Deux fois par mois, la rédaction musique revient sur les projets et les actualités musique marquantes des deux dernières semaines. NVST, Jeshi, Marina Herlop, Tess Park, Shoko Igarashi, Joakim, Cucumaras : voici notre selection des nouveaux projets parus pendant le mois de mai !
Les actualités du moment
✩ Lancement du podcast Les Voix qui portent : Face aux inégalités qui persistent dans l’industrie musicale, Natacha Ordas (notamment fondatrice de SoundCloud) répond par une nouvelle série de podcasts bimensuels : Les Voix qui portent. Chaque épisode retrace le parcours d’une nouvelle invitée, chaque fois une femme en poste dans le milieu (artiste, productrice, directrice de label…). Les premiers épisodes laissent place à Marie-Anne Robert (PDG de Sony Music France), Flore Benguigui (chanteuse de l’Impératrice), Nicole Schluss (fondatrice de Derrière les planches, manageuse), Pauline Duarte (directrice du label EPIC RECORDS) et Poundo (chanteuse, compositrice mais aussi danseuse, styliste, mannequin…). Une initiative bienvenue qui a pour but de distribuer des outils, encourager les femmes à ambitionner des carrières et les inciter à s’affirmer.
✩ Compilation Audubon pour sauver les oiseaux : l’association National Audubon Society lance une série de compilations afin de lever des fonds pour préserver la vie des oiseaux. Le volume 1, paru en mai, rassemble les titres de Nick Cave & Warren Ellis, Beck, A. G. Cook, Beach House, Kurt Vile, Tilda Swinton, et bien plus ! Chaque production unique s’inspire de l’univers de ces êtres volatiles. La publication des autres compilations se fera mensuellement jusqu’à septembre, avant la sortie d’un coffret vinyle rassemblant 20 LPs pour étoffer votre collection. Pour acheter le projet, ou soutenir l’association, c’est par ici.
Les nouveautés à écouter
✩ Drum in the Bass of Attention de NVST (sorti le 20 mai)
Pour soutenir son premier album Drum in the Bass of Attention, NVST choisit le label lyonnais Big Science Records proche de sa Suisse natale. L’artiste, qui s’est déjà fait connaître pour son éclectisme et son énergie derrière les platines, nous livre un LP riche de dix titres. Loin d’être timide, NVST rassemble ses forces pour fabriquer des productions bass music qui oscillent entre euphorie lumineuse et textures abrasives. Elle pousse au questionnement, en posant sa voix à travers l’album. Ses paroles sont des actes politiques qui amènent tout publique à interroger ses environs, les lieux de fête et à déterminer si ces environnements nous font du bien.
AdC.
✩ Pripyat de Marina Herlop (sorti le 20 mai)
On ne l’avait pas vu venir, mais attention : vrai bijou. Pripyat réunit les premières chansons écrites sur ordinateur de la jeune artiste catalane. Formée à la musique classique et au piano, elle compose d’abord Nanook en 2016 et Babasha en 2018. PAN, label de musique électronique dirigé par Bill Kouligas, tape une nouvelle fois dans le mille en réaffirmant avec cet album son esthétique composite. Pripyat fusionne piano, voix et sonorités tatillonnes, qui claquent et qui fusent. Marina Herlop instille de la tension en voguant entre écriture harmonique et fragments rythmiques aux cadences et vélocités variables (« shaolin mantis », « lyssof »). Inspirés de la technique de la musique carnatique du sud de l’Inde, ses chants entreprennent autant consonances que coupes déstabilisantes. Grand vent de fraîcheur pour un printemps déjà trop chaud ! Pour aller plus loin voici la très belle video peuplée d’escargots pour « abans abans ».
CW.
✩ And Those Who Were Seen Dancing de Tess Parks (sorti le 20 mai)
Composé entre Londres, Toronto et Los Angeles, réunissant des chansons récentes ou vieilles de plus de dix ans, ce nouveau disque rattrape les neuf années qui nous séparent de Blood Hot, premier album de Tess Park. Après plusieurs collaborations réussies avec Anton Newcombe, nous la retrouvons dans sa carrière solo, avec And Those Who Were Seen Dancing. Avec ce nouveau disque, l’artiste canadienne revisite une dream pop langoureuse en y ajoutant la bonne dose de rêveries psyché. Tirant son titre de la citation de Nietzsche « Et ceux qui dansaient furent considérés comme fous par ceux qui ne pouvaient entendre la musique », le projet aspire à inspirer, distillant dans ces mélodies parlées/chantées un optimisme sans faille.
LS.
✩ Simple Sentences de Shoko Igarashi (sorti le 20 mai)
Shoko Iragashi, au parcours éclectique – saxophoniste de formation, jazzwoman protéiforme, diplômée de musique à Berkeley, fondatrice du groupe Maniac Manson – sort aujourd’hui son premier album, baptisé Simple Sentences. Sorti sur Tigersushi Records le 20 mai dernier, l’album d’ambient électronique manie les confort places de sa créatrice : la nature à l’état sauvage, le mysticisme de ses campagnes d’enfance, les génériques de films japonais des années 90. Entre volutes de voix, boîtes à rythmes et synthés rétro, accordons-nous une pause printanière dans l’univers onirique de Shoko Igarashi.
EF.
✩ Universal Credit de Jeshi (sorti le 27 mai)
En dépit et dégoût certain du monde qui l’entoure, Jeshi illustre un propos puissant et cru ironisant sur l’aide financière accordée en Angleterre. Si l’on dépasse les thématiques très sombres aux odeurs de café et cigarettes sur airs de piano, on y remarque une lueur, toujours présente, sublimant les discours parfois pessimistes de celui-ci. Ce seront alors ces instants aux sonorités de nappes envolées, beaucoup plus claires, qui offriront au cours du projet des instants de répit nécessaires. Ces passages sans batterie ou basse libèrent une beauté que l’on pourrait supposer dans les secondes qui les précèdent. Débarquant de nulle part, elles surprennent par leur simplicité et leurs harmonies en opposition avec l’aspect minimaliste des instrumentales jusqu’à cet instant. Avec cette sélection et ses choix précis (toujours dans une démarche similaire aux anciens projets du Londonien), ses musiques se détachent et se repèrent facilement par sa musicalité osée dans la scène rap anglaise. Universal Credit réussit à réunir d’excellentes idées et innovations, par cet exercice d’approfondissement.
MD.
✩ Soft Soap de Cucamaras (sorti le 27 mai)
Premier EP des britanniques Cucamaras, Soft Soap se place dans la droite lignée de la prolifique nouvelle scène post-punk d’outre-Manche. Les quatre musiciens de Nottingham y expectorent furieusement des riffs à l’énergie happée sur de groupes comme Shame, Squid ou Yard Act. Leur approche d’une intensité percutante semble les placer en bonne voie pour prétendre rivaliser avec les icônes de ce revival tendance dans l’indie actuelle.
MAF.
✩ Second Nature Remixes de Joakim (sorti le 27 mai)
C’est une sélection pointilleuse de réinterprétation dans le genre électronica qui apparaît sur la réédition de Second Nature de Joakim. De l’ambient expérimental aux codes de l’hyperpop, le projet touche à tout ce que le genre peut offrir. Flora Yin Wong et Scott Young perturbent par leurs étirements de pistes sonores aux sonorités stridentes et lourdes, pointillées de piano et saxophone. Pierre Rousseau et 808 State se laissent emporter par des solos au synthétiseur, quand Mad Professor Dub et RAMZI préfèrent se focaliser sur des rythmiques trip hop rappelant Massive Attack. Sur les trois dernières tracks Paula Tape, Russell E.L. Butler, Buttechno apportent une touche plus orientée club à cette sélection qui réussit à compléter la sortie originale.
MD.
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✩ ASTÉRÉOTYPIE, TROUBLES PUNK, par Michel-Angelo Fedida : Collectif atypique et audacieux fondé il y a une dizaine d’années, Astéréotypie apparaissait déjà en 2022 au cœur de L’Énergie positive des Dieux, film documentaire primé au festival FAME. Désormais, avec la sortie d’Aucun mec ne ressemble à Brad Pitt dans la Drôme, troisième album de ce traitement médico-musical percutant, les jeunes autistes se transforment en véritables rock stars.
✩ HORST : FUSION DES ARTS ET DES SONS POUR UNE RECETTE UTOPIQUE DE LA FÊTE, par Adélaïde de Cerjat : Les oreilles curieuses se sont rassemblées, le temps d’un week-end, dans une ancienne base militaire, l’Asiat, à Vilvorde en Belgique. En moins d’une demi-heure, nous nous sommes vu·es transporté·es dans le monde de demain, ou du moins celui imaginé par le Horst. Cette fois-ci, le festival s’est tenu à l’aube du printemps, pour anticiper le bonheur des rassemblements musicaux de l’été. Retour en images sur ces quelques jours de convivialité et de découvertes.
✩ SKY H1 & MIKA OKI : TRIP AU-DESSUS D’UNE MER DE NUAGES, par Sarah Diep : Discrète mais remarquée et très attendue depuis des années, la productrice bruxelloise SKY H1 a sorti son premier album Azure en décembre dernier. Elle s’entoure pour l’occasion de l’artiste visuelle Mika Oki pour un live A/V immersif et grandiose, qu’elles présenteront le 4 juin à Marseille pour le festival Le Bon Air. Interview croisée.
Image à la une : Shoko Igarashi par Victor Pattyn
Rédaction : Charles Wesley, Michel-Angelo Fedida, Maxime Deleus, Léa Simonnet, Adélaïde de Cerjat, et Eva Fottorino.