volonté de faire bouger la scène, on organise des événements.

Thoineau : On essaye de pousser des nouveaux groupes à Bordeaux qui n’ont pas de visibilité en nous revendiquant collectivement. Notre but ultime serait que la visibilité qu’a TH da Freak soit donnée à tous les autres projets du collectif.

Sylvain : Ce qui est génial à Bordeaux c‘est qu’il y a aussi une entraide entre les autres groupes qui ne sont pas du collectif. JC Satan, par exemple, a beaucoup aidé le projet SIZ, ou encore Kim Giani qui est plein de conseils.

Thoineau : C’est l’ambiance bienveillante de Bordeaux qui nous a amené à faire ce collectif. Depuis on essaye de faire vivre la scène comme d’autres l’ont fait avec nous avant. On communique beaucoup. On trouve ça assez unique. We Are Vicious par exemple, ils sont pas du tout dans notre veine musicale mais on les connait.

Sylvain : Pour en revenir à l’entraide, par exemple Arthur de JC Satan a enregistré mon album gratos juste parce qu’il nous a vu une fois en live à Darwin, et il est venu nous voir il a dit « Hey je suis chaud d’enregistrer ton album », et puis j’ai enregistré les parties batteries chez ses vieux à la campagne.  Même pour faire des clips c’est ultra facile. J’ai fait un clip, et à la prise vidéo il y avait Pierre Martial qui est photographe de base, qui se convertit en cameraman. Tout le monde est chaud, tout le monde s’amuse.

On a plein d’albums qui s’enchaînent : celui de TH, puis celui de Wet DyeDream et un kids qui s’appelle Opinion, qui a 17 ans, le futur Ty Segall, qui habite dans la campagne à côté de Pau qu’on a rencontré grâce à Internet et notre label 1 EP par jour, où on sort un EP par jour pendant cent jours. Après il y a le mien, et puis Cosmopaark. Sur ce label tout est gratuit, et on veut donner autant de temps de parole que ceux qui en ont beaucoup plus facilement. Tout le monde est sur un pied d’égalité : tous ceux qui se pensent trop jeunes pour sortir des disques, nous on les encourage à fond. Les gens peuvent sortir les trucs qu’ils ne peuvent pas sortir normalement. Genre un EP perdu au fond d’un ordinateur. C’est pour les gros diggers.

C’est un bien beau réseau DIY.

Sylvain : On se dit qu’on appelle Bordeaux la Belle Endormie alors que c’est tellement des conneries. C’est Bordeaux l’hyperactivité, il y a l’embarras du choix.

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