C’est en déambulant sur Instagram que nous avons découvert le travail de Soraya Sanini, alias @sosoinpariss. Des vapeurs nocturnes filtrées au néon rouge surgissent les personnages d’un roman urbain dont l’intrigue se déroule de club en club, en passant par les meilleurs lieux alternatifs de la métropole. De Paris à New York, c’est l’étrangeté des nuits citadines qui fascine la photographe, faisant du portrait un moment d’intimité avec les animaux de la nuit.
Manifesto XXI : Qu’est-ce qui te passionne dans le portrait ?
Soraya Sanini : Ce qui me passionne avec le portrait, c’est l’échange que ça crée. J’aime bien l’idée que l’autre me donne quelque chose, une émotion, un regard, une vulnérabilité. C’est un moment intime entre la personne devant mon objectif et moi, et j’aime pouvoir en faire ressortir quelque chose d’honnête et de touchant. On est tous traversés par des émotions différentes, et ce qui m’intéresse c’est d’immortaliser cette émotion, au moment où je rencontre la personne. Ce qui me permet moi aussi de pouvoir extérioriser mes propres ressentis à travers cet échange.
Quels types de corps souhaites-tu immortaliser ? Tu traines beaucoup dans le milieu queer il me semble, qu’est-ce que tu trouves ici que tu ne retrouves pas forcément ailleurs ?
Je n’ai pas de critère particulier. Je prends généralement mes amis, ou les gens de mon entourage. En effet je traîne énormément dans le milieu queer, ce que j’aime dans ce milieu c’est que c’est un safe space qui donne aux gens la liberté d’être eux même sans barrières, sans masques. Ce qui fait que l’on peut rencontrer des personnes qui ont un fort univers, et une forte identité, et c’est ce que j’aime pouvoir immortaliser. De manière personnelle je ne m’identifie pas comme appartenant à la « norme », et je fais en sorte que mes images me ressemblent aussi.
Comment construis-tu le contraste chaud / froid présent dans tes photos, qui sont surtout des prises de vue nocturnes exposées aux néons rouges ?
Comme on peut le voir, j’ai une obsession pour la couleur rouge, et ça depuis que je suis toute petite. Ce qui fait qu’en photo c’est mon choix de prédilection. C’est une couleur très intime et en même temps dure. Elle peut représenter la sensualité, la colère, le sang, la romance. Et je trouve ça intéressant de jouer avec quelque chose qui pourrait assumer des significations diverses. Ça aide aussi a en faire sa propre interprétation. Parfois je rajoute une touche froide dans l’image, pour que ça fasse encore plus ressortir les tons chauds. Car sur une image monochrome il est difficile de réellement sentir la couleur, c’est bien d’y ajouter son opposé pour apprécier encore plus.
Des endroits où tu aimes aller à Paris ? Quel est ton rapport à la ville, aux villes ?
J’aime beaucoup les endroits vivants et particulièrement les soirées. J’ai une préférence pour les lieux alternatifs, car généralement il y a moins de monde qu’en club et j’ai un peu peur de la foule. En fait tous les lieux/soirées un peu queer, ça me va, car je m’y sens en sécurité et à ma place. J’ai aussi un petit coup de cœur pour les lieux où on peut voir des performance drag queens, je suis très fascinée par cette scène et c’est mon petit plaisir à chaque fois. J’apprécie beaucoup Paris car c’est une ville qui a beaucoup à offrir dans les milieux que j’apprécie. Récemment j’ai découvert New York et j’en suis tombée amoureuse. Déjà pour les lumières de la ville, il y a des néons tous les dixmètres, énormément de couleurs et de réflexions sur les buildings. Et la scène queer est incroyable. C’est une très grande famille, et ça a été un plaisir de pouvoir immortaliser ces moments, et ces personnes qui m’ont beaucoup touchée.
Une expérience insolite que tu as eue alors que tu parcourais une ville la nuit ?
La toute première fois où j’ai atterri dans une certaine soirée qui maintenant s’est arrêtée. C’était une période où je n’arrivais pas a trouver des lieux où je me sentais bien la nuit, où les gens m’arrêtaient pas toutes les cinq minutes pour savoir si je suis une fille ou un garçon, et mon
meilleur ami m’a parlé d’un lieu en particulier où il s’était senti a sa place, sans rien de négatif, très ouvert et très libertaire. J’y suis allée par curiosité, et c’est la que j’ai commencé à me façonner, et à apprendre à me connaître moi-même, ce qui m’a permis de me trouver en tant de photographe. C’était assez insolite car j’avais jamais été dans ce genre de lieux, et je n’avais jamais connu une telle énergie en soirée, je ne pensais même pas que c’était possible. Ça a été une période importante pour moi.