On vous le disait déjà dans un article précédent : le retour des années 2000 dans nos garde-robes n’est autre qu’un remède à l’apocalypse qui nous guette. Déstructuration tant dans les formes que dans le genre, joie sans honte et recyclage, cette mode ne demandait qu’à exprimer son plein potentiel bardé de colliers tatouages fluos et de casquettes Lorie-style. Mais ce retour en force a fait des oubliés, les oubliés d’une mondialisation du streewear jadis déchu : on a donc lancé une campagne pour réclamer le retour de quatre marques des années 2000 qui méritent de détrôner FILA.
FILA est tout bonnement partout, Airness is the new cool et les abonnés aux sombres raves de parkings font des razzias chez Buffalo. Les couleurs explosent, les matières sont comfy, on se balade les mains dans les poches, enfin fiers de cet héritage longtemps honteux de la mode, le menton haut (merci les Buffalo). Et ce retour de cool, les marques sus-citées l’ont magnifiquement compris, surfant sur la vague avec habileté.
Cependant, pour citer Booba, « Les vainqueurs l’écrivent, les vaincus racontent l’Histoire ». Autrement dit, dans ce beau renouveau des années 2000, il y en a quelques uns qui ont été légèrement mis de côté, si ce n’est volontairement écartés par la dure sélection naturelle pour laisser la place aux marques plus rapides et plus opportunistes. Mais détrompez-vous, il y a du beau chez les losers, et nombreuses sont les reliques de nos jeunesses qui méritent d’être remises au goût du jour. Parlons plutôt de celles qui auraient dû attendre sagement que la routourne tourne plutôt que d’haleter péniblement derrière les tendances. Petit tour d’horizon des quatre marques qui devraient aussi conduire ce train du bonheur à notre sens.
Le streetwear côté glisse doit remonter la pente : DDP et Poivre Blanc
Commençons par DDP, car cette marque est notre espoir le plus réaliste. DDP a le parcours typique du has been : au départ streetwear, détendue et comfy, suprême du cool chez la jeunesse, idéale pour chiller – bien que ce mot n’existe pas à l’époque – en toute circonstance avec cet emblème jaune pop nommé Eggman, elle prend un virage en tentant de se lisser pour toucher les femmes. Un woman washing pour le coup beaucoup trop avant-gardiste, faisant tomber le vêtement dans l’oubli le plus complet. Où est passé notre bien-aimé Eggman, créature chauve et avenante symbole d’une insouciance joyeuse ? Disparue. Cependant, sa collection de début d’année 2018 inspirée des 90s nous souffle que DDP a finalement peut-être compris que tout vient à point à qui sait attendre. C’est avec un peu de bonheur, les yeux papillonnants et le cœur battant, que nous espérons que DDP saura opérer le retournement médiatique dont les autres marques de streetwear ont eu le secret.
Autre loser streetwear : Poivre Blanc. C’est le petit frère un peu à la ramasse de DDP. Jadis très apprécié des amateurs de glisse, sur neige ou bien sur bitume, cette magnifique maison était le comble du look décontracté. Ambiance baggy, bandana et poésie, chacun se targuait à qui d’un t-shirt trop grand, à qui d’une trousse, à qui d’un bonnet sur cheveux gras – ça aussi ça revient d’ailleurs, méfiance. Et là, c’est la descente aux enfers suite à cette apogée : même parcours de tristesse, Poivre Blanc tente d’être « chic » (autrement dit fade), et s’ouvre aux hommes, aux vrais qui portent des chemises et des pantalons chino. Autant vous dire que pour la décontraction et le cool c’est râpé. Alors qu’aujourd’hui, un petit coup de polish sur l’image, et le streetwear Poivre Blanc revient en force chez les précurseurs de la nostalgie du futur. Follow your dreams, Poivre Blanc.
Rebrander les logos animaliers en enjeu antispéciste : Lulu Castagnette et Chipie
Là c’est une autre tendance qu’il convient d’exhumer : le régressif et les animaux. À l’époque très genrée, la marque au petit nounours très enfantin Lulu Castagnette, fadement girly, était dans toutes les bonnes cours de récré. Pulls en laine et pantalons en velours côtelé étaient une richesse sans pareille, une nourriture pour les yeux. Mais aussi une projection de parents ne souhaitant probablement pas voir leurs enfants grandir, prolongeant encore un temps le moment béni de l’innocence. Et si Lulu Castagnette revenait en inversant les genres ? En marque unisexe, symbole d’un paradis perdu de la jeunesse pré-Internet ? Et si le fade rose pastel n’était pas le symbole d’un monde neutre ? Cette fois-là, une marque étendard d’une binarité dépassée doit se réinventer. En tout cas elle a bien intérêt, parce que sans queer washing ça ne passera pas.
Des pulls roses, des nœuds roses, des cartables roses, tout est rose chez Chipie, la sœur maléfique de Lulu. Toutes les chanteuses de variété française en témoignent, les années 2000 pour les marques de type logo animal et univers enfantin n’étaient qu’un gigantesque nuage de barbapapa. Ajoutons à ça un petit chien noir placardé partout et on est typiquement dans la problématique précédente de Lulu Castagnette. Chipie, comme toutes ces marques déchues, aura bien tenté de s’affirmer et de poursuivre les vagues de mode de loin, courant tel un lévrier fatigué, mais malheureusement s’est retrouvée bloquée dans la faille spatio-temporelle qui les a toutes uniformisées comme un catalogue de La Redoute. Mêmes coupes, mêmes couleurs, mêmes matières et des sourires presque effrayants de fausseté sur du papier glacé. S’il te plait Chipie, reprends-toi. Rebrand toi sur le sort des animaux, sur le réchauffement climatique, un truc actuel quoi, mais sors de La Redoute par pitié.
Rien n’est perdu pour les losers des années 2000s, mais engagez-vous un bon conseiller comm’, conseil d’ami. Il y a matière, il y a beauté, mais nom d’une pipe dépoussiérez tout ça.