Queer Racisé·e·s Autonomes (QRA)
Prise de parole à la marche lesbienne du 23 avril 2023
Nous sommes Queer Racisé·e·s Autonomes, un collectif de personnes queers et trans racisées. En tant qu’antiracistes, nous avons énormément à dénoncer : la violence du travail visibilisée par le mouvement social actuel, la xénophobie coloniale qui s’en prend aux migrant·es comorien·nes à Mayotte, le projet de loi raciste et xénophobe Asile Immigration qui pourrait impacter une large partie de nos communautés et plus largement, le racisme d’État qui menace nos vies et nos initiatives militantes.
Cependant, aujourd’hui, nous avons décidé d’alerter sur un sujet encore trop tabou : les violences conjugales et/ou sexuelles que vivent les lesbiennes. Il est temps que nous nous mobilisions et pensions des solutions communautaires pour que nous, les victimes lesbiennes, ayons des recours et des opportunités de soutien et de guérison. Il est temps de politiser ce sujet.
La lesbophobie d’État, elle s’exprime à travers la définition légale du viol qui ne prend pas en compte les attouchements et les frottements, ce qui exclut de fait une bonne partie des lesbiennes victimes. Nous jugeons qu’il appartient à la victime de décider si elle veut porter plainte. Aujourd’hui, ce choix, nous ne l’avons pas. Le préjugé sociétal qui prétend que les lesbiennes ne pratiquent pas le « vrai sexe » amène à penser qu’une violence sexuelle d’une femme sur une autre n’en est pas réellement une. La lutte contre le viol est majoritairement hétéro-cis-centrée. Ne pas se saisir de ce sujet, c’est se résigner à l’exclusion et l’isolement.
La lesbophobie, elle se recoupe également dans les clichés qui normalisent les violences psychologiques et physiques dans les relations lesbiennes. Nous en rions même entre nous, nous parlons de « dramagouines ». Mais ce regard qu’a la société sur nous et que nous avons parfois sur nous-mêmes prend racine dans la même misogynie qui a prétendu que les femmes étaient hystériques et qui a fait de nos souffrances et nos violences des traits féminins dérisoires. Nous ne pouvons pas nous complaire là-dedans.
Les conséquences sont réelles : plaintes refusées, procès classés sans suite, personnel médical et psychologues ne traitant pas nos traumatismes, acteurs sociaux et structures de santé sexuelle et affectives non-formés, proches qui minimisent voire nient les violences. En 2023, nous souffrons encore trop. Comment penser un monde dans lequel nous serions libres sans poser les questions des violences intra-communautaires ? Allons-nous laisser les masculinistes être les plus visibles lorsqu’il s’agit de parler de violences entre lesbiennes ? Dans nos milieux politisés, nous avons tendance à l’oublier alors rappelons-le : une violence n’a pas besoin de cocher les cases des violences lesbophobes et patriarcales pour être une violence. La violence, c’est aussi cette lesbophobie structurelle qui omet nos réalités. Et malheureusement, les violences conjugales et sexuelles en font partie.
Alors bien sûr, les viols lesbophobes perpétrés par des hommes existent, il s’agit de viols correctifs et/ou haineux qu’il faut dénoncer. Mais nous refusons de n’avoir du soutien que lorsque nos traumatismes arrangent le récit féministe hétérosexuel qui brandit l’ennemi commun comme seule raison valable pour une solidarité.
Nous voulons une prise en charge de toutes les victimes, nous voulons de la prévention et de la sensibilisation. Et aussi, nous voulons une compréhension intersectionnelle des vecteurs de violence. Puisque oui, les violences sexuelles et conjugales peuvent être racistes. Les stéréotypes coloniaux et la fétichisation raciale qui nous collent à la peau font de nous, lesbiennes racisées, des personnes particulièrement exposées aux violences et très souvent ignorées et oubliées.
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