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Régina Demina : apothéose de l’hystérie poétique

Régina Demina : apothéose de l’hystérie poétique

Manifesto 21 - Regina Demina

Si le terme « hystérie » en crispe plus d’un·e, Régina Demina, elle, lui offre ses lettres d’or. C’est ainsi qu’elle intitule son premier album. Dédié aux désirs féminins et aux souffrances amoureuses, l’univers intime et rebelle de cette artiste hybride mêle avec brio mélodies sulfureuses et inspirations clubbing 90’s. Dix titres puissants, hystérie garantie.

Sensuel, érotisant, aux allures de haïku, Hystérie, le premier album de Régina Demina, poursuit la trajectoire indé dans laquelle s’inscrit l’artiste pluridisciplinaire. Envoûté·e, difficile de résister aux notes chaudes offertes au prisme des différents morceaux oscillant entre les univers ésotériques de « Chimère » ou « Ondine mélancolie » et des ballades polissonnes. Des inspirations hétéroclites qui offrent dès lors un tableau magnétique – signé chez Kwaidan Records, le label fondé par Marc Collin en 1998 connu pour « aimer les vieux synthés des années 80 remis au goût du jour » et avoir découvert notamment Phoebe Killdeer, Jay-Jay Johanson et Nouvelle Vague. Polyvalente, Régina s’inscrit dans cette quête d’authenticité et d’exploration sonore.

Régina Demina porte en son être une douceur provocante, entre écolière lascive et attitude kawaï. Douceur ? Chacun des morceaux met une agréable lenteur au centre de sa composition, comme une poésie récitée, un phrasé à la Jane Birkin, marié à la moue boudeuse d’une Vanessa Paradis. Provocante ? Elle s’amuse des codes avec cette voix suave. Dans « Couzin », Regina regrette la promesse qu’ils se sont faite d’arrêter leurs « bêtises d’enfants » car il reste « le seul avec lequel [elle aurait] aimé butiner ». Jouer sur l’ambiguïté sans jamais sombrer dans l’explicite. L’artiste caresse, suggère avec une étonnante dextérité. Lascive ? Lorsqu’elle invite « Nabila » à l’appeler, « elle la veut à l’alcool, à l’eau mais elle la veut, qu’elle la compte sur ses mains, et avale ses cheveux ». La messe est dite. Et enfin kawaï ? Aller vivre au Japon et s’y épanouir est un des rêves de l’artiste qui voue un culte à l’esthétique nippone. Régina Demina est la sensualité – au sens archaïque du terme laroussien : « aptitude à goûter les plaisirs des sens, à être réceptif aux sensations physiques » – une sensualité assumée dont elle décline fièrement les codes pour mieux rendre obsolètes les diktats classiques de la beauté. Mettre à mal l’étau rigide et les carcans dont les artistes subissent le joug.

Sous cette apparente légèreté, Hystérie est aussi un album cathartique ou l’artiste panse les blessures d’une rupture amoureuse violente. « L’Amour monstre » en featuring avec Lësterr, figure de l’emo-electro, fait écho de ces passions qui s’éteignent et dégénèrent en « commotion cérébrale » : « c’est l’amour brutal, qui t’emmène à l’hôpital, l’amour pathologique ». On comprend vite que le disque est autobiographique et que l’artiste y livre des secrets douloureux, questionnant l’origine de la violence et des relations toxiques – avec notamment « Pyromane ». Un vernis pailleté sur des blessures suintantes, un univers corrosif.

Nappée sous des paroles travaillées, la musique de Régina Demina se pare également de tonalités entraînantes que l’on imagine parfaitement en club. Entre synthés, inspirations acoustiques, résonances new wave sur fond d’electro-pop et voix multiples, Régina Demina provoque un émoi qui pousse au mouvement, une envie viscérale de danser. Ce n’est pas un hasard : l’artiste est également danseuse, un talent qu’elle met à profit lors de nombreuses performances de pole dance (« les danses de la nuit sont celles qui m’influencent »). Véritable muse pour d’autres artistes tels que Contrefaçon (qui fait d’elle l’actrice phare de ses métrages), Régina Demina nous surprend encore dans ses morceaux puissants piqués à l’acide. Une œuvre aussi glossy que sombre, dont les clips léchés entre kitsch et romantisme morbide sont à découvrir absolument.

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