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Choose your fighter : Saku Sahara, des kicks et des basses

Choose your fighter : Saku Sahara, des kicks et des basses

Toutes les chapelles de la musique électronique se rencontrent à nouveau le 10 et 11 septembre pour la neuvième édition du Peacock Society au parc de Choisy. L’occasion pour Manifesto XXI d’aller à la rencontre de Saku Sahara, artiste spécialiste des esthétiques UK bass, jungle et happy hardcore. La DJ présente son univers à 160 BPM dans une mixtape survoltée spécialement concoctée pour l’occasion.

Une énergie bouillonnante conjuguée à une maîtrise technique hors pair, Saku Sahara fait des platines la suite logique de la manette de gamer·euse. Graphiste et illustratrice à la ville, c’est pendant les week-ends que Saku Sahara sculpte une iconographie sonore digne d’un Battle of Rage sous acide. Elle puise ses inspirations dans les classiques rave UK des années 90/2000 comme chez ses modèles britanniques du moment : Sherelle et Samuraï Breaks. C’est en millenial avisée que Saku Sahara connaît ses premiers émois électroniques avec les productions gaming de Yuzo Koshiro et de Motohiro Kawashima. Son parcours de DJ, elle le débute à Lyon il y a seulement quatre ans avec l’organisation des soirées Kimochi Wave et ses premières dates au sein du duo Retro Futur. Aujourd’hui, la DJ – et nouvellement productrice – s’est imposée comme une pointure montante de la scène bass et break française.

À l’approche de son set sur la Mirror Stage du Peacock Society le 11 septembre prochain, Saku Sahara nous a accordé un entretien. L’occasion de faire un état des lieux sur son parcours, sur la place des esthétiques UK dans le paysage musical français ainsi que sur les avancées pour la visibilisation des artistes femmes sur les scènes électroniques. En prime, Saku Sahara met le spleen de la rentrée au placard avec une mixtape éclectique et percussive à (ré)écouter sur le soundcloud de Manifesto XXI. Rencontre avec cette diggeuse hors pair.

Manifesto XXI – Dans tes mixes, tu proposes un mélange de break, UK hardcore, footwork, bass leftfield et jungle. D’où tiens-tu ce goût pour la rave UK ?

Saku Sahara : Je pense que ça vient de plusieurs choses. C’est d’abord le fruit d’une évolution musicale et artistique. Je pense qu’au début quand on apprend à mixer sur les platines des potes, on est influencé·e par ce qu’iels peuvent jouer. Je me rends compte qu’avec les années et l’entraînement assidu, j’ai pu vraiment me permettre de visiter la club culture UK même si ça sortait des sonorités plus classiques house ou techno. Le break et la scène UK, c’est aussi ce qui me donne le plus de plaisir à jouer, je m’amuse énormément sur scène. Puis c’est tout un panel d’émotions qui se relient aussi à des souvenirs de jeunesse. Je retrouve les sons des jeux vidéo auxquels j’ai joué, dans lesquels l’influence clubbing était déjà très présente. La rave UK, c’est vraiment la rencontre entre ma jeunesse geek et ma passion pour le DJing.

Au-delà des inspirations UK, tu tiens le podcast Conversations dans un bento consacré à la musique japonaise et aux musiques de jeux vidéo. Comment fais-tu cohabiter ces différentes influences dans ton parcours artistique ? 

La musique japonaise, je dirais que c’est quelque chose d’assez personnel et intime parce que ça s’inscrit dans mon quotidien. Je suis passionnée de nourriture japonaise, mais aussi de décoration et de toute l’imagerie nippone. J’aime bien pouvoir proposer une histoire avec ces sonorités-là, plutôt dans des rendez-vous radio ou mix sous format podcast. D’ailleurs, j’adore partir à la recherche des sons de jeux vidéo disparus. C’est quelque chose qui me passionne encore plus depuis ma rencontre avec Teki Latex. On a eu une sorte de coup de foudre amical et musical. La première fois qu’on s’est rencontré·es, c’était autour d’un mix de musique japonaise chez Rinse. On ne s’était pas concerté·es avant sur ce qu’on allait jouer mais ça a matché du premier coup !

Saku Sahara © Lucas Baez

Après, toutes mes influences UK, ça tabasse un peu plus (rires) ! Mais ça je l’exprime plus en club. Bien sûr, je fais quelques mixes plutôt rave UK, mais c’est surtout pour montrer ce dont je suis capable en soirée. Les sonorités UK, je les ai beaucoup entendues dans les jeux vidéo auxquels j’ai joué quand j’étais jeune : Tekken, GTA, Need for Speed… Il y en a tellement que je ne les ai pas tous en tête. Clairement ces jeux ont construit mes goûts et mon identité musicale actuelle. J’ai trouvé une citation dans un article de Vice récemment qui disait : « Si vous avez grandi en jouant à des jeux comme Zed Blade, Battle Garegga, Street of Rage, Wip3out, vous aviez déjà connu une expérience en boîte de nuit sauf que vous n’étiez pas assez vieux pour vous en rendre compte. » 

Tu sembles toujours à la recherche de la pépite sonore. Quelles sont tes influences musicales du moment ? 

En ce moment, c’est vrai qu’il y a quatre artistes qui m’influencent particulièrement. La DJ et productrice Sherelle, c’est déjà une énorme source d’inspiration. Avec Naina, elle a monté le label Hooversound. Leur travail regroupe une génération de producteur·rices incroyables ! Sinon, j’écoute en boucle les sons du producteur anglais Samuraï Breaks. Puis en termes de production, le duo We Rob Rave c’est ma source d’inspiration par excellence. Tout ce que je rêverais de faire en musique, ils le font. D’ailleurs ils sont super accessibles donc on échange beaucoup sur les réseaux sociaux. Et si ça peut étonner parfois, la scène drum et rave italienne est très énervée, notamment le travail de l’artiste Neve. 

Depuis tes premières scènes dans les clubs lyonnais, tu poursuis ton ascension sur la Mirror Stage du Peacock Society le dimanche 11 septembre prochain. Ça signifie quoi pour toi de jouer dans ce festival au line-up international ?

Je suis très honorée d’être invitée cette année. En tant que DJ émergente, j’ai tellement rêvé de jouer au Peacock ! Quand je fais le point, je suis déjà hyper contente d’être où je suis au bout de quatre ans. J’ai commencé le mix en 2018, avec la pandémie qui a débarqué en plein milieu de mes premières dates. Ce n’était pas facile, mais finalement, c’est une période qui m’a beaucoup apporté. Ça m’a permis de créer beaucoup de connexions avec d’autres artistes sur les réseaux. J’ai aussi fait plus de mixes, même si au bout d’un moment tout le monde était saoulé des streams (rires) ! C’est aussi la période de ma rencontre avec Teki Latex. Enfin c’était énormément de positif au niveau artistique.

Qu’est-ce que ça représente de te produire aux côtés de Sherelle ?

Je suis super excitée de la revoir ! Je l’ai rencontrée pour la première fois aux Nuits Sonores quand j’y ai joué fin mai. Mon challenge c’était de me dire qu’il fallait absolument qu’elle reste pour mon set. Pour la petite anecdote, elle a adoré ce que j’ai fait et a envoyé des vidéos de mon set à Samuraï Breaks. J’étais hyper émue. On a dit qu’on resterait en contact à l’avenir et notamment pour des projets musicaux. C’était au-delà de mes espérances ! Des fois on se fait des films, puis on se dit que ça ne se passera jamais comme ça. Parce que c’est trop, parce que c’est irréalisable. Mais finalement ça arrive !

Saku Sahara et Sherelle aux Nuits Sonores © Juliette Valero

Tu sembles aimer les défis artistiques…

Oui et le Peacock Society c’est un défi pour moi parce que je joue sur un horaire de début de soirée ! En général, je joue en peak time ou en closing. C’est aussi que ça correspond à mon genre musical. Là c’est un vrai challenge de passer tôt. Je vais tout faire pour amener ma patte sur un horaire un peu différent. D’ailleurs les défis sont hyper importants pour progresser dans mon parcours artistique. Je suis la reine de la liste (rires) ! Je liste les choses qui me portent, les rêves sur une année, et j’essaye de me donner les moyens d’y arriver.

Tu te démarques des sonorités classiques house et techno que l’on entend couramment dans les clubs français. Que penses-tu de la place faite aux esthétiques UK à Lyon et plus largement en France ?

Depuis un an ou deux, il y a une légère vague UK qui arrive sur la France avec notamment de plus en plus de personnes qui jouent du breakbeat. J’en entends un peu plus parler autour de moi, même si ça reste de niche. Sur la scène lyonnaise quand j’ai commencé à mixer du break, de la jungle ou du UK hardcore, je connaissais très peu de personnes qui mixaient les mêmes choses. Je me suis rapidement dirigée autre part pour les soirées. J’ai été beaucoup sur Paris. Puis, pour mes premières dates, je suis allée au Redlight à Amsterdam et à Radio Raheem à Milan.

Aujourd’hui, il y a encore un travail de promotion des esthétiques drum ou break à Lyon comme dans le reste de la France. Ça permettrait d’ouvrir le champ aux nouvelles propositions. Après des sets, ça m’est arrivé que des personnes me confient qu’elles ne savent pas ce que j’ai joué. Il y a même certaines personnes qui me confient qu’elles n’avaient jamais entendu ça avant. Mais je pense que ça change aussi avec le travail de certains collectifs comme la team Egregore à Toulouse. Puis un autre crew que je suis de près, c’est [re]sources. Ils proposent de belles choses en termes de line-up.

« Drums Unity », ton premier morceau, est sorti le 10 juin dernier sur Quarantine Sonic Squad (QSS), une initiative en faveur de l’association Droit au Logement créée par l’artiste Tim Karbon. Dans ce track, tu fais une place de choix aux sonorités happy hardcore, jungle et drum’n’bass. Comment s’est passée cette collaboration ?

Pour ce premier morceau, j’avais besoin de composer dans le genre dans lequel je suis la plus à l’aise. Je me suis inspirée du duo We Rob Rave et d’un morceau en particulier qui s’appelle « Exit ». En termes de musicalité, de structure, c’est un morceau que j’ai gardé en tant que fil conducteur. Après, ça faisait un moment que je voulais sortir un premier morceau. Je faisais des petites productions, des petits tests, et je ne savais pas trop quoi en faire. Tout le processus était inconnu pour moi, notamment la recherche de label et la distribution. Mais j’ai eu de la chance ! J’ai contacté Tim Karbon qui cherchait des femmes productrices pour sa nouvelle compilation. Je savais qu’il faisait partie de POLAAR, le label créé par l’artiste lyonnaise Flore. Bref, c’était une ambiance familiale, et puis la cause de l’association DAL me tient à cœur.

Tu es aussi cofondatrice du projet Unit-Sœurs aux côtés de Mensonges et de Maghdalene. C’est un collectif de visibilisation et d’entraide entre DJ et productrices femmes sur Lyon. De quel constat est partie cette initiative ?

C’est parti d’un énième projet que j’avais vu passer sur les réseaux. Il présentait les protagonistes de la scène lyonnaise avec une quinzaine de mixes, et uniquement des DJ hommes dans la liste. Ça m’a fait grincer des dents qu’en 2021 ce genre de projets ne choque personne. J’ai directement partagé ça sur Instagram, puis il y a eu un effet boule de neige. Pas mal de filles se sont mises à échanger. En discutant avec les DJ Mensonges et Maghdalene, on a décidé de monter quelque chose toutes les trois. C’est là qu’Unit-Sœurs est né.

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On a fait notre premier évènement au Sucre, c’était un livestream de dix heures pendant le covid. Un live assez conséquent ! Ça nous a permis aussi de vraiment mettre un coup de pied dans la fourmilière en montrant que pendant dix heures on a pu faire passer uniquement des DJ femmes. On ne pourra plus dire qu’il n’y en a pas. Clairement elles sont là. D’ailleurs c’était important pour nous de faire ça au Sucre, lieu emblématique de la nuit lyonnaise.

Qu’est-ce que la collaboration autour d’Unit-Sœurs t’a apporté en tant qu’artiste ?

Ça m’a permis de transmettre mes compétences et mon expérience à d’autres filles en découvrant le fonctionnement associatif. Quand j’ai commencé, je n’ai pas eu accès aux contacts et aux opportunités pour jouer sur certaines scènes. J’ai vraiment aimé les accompagner, d’autant plus que j’aurais bien aimé avoir de l’aide et du soutien à mes débuts.

Saku Sahara  © Juliette Valero

Quel est ton constat quant à la visibilisation des DJ et productrices femmes dans les clubs et dans les festivals ?

Je pense qu’on peut voir une amélioration depuis la reprise post-covid, mais on ne peut pas crier victoire. On est encore loin de l’égalité sur les scènes électroniques. Des fois on a l’impression qu’on a gravi une montagne, puis qu’on l’a redescendue sur les genoux. Depuis qu’on a monté Unit-Sœurs, il y a quand même un changement sur la scène lyonnaise. On voit beaucoup plus de filles sur les line-ups. Même s’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir, on est hyper fières d’avoir pu faire bouger les choses. C’est pour ça qu’on doit continuer à monter des projets, à se serrer les coudes entre femmes. La solution, c’est vraiment l’entraide. 

Quels sont tes projets pour la suite ?

Clairement mon rêve, c’est de m’exporter à l’international. Et surtout, je rêve de jouer en Angleterre ! Une étape qui va se concrétiser bientôt si le covid ne passe pas par là. J’aimerais aussi beaucoup sortir un EP en 2023. Comme c’est un projet sur lequel je me suis lancée récemment, je ne me mets pas encore la pression avec une date de release. Surtout que je travaille à côté donc je ne peux malheureusement pas me consacrer qu’à la musique. Sinon je m’imagine continuer à évoluer artistiquement dans des projets pluridisciplinaires. Pourquoi pas des initiatives avec des jeux vidéo, ou des collaborations pour revenir à mes premiers amours du graphisme et de l’illustration.


Vous pourrez retrouver Saku Sahara, le 11 septembre prochain sur la Mirror Stage du Peacock Society au Parc de Choisy dans le Val De Marne.
Plus d’infos sur le Peacock Society : site internet / facebook / insta

Pour suivre Saku Sahara : facebook / insta / soundcloud

Tracklist :
Stefan Goodchild – Kyle (Disaffected Remix)
Yescal – Asuka Strikes
Norman Bates – Trends & Boylan (Please VIP)
HomeSick – Inna Dis VIP
Rascal & Lucid – Chav Juice
Disaffected – Up North Troops
Harka – Massive
Samurai Breaks & Origin – Extensiv Hype
Crypticz & Itoa – How it’s done

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