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#SalePute, un documentaire puissant sur le cyberharcèlement

#SalePute, un documentaire puissant sur le cyberharcèlement

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Si d’apparence les réseaux sociaux offrent à chacun·e la possibilité de s’exprimer librement, ils s’avèrent être un nouveau terrain de jeu de la misogynie. L’absence de règles explicites et de protection des personnes minorisées sur internet posent de vraies questions en matière de droits fondamentaux et de démocratie : c’est ce qu’analyse le documentaire #SalePute, disponible en ce moment sur Arte.

« Tant que tu ne t’es pas fait violée, ça ne compte pas. Je souris quant à ta lapidation en place publique quand ils auront pris le pouvoir. Si je te croise un jour en rue, ça sera ton dernier jour à vivre. » Le documentaire #SalePute (co-produit par Arte et la RTBF) commence à la lecture de ces témoignages. Malgré leur brutalité, ces mots sont loin d’être des commentaires isolés, bien au contraire. D’une puissance et d’une justesse remarquables, le film s’attache à rendre visible le caractère systémique de la violence qui s’exerce sur internet à l’égard des femmes. Selon l’ONU, 73% d’entre elles seraient concernées par ce problème à travers le monde.

Pour les réalisatrices Myriam Leroy et Florence Hainaut, journalistes renommées, personnellement confrontées au harcèlement, il s’agit d’un fait de société majeur passé sous silence. Afin de rendre compte de l’ampleur du phénomène, elles ont choisi de donner la parole à des avocates, streameuses, autrices, humoristes, ministres, directrices d’ONG. Toutes témoignent du déferlement de haine reçu – commentaires misogynes, photomontages dénigrants, menaces de viol et de mort, atteintes à des proches.

Le documentaire interroge les profils des harceleurs, qui se révèlent beaucoup plus communs que celui de l’incel ou du militant d’extrême droite. De fait, les réalisatrices le précise dans le film : « ce ne sont pas des dingues, ce ne sont pas de idiots. Ils ne sont pas des anomalies du système, ils sont le système ». Derrière les écrans, des milliers individus aux identités multiples cherchent à nuire, à faire taire et à détruire dès lors que des femmes sont visibles et médiatisées. Si l’espace numérique a fait émerger des voix auparavant inaudibles, aujourd’hui leurs influences effraient et menacent. Les femmes sont ainsi 27 fois plus susceptibles que les hommes d’être harcelées via Internet selon une étude menée par l’European Women’s Lobby en 2017.

Pour deux minutes de chronique humoristique, la journaliste et autrice Nadia Daam a subi un raid qui a impacté sa vie professionnelle, sa santé physique et mentale, ses proches. Lorsqu’elle raconte qu’elle y a perdu sa joie, sa légèreté, sa volonté de prendre position, il y a un goût amer qui fout la rage. Seulement deux de ses harceleurs du forum 18/25 ans du site jeuxvideo.com ont été condamnés par le tribunal de grande instance de Paris en 2018. C’est peu mais c’est déjà ça.

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Les conséquences individuelles sur les personnes victimes de harcèlement sont dévastatrices mais cela va plus loin. Les réseaux sont devenus des espaces hostiles qui silencient et fragilisent la place des femmes à l’échelle sociétale. Si on considère internet comme le plus grand espace public actuel, la portée de cette problématique est sans précèdent. Pourtant personne n’y semble préparé. Sur fond d’une indifférence généralisée, les instances politiques et juridiques sont larguées et culpabilisent les victimes plutôt qu’elles ne les protègent. D’autre part, les plateformes laissent faire car les messages haineux font plus de vues et d’argent que n’importe quel contenu. Dans cette société du spectacle, les règles du jeu sont indéniablement dangereuses et préoccupantes.

Internet, cet espace public moderne est devenu un terrain miné pour la moitié de l’humanité. Au sens propre comme au figuré, la violence qui y règne éteint les femmes pas seulement celles qui sont attaquées mais également les autres, les spectatrices. C’est un avertissement, un rappel à l’ordre. Regardez ce qui risque de vous arriver si par malheur vous aussi vous l’ouvrez. Quand ceux qui répandent et ceux qui observent cette haine disent ce ne sont que des mots, ce que nous entendons c’est ce ne sont que des femmes. 

Extrait de #SalePute, de Myriam Leroy et Florence Hainaut
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