Depuis maintenant trois juillets, le festival Restons Sérieux plonge au plus profond de la musique française. Celle dénuée d’artifice et pleine de talent : la punk, la pop, la rock, l’électronique, l’expérimentale. La poétique, la drôle, la politique parfois aussi. Durant cinq jours, les artistes de cette scène à contre-courant et sans complexe se succèdent sur le chaleureux plateau du Supersonic à Paris. Et, cette année encore, la programmation du festival reflète avec brio cette chouette diversité nationale. Du 10 au 14 juillet, on y croisera pêle-mêle Kumisolo, Guili Guili Goulag, Daisy Mortem, Cachette à Branlette, Ricky Hollywood, Marietta, Bertrand Burgalat, Oktober Lieber… parmi tant d’autres, qu’il faut absolument découvrir dans la playlist du festival.
Restons Sérieux avait prévenu : « Un hypercut de lives et de DJ set pour vous ramasser à la petite cuillère. » On leur a d’ailleurs posé quelques questions, pour en savoir plus sur ces faiseurs de festival « beau et bizarre ».
Manifesto XXI – Qui est derrière Restons Sérieux ?
Aurélien : C’est tout le Supersonic qui est derrière le Restons Sérieux : soit Cécilia et Tiffany à la com, Romain et Quentin à la prod et moi qui chapeaute la prog en reprenant les idées de chacun. Ce qui devait être une bonne blague autour du 14 Juillet et le côté Fête Nationale s’est transformé en festival qui souffle sa troisième bougie.
Cela fait trois ans que le festival existe. De quel état des lieux de la scène parisienne êtes-vous partis pour créer Restons Sérieux ?
L’idée était de regrouper des groupes chantant en français dans des styles de musique différents et souvent peu représentés sur la scène « grand public ». Je pense que ce genre de festival n’aurait jamais eu lieu il y a dix ou vingt ans : il suffit de voir le succès d’artistes comme La Femme, Frustration, Requin Chagrin ou Flavien Berger pour se rendre compte qu’il y a autre chose que la chanson à texte et le rock sous Noir Désir en France.
Quelle est votre définition de la musique bizarre, déviante, à part ?
Tout se résume avec la sacro-sainte expression “weirdo”. C’est le genre de projet qui prend tout son intérêt en live, car la scène devient souvent le lieu de performances. Ces artistes “weirdo” sont issu de ce qu’on pourrait nommer comme la descendance du mouvement punk et DIY et, la plupart du temps, tout est DIY sans ordi, avec de vieilles machines et des instruments rafistolés à coup de gaffer… En plus d’être sonore, l’expérience est bien souvent visuelle.
Dans quels souterrains allez-vous dénicher vos artistes ?
Tout au long de l’année on reçoit pas mal de demandes via le Supersonic, du coup je me retrouve avec une liste d’une centaine d’artistes à contacter pour le Restons Sérieux. Il faut également rester proche de médias qui relaient tout ce qui se passe sur cette scène « underground », de New Noise à Gonzaï. Après, cette année, on a pris le parti pris d’aller vers une programmation plus pop, mais qui garde toujours ce grain de folie.
Quelle caractéristique unit les artistes de la programmation, et qui vous fait vous dire « eux, on veut les faire jouer cette année » ?
Ils ont tous ce petit côté déviant qui fait qu’on les retrouvera jamais sur le devant de la scène “grand public”. Tous les artistes du Restons Sérieux sont des artistes qui se sont fait eux-mêmes. La grande majeure partie de la programmation s’est faite sans intermédiaire (agent, tourneur, management) : dès que je pouvais, j’allais contacter le groupe directement. Et puis, tout au long de l’année, on prend tous des notes ; j’ai une liste mise à jour toutes les semaines dans mon téléphone et, vers janvier, je commence à contacter les noms les plus pertinents pour préparer le festival.
Qu’est-ce que vous aimez dans la musique française d’aujourd’hui ?
J’aime particulièrement sa « décomplexation ». En tant que Français, on est plus là à regarder les anglo-saxons et à essayer de les imiter ; aujourd’hui, on a nos propres influences. La musique française est plus libre, il n’y a jamais eu autant de groupes, d’artistes, de médias, de labels, de disquaires… Même si on voit que les lieux de diffusion ferment tous un par un à cause de la législation parfois hasardeuse, on voit apparaître pas mal d’alternatives et, au final, des lieux souvent éphémères naissent et aident à soutenir cette scène. Est-ce qu’on s’en souviendra dans 10 ans, 20 ans ou 30 ans ? Je ne sais pas… mais, en tout cas, aujourd’hui c’est excitant d’en faire partie !
Est-ce qu’il faudrait plus de curateurs comme La Souterraine pour promouvoir cette musique française sans prétention ? Vous considérez-vous aussi comme curateur, d’une certaine façon ?
Je ne suis pas sûr que cette scène ait besoin de curateur, ou en tout cas ait la volonté de s’ouvrir. “Pour vivre heureux vivons cachés”. On parle, au final, à un petit milieu qui a ses codes et sa façon de fonctionner. Mais, en même temps, en tant que programmateur mon premier rôle est de confronter un artiste à un public ; donc, plus le public est fourni et varié, plus la rencontre est intéressante. Je pense surtout que le public a besoin d’être “éduqué” aujourd’hui et que les lieux de concerts, les labels, les médias et autres influenceurs doivent pousser le public à être plus curieux et à le sortir des sentiers battus.
Pour qui doit-on venir absolument à cette troisième édition ?
Pour Guerre Froide et son spleen cold wave intemporel qui fait toujours mouche depuis 1980.
Qu’espérez-vous qu’un spectateur de Restons Sérieux retire de son expérience du festival ?
Une gueule de bois ! Mais dans le bon sens du terme : qu’il se demande de la véracité de ce qu’il a vu la veille, qu’il en garde un souvenir à la fois flou et excitant, et qu’il ait envie de recommencer au plus vite ! Il faut qu’il soit en manque et qu’il en redemande… une bonne grosse gueule de bois récréative en somme.
Si vous avez lu cet article jusqu’au bout et que vous lisez cette ligne c’est que vous être un lecteur assidu et que vous méritez bien un petit cadeau. On vous offre donc 2×1 places pour les concerts du samedi 14 juillet (payant après 23h), et ça se passe sur contact@manifesto-21.com.