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Rencontre avec The Proper Ornaments

Rencontre avec The Proper Ornaments

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À l’occasion de la sortie de leur nouvel EP, Foxhole, on a pu poser quelques questions aux Proper Ornaments, groupe psych pop anglais composé de Max Oscarnold (aussi musicien dans TOY et Pink Flames), James Hoare (Ultimate Painting et Veronica Falls), Bobby Syme et Daniel Nellis. Dénué de toute fioriture, Foxhole est une collection de morceaux pop dont la pureté et la douce simplicité caressent les tympans.

Manifesto XXI – Comment votre état d’esprit a-t-il changé depuis le premier album ?

James : On a fini par aller dans une direction plus introspective et par changer un peu de son. C’était un peu plus lourd et agressif avant, avec des côtés Velvet Underground. Avec ce nouvel album, on a vraiment fait table rase, et globalement, c’est un album plus sensible.

Pourquoi cette envie de produire un album plus minimal ?

James : C’est en partie dû aux musiques que l’on écoutait à ce moment-là et à notre état d’esprit lorsqu’on écrivait les chansons. Et puis, on ne peut pas refaire le même album.

Quels artistes vous ont inspirés pendant ce processus ?

Max : John Lennon à ses débuts, et même de la bossa nova. On aime beaucoup Tom Jobim.

James : On aime le côté moins enjoué de la bossa, les choses plus lentes.

Max : C’est une question d’espace que le son crée.

Parlez-moi un peu de la création du groupe.

Max : On s’est rencontrés il y a un bon moment, à Notting Hill. James travaillait dans un magasin de vêtements, c’est là qu’on s’est vus pour la première fois. On est instantanément devenus amis et on faisait de la musique ensemble sans que ce soit très sérieux. Ensuite, on a commencé à écrire des chansons, et on s’est dit qu’on pouvait en faire quelque chose. On a formé le groupe et ça a évolué naturellement.

James : Ça a pris un moment parce qu’on a fait de la musique pendant longtemps sans rien sortir et sans être très investis dans le projet. On travaillait sur un morceau et après on allait boire des coups au bar. Après avoir fait ça pendant quelques années, j’ai dit à Max : « Soit on arrête de faire de la musique, soit on crée quelque chose de vraiment intéressant ». À partir du moment où on avait ça en tête, ça a été plus facile pour nous de se faire signer. Notre premier single est sorti en 2010. Ensuite, lorsqu’on a commencé à tourner, on a rencontré notre bassiste Danny et notre batteur Bobby.

Max : On les a surtout rencontrés grâce à notre ami commun, Shaun, qui avait un lieu de répète.

James : Oui, on s’est rencontrés dans cet espace vraiment miteux. Ce n’était pas une salle de répète classique, il y avait des trucs partout, des canettes de bière et des mégots par terre, dans une salle très sombre avec des plafonds bas. C’était presque comme une horrible cave mais avec tout de même des aspects charmants. Le matos était tout le temps cassé et il y avait la pire batterie au monde. (rires)

Max : Au début, on jouait avec d’autres musiciens, mais ils n’étaient que de passage et on n’avait pas cette unité. Lorsqu’on a eu un concert pour la sortie d’un EP en 2012, Dany a du apprendre dix-huit morceaux en une semaine, ce qu’il a très bien réussi ! C’est à ce moment-là qu’on est devenus un « vrai groupe ».

James : On jouait avec Wesley Gonzalez de NZCA LINES, ainsi que d’autres musiciens de la scène londonienne comme notre batteur qui jouait aussi avec Scritti Politti. Parfois, les gars ne jouaient que pour un ou deux concerts seulement, ce qui ne rendait pas le groupe très bon.

Vous habitez tous à Londres. Vous vous sentez membres d’une famille plus importante que votre groupe seul ?

Max : C’est vrai que l’on a beaucoup d’amis musiciens. Je ne sais pas si ça nous influence, mais on est constamment en contact avec la musique des autres.

Danny : Je pense vraiment que ça motive d’être entouré de gens qui font la même chose que toi. Lorsque tu es inactif pendant six mois ou un an, c’est cool d’être porté par des potes musiciens qui t’incitent à continuer de travailler.

James : C’est aussi très stimulant de voir tes amis jouer. Aucun de nous ne va dans des clubs, les seules fois où on sort c’est pour voir le concert d’un pote. En ce qui concerne la « scène » londonienne, je ne suis pas sûr qu’il y en ait réellement une. On ne joue pas toujours avec les mêmes groupes en faisant le même son, comme à Manchester par exemple. À Londres, il peut y avoir aussi bien des groupes de punk que de pop.

Danny : Mais tout le monde connaît tout le monde.

À Paris, il y a une grosse scène de psyché qui peut être assez écrasante, avec beaucoup de petits groupes qui se contentent de copier-coller une esthétique donnée sans y incorporer d’âme.

James : Ce phénomène s’est produit à Londres il y a un moment. Quand on a formé le groupe, on s’inspirait beaucoup du genre de psyché que faisaient les Pink Floyd et les Beatles. Notre manager de l’époque nous avait dit : « La musique psyché va devenir très à la mode, on devrait sortir quelque chose maintenant parce que votre groupe est pile dans la tendance ». Il y a quatre ans, tout le monde s’est mis à porter des chemises à imprimés Paisley. Maintenant que cette tendance s’est estompée, nous, on continue. C’est la même chose avec la mode, quelque chose devient hyper populaire et tout le monde se met à le porter, mais toi tu peux continuer sans te soucier de ce genre de choses.

Max : Je me souviens que sur nos premiers enregistrements, on travaillait en harmonies. Une fois, on s’est regardés en se disant : « Personne ne va aimer les harmonies, ils vont nous prendre pour des fous ! », mais en fait tout le monde faisait ça à ce moment-là, des groupes comme Temples par exemple.

Beaucoup de cheveux dans Temples, ça semble presque être un critère requis pour faire partie du groupe.

Max : C’est une des choses que je n’aime pas à propos de Londres : l’obsession avec une certaine esthétique. Je ne suis pas forcément d’accord avec le fait qu’il faille avoir un look fort pour être considéré.

James : Parfois, Londres peut privilégier le style sur la substance. Certains groupes se font signer uniquement grâce à leur look.

Max : Aux États-Unis, c’est tout l’opposé, tout le monde s’habille n’importe comment et fait de la super musique.

James : La qualité des musiciens aux États-Unis est aussi supérieure parce que souvent, ils jouent de leur instrument depuis plus longtemps et ils sont vraiment passionnés. À Londres, beaucoup de groupes émergent et font du psyché pendant un an avant de disparaître. La semaine d’après, ils se mettent à faire de la musique électronique.

Max : Ça a un côté chauvin. Les garçons pensent que c’est cool de jouer dans un groupe, et chaque type de l’est de Londres joue sûrement dans un groupe. Ce n’est pas très honnête. Bon, là on n’analyse que les aspects mauvais, mais il y a aussi beaucoup de musiciens sincères et talentueux.

Sur ce dernier album, quels étaient les sujets principaux que vous vouliez aborder ?

Max : Ça a toujours été les mêmes sujets. On essaie de les exprimer de différentes manières.

James : On aime bien regarder vers le passé, en ramenant des références aussi bien de notre propre passé que de celui de nos ancêtres.

Max : C’est de la musique rétrospective.

Danny : Étant donné que vous avez écrit les chansons séparément cette fois-ci, elles semblent plus personnelles. L’album précédent comportait des morceaux que vous aviez écrits des années auparavant. On peut vraiment voir la différence aussi entre les chansons écrites par Max et celles écrites par James, ne serait-ce que par rapport aux sujets qu’elles abordent.

Chacun d’entre vous a-t-il un rôle à jouer dans l’écriture des morceaux ?

Max : C’est surtout piloté par James, mais on apporte chacun un élément au morceau étant donné que j’habite avec Danny et qu’on se voit très souvent avec les autres membres du groupe. Créer des chansons est une chose naturelle, mais la chose la plus difficile, c’est de choisir les morceaux qu’on sort, ça on le fait ensemble.

Je suis curieuse de savoir ce que vous vouliez faire passer dans le morceau « Cremated (Blown Away) ».

Max : Je suis une personne très négative et, parfois, j’aimerais ne plus être en vie. Ce n’est pas une envie suicidaire mais plutôt une flemme de vivre. J’aimerais bien être une plante.

James : Moi aussi j’aimerais que tu sois une plante, parfois. (rires) Je ne t’arroserais même pas, tu serais un petit cactus dans un coin.

Max : Plus sérieusement, je trouvais que c’était une belle chose à dire, que j’aimerais être incinéré et que le vent disperse mes cendres un peu partout. C’est aussi une chanson sur mon ex-petite amie, qui était déçue que je n’aie jamais écrit de morceau sur elle. Donc c’est une chanson d’amour dans laquelle je souhaite qu’on soit tous les deux morts dans le même pot.

Le dernier morceau de l’album s’appelle « The Devils ». C’est pour signifier que vous allez en enfer, après la fameuse incinération ?

James : Max ira en enfer, ça, c’est sûr ! (rires)

Danny : C’était peut-être, inconsciemment, une manière de dire ça.

James : Je n’avais pas pensé à cette interprétation, mais ça a du sens ! Je pense que l’on utilisera cette explication dorénavant.

Max : « The Devils », c’est une chanson qui parle de rencontrer quelqu’un dont tu sais dès le début qu’il te sera néfaste, mais tu décides d’y aller quand même. C’est un collage de deux chansons différentes.

Max et James, vous jouez tous les deux dans d’autres groupes. Comment se fait le partage des énergies que vous décidez de mettre dans chaque projet ?

James : Je crois que ça vient naturellement. En ce moment, on travaille sur The Proper Ornaments, mais il y aura un moment où on devra se focaliser sur nos autres projets. On n’a pas à se demander quelle chanson ira pour tel ou tel groupe. Tous les projets ont une énergie très différente, que ce soit sur le plan de la musique ou des membres du groupe. C’est une bonne chose de se dédoubler pour ne pas s’ennuyer ou s’agacer mutuellement.

Max : Oui, c’est sain d’avoir de l’espace.

Danny : Si on partait en tournée pendant un an tous ensemble, ce serait vraiment mauvais. (rires)

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James : Ces jours-ci, tout le monde est sur de multiples projets en même temps, ça devient assez commun.

Vous jouez à la Mécanique Ondulatoire le 10 février prochain, quels sont vos bars favoris à Paris pour voir un concert ou boire un verre ?

Danny : Le Pop-Up du Label est un bar cool. J’aime aussi Le Rochelle.

Max : Il y a un bar à absinthe que j’aime beaucoup à Pigalle, où il y a une barre de pole dance.

James : Ça paraît craignos. (rires)

Danny : On parlait de ça hier justement, à chaque fois que l’on voyage quelque part, on laisse nos amis nous emmener là où ils veulent et on est incapables de se souvenir des endroits lorsque l’on revient seuls.

James : J’ai trouvé que le Silencio était une chouette expérience.

Très bel endroit, mais… bières à dix euros.

James : J’y étais pour faire un concert, donc j’avais des cocktails gratos. On joue toujours dans des salles qui se ressemblent, et au Silencio c’est totalement différent, avec des femmes riches en manteaux de fourrure qui boivent du champagne.

Max : Pour comparer, une fois, à Leeds, il y avait un mec devant la scène, une bière à la main, qui s’était endormi devant le concert. (rires)

James : Pour être honnête, les gros concerts ne sont jamais aussi fun à jouer.

Danny : C’est surtout après le concert qu’il n’y a pas d’ambiance. Lorsque l’on était en première partie de grosses tournées, les aftershows étaient tellement ennuyeux.

James : On dirait que plus tu deviens connu, plus c’est ennuyeux. J’ai un ami qui a joué avec Christine and the Queens, et il m’a dit que c’était une grosse blague : tous les musiciens avaient leur loge privée, du coup tu ne pouvais même pas traîner avec tes collègues. Tu es dans une belle pièce avec de la bouffe mais… seul.

Danny : Lorsque l’on jouait avec Metronomy, on ne faisait jamais rien après les concerts. Ils retournaient dans leur bus pendant que leur équipe rangeait le matos. Bizarrement, pour les gros concerts, ils te traitent moins bien, surtout si tu joues en première partie. Ils te donnent quelques bières et un paquet de chips, et quand c’est l’heure d’y aller ils te crient : « Barrez-vous ! ». Ce qui est génial dans le fait de jouer en Europe, c’est que les gens sont très gentils. Je pense que, globalement, les Européens sont plus accueillants, ils veulent que les groupes passent un bon moment. À Londres, ils s’en fichent complètement. Même des groupes américains se plaignent des concerts à Londres.

James : Parfois, ils te font comprendre ouvertement que tu les déranges. Quand ils te donnent l’argent, ils soupirent en haussant les épaules. (rires) Je me demande parfois pourquoi ils s’embêtent à programmer des groupes.

Max : Une fois, à Londres, j’ai demandé de la reverb dans ma voix et le mec a dit non. Il m’a fait : « On arrête là ». (rires) Aussi, quand j’ai joué avec TOY à Brixton, sur le deuxième morceau il y a eu une panne d’électricité et les moniteurs ne fonctionnaient plus. J’ai regardé l’ingé son, et il était en train de se marrer avec son pote. (rires) Il y avait plus de 2 000 personnes dans la salle ce soir-là.

James : J’ai l’impression que dans les autres pays d’Europe, si quelque chose comme ça se produisait, ils se plieraient en quatre pour arranger la situation !

Max : Il y a tout de même quelques ingés son à qui on fait confiance. On leur demande de venir si on a un concert important. Ça peut être très angoissant de se pointer dans une salle sans savoir ce qui va se produire.

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The Proper Ornaments se produiront le 10 février à Paris, à la Mécanique Ondulatoire !

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