La Présidentielle de 2017 s’annonce comme un moment inédit dans l’histoire de la Ve République, dans notre histoire politique de manière plus large. Parmi les nombreuses lignes de clivages qui divisent les Français, la question de l’homosexualité ressemble à une sorte de ligne de démarcation entre les électeurs plus ou moins progressistes. La France n’est toujours pas détendue sur la question arc-en-ciel, ou du moins une certaine France. Le traitement médiatique de la rumeur sur l’homosexualité présumée d’Emmanuel Macron et les déclarations qui ont suivi sont autant d’indices d’une homophobie latente.
Macron gay ? Un « odieux » scandale
Le moins que l’on puisse dire concernant Emmanuel Macron, c’est qu’il déchaîne les passions, au point d’être souvent considéré comme bénéficiant d’une couverture médiatique de faveur. Pour le meilleur et pour le pire. La rumeur courait depuis quelques temps dans Paris, au point même d’arriver à des petites oreilles comme les nôtres. Dans les faits, Emmanuel Macron a officiellement démenti l’idée qu’il menait une double vie le 6 février.
Quentin Girard, de Libération, analyse très bien cet épisode sous l’angle de la rumeur, et la récurrence de cette arme dans la politique française. La peoplisation de la vie politique atteint ici un sommet encore jamais vu : les politiques s’affichent maintenant en couverture comme Kim Kardashian ou la famille de Monaco. Cet exercice est à leurs risques et périls, François Hollande en a fait l’amère expérience. Et force est de constater que les magazines dédiés à l’actualité people, destinés d’ailleurs à un public implicitement féminin, jouent un certain rôle dans la campagne d’Emmanuel Macron.
Le 15 février, cette une de France Dimanche déclenche la polémique, et pour cause : le titre est assez ambigu pour être racoleur. Le problème est quand même bien qu’en 2017, être gay est potentiellement « odieux » et que cela constitue encore un handicap pour accéder à la plus haute fonction de l’État. Et qu’entre être gay et ne pas avoir de programme, le plus menaçant pour l’avenir de notre douce France reste le soupçon d’homosexualité.
Couverture(s) : la fabrique d’une image parfaite
Avant le démenti d’Emmanuel Macron, des photos de Mathieu Gallet (son amant présumé, directeur de Radio France) circulaient sur Twitter avec le délicat « #MadameMacron » accolé. Le couple hétérosexuel est un impératif de la panoplie du bon candidat à la Présidence française. La couverture de Closer a le mérite de répondre explicitement à cette question que toute la France se posait, et de fournir une preuve à l’appui avec une Brigitte pendue au bras d’un Manu béat.
Chics et décontracts. Le couple a un potentiel photogénique assez développé, et Paris Match l’a bien compris. À tel point que Closer, encore une fois, se piquant de jouer le rôle d’Acrimed, épingle le nombre de couvertures réalisées par le couple dans le magazine.
Mais quelle est donc la stratégie adoptée par le camp d’En Marche ! pour faire définitivement taire la rumeur ? La première prise de parole d’Emmanuel Macron concernant les rumeurs a été considérée comme plutôt habile, ses propos concernant le Mariage pour tous et cette France humiliée ont relancé une grotesque polémique. La maladresse de ses propos est tellement énorme, qu’elle passe au mieux pour un racolage explicite envers l’électorat conservateur, au pire pour une tentative d’en remettre une couche pour renforcer sa crédibilité. Enfin, il est curieux de constater que ce début mars, c’est Brigitte elle-même qui fait la couverture de Gala et de L’Express. Pour cause, un livre sur la romance du couple Macron sort ce jeudi. La saga continue…
Chez LR, relents d’homophobie à peine voilée
Au plus fort de la rumeur, le 6 février, le député LR Nicolas Dhuicq établissait publiquement qu’Emmanuel Macron était soutenu par « un très riche lobby gay ». Certes, Pierre Bergé a déclaré apporter son soutien au mouvement d’En Marche !. En utilisant cette expression lourde de sens et de fantasmes, le député joue clairement sur les ficelles du registre complotiste et renforce une atmosphère délétère.
Quentin Girard, de Libération, souligne très justement la chose suivante : « Au final, une seule chose est certaine : les rumeurs sur la vie sexuelle ne s’intéressent qu’aux politiques ayant du succès. Ceux qui, électoralement, font peur ». Plus qu’une simple polémique donc, toute cette affaire est assez révélatrice d’une homophobie latente dans la sphère politique, et par conséquent du traditionalisme de l’électorat. Les chances d’élection de François Fillon sont maintenant bien compromises, mais malgré les évidences du Penelope Gate, une bonne partie de ses soutiens dans la société civile maintient le cap. Et parmi elle, Sens Commun, qui a participé à son rassemblement populiste au Trocadéro ce dimanche. Revenir sur le Mariage pour tous reste une demande récurrente de l’électorat de droite et d’extrême droite.
Je ne sais pas ce qui m’attriste le plus, entre le fait que l’on doute de la probité d’un homme qui cacherait une homosexualité « infamante » et le fait que l’on ne s’inquiète pas de celle d’élus conservateurs qui détournent des fonds publics. Transparence sentimentale ou fiscale, une bonne partie de la France a fait son choix.