Révélé au grand public avec son album Tohu Bohu en 2012, suivi de Creatures en 2015, Rone ouvre aujourd’hui un nouveau chapitre de son histoire musicale avec Mirapolis, toujours sur le label Infiné, régulièrement salué pour son rôle d’éclaireur en matière de musiques électroniques.
Au premier coup d’œil, c’est d’abord quelque chose d’enfantin et de merveilleux que nous évoque cet artwork coloré, et c’est d’ailleurs à un parc d’attraction de son enfance que l’artiste dédie le titre de cet opus. Parc d’attraction qu’il n’a pourtant jamais foulé, mais plutôt fantasmé. Une notion de fantasme qu’on retrouve sur la pochette, avec ce personnage comme dépassé, mais également intrigué, fasciné par la ville et la technologie qui l’entourent. Toute cette architecture imposante mais bigarrée ne semble finalement qu’un vaste terrain de jeu à explorer, une ville à éveiller.
Au fil des douze titres, émaillés de nombreuses collaborations – John Stanier, Saul Williams, Baxter Dury, Noga Erez et Kazu Makino -, Mirapolis se dévoile peu à peu. Tantôt rêveuse, tantôt entreprenante, souvent grandiose. Son ciel est fait de douces nappes célestes, ses rues de rythmiques entraînantes, ses entrailles de basses épaisses et ses immeubles d’enchevêtrements synthétiques. Dans ce décor électronique aussi cosmique que fantastique surgissent ici et là des vocalités humaines, parfois enfantines, parfois masculines, féminines, parfois rappées, chantées, parlées, samplées, ou encore distordues et se confondant avec les machines.
Éminemment électronique, technologique et innovante, Mirapolis reste pour autant ouverte et inclusive, et voit passer une foule de sonorités par ses dédales, des cuivres au piano, des cordes aux bruitages, des chœurs aux percussions, se donnant souvent des allures symphoniques et cinématographiques. Patchwork de couleurs, de textures, Mirapolis se fait aussi mélancolique et solitaire parfois, à l’image de son créateur lors de sa genèse, seul face à la mer pour élaborer le croquis de son œuvre. À la nuit tombée, elle invite subtilement à l’introspection. À l’onirisme aussi. Les arpeggiateurs endiablés passent comme autant de comètes dans le ciel, tandis que les enchaînements harmoniques et les tournures orchestrales font, par vagues, monter la tension, illuminant alors Mirapolis de grandeur et de majestuosité. D’intemporalité, peut-être.
Tout aussi défricheur et aventurier que ces prédécesseurs, Mirapolis tient ses promesses, et s’offre à nous tel un vaste parc d’attraction riche en nuances auditives, sensibles et émotionnelles. Entre jeu et exploration, retour en enfance et futurisme, narration et technologie, Rone nous ouvre la porte d’un univers sonore complexe et savoureux qui donne à entendre comme à penser, réaffirmant ainsi une fois de plus sa légitimité de créateur au panthéon de l’electronica.