Quand j’ai abordé l’envie de traiter de l’épilation féminine, beaucoup ont ri autour de moi : « Mais qu’est-ce que tu veux raconter en fait ? » Face à un tel sujet, on est un peu gêné, on rougit légèrement voire complètement. J’ai d’abord interrogé mes connaissances, en commençant par des hommes, pensant qu’ils pouvaient peut-être être responsables de ce génocide pileux : alors c’est quoi ton épilation préférée ?
Une fois passé un long silence gêné, j’obtiens une réponse qui est presque toujours la même : « Elle [ma partenaire] peut bien faire ce qu’elle veut, mais quand même, c’est mieux qu’il n’y en ait pas trop… ». Le sexe trop poilu d’une femme est considéré comme moins érotique, voire moins hygiénique. C’est à ce moment-là que je vois défiler dans ma tête les images des femmes des années 70 ou 80 abordant des poils sous les bras en signe de libération féministe. Que s’est-il passé entre temps ?
Stéphane Rose, dans Défense du poil. Contre la dictature de l’épilation intime, paru en octobre 2010, explique que « les femmes avaient de belles chattes bien touffues dans les films pornos des années 70, puis se sont épilées le maillot dans les années 80, ont adopté le ticket de métro dans les années 90 et l’intégrale dans les années 2000. Les hommes, qui veulent dans leur lit ce qu’ils voient dans les pornos, ont naturellement fait pression sur leurs copines pour qu’elles s’épilent… ».
Sauf que l’épilation ne date pas forcément des pornos ; je peux ravaler une partie de mes clichés puisque l’épilation féminine est quasiment aussi vieille que le monde. Dans la Rome antique, parmi la plus haute société, la pilosité féminine était déjà considérée comme non-hygiénique et disgracieuse. Cela fait donc des centaines d’années que le poil est dit laid. Du côté de l’Orient, l’épouse doit se présenter à son mari complètement épilée pour leur première union, c’est souvent à la sortie des hammams qu’un mélange d’eau, de sucre et de citron éradique les envahisseurs. Même les pharaons voyaient le poil comme l’apanage de la populace.
Ce dont le porno est responsable, c’est la démocratisation de l’épilation et en particulier chez les jeunes femmes. Aujourd’hui, la moitié des filles de moins de 25 ans sont épilées intégralement contre à peine 6 % des plus de 35 ans. S’épiler n’est plus réservé à une élite. Dans une enquête Ifop de 2014 commandée par TuKif (le plus gros site pornographique français), on apprend que l’épilation intégrale est devenue la norme dans les films X dès les années 90. Le développement de cet outil magique qu’est Internet fait des moins de 25 ans de grands consommateurs de films pornographiques, ce qui expliquerait que 50% des femmes de moins de 25 ans s’épilent intégralement contre 14% des femmes en général.
Dans un souci d’éthique journalistique, j’ai donc regardé des films pornographiques et fait un tour sur les sites les plus connus. En dehors d’un site appelé « chattepoiluegratuit.fr » (ceci n’est pas une blague), l’absence de pilosité est flagrante. Les poils réapparaissent dans les pornos féminins, écrits par les femmes et pour les femmes, mais aussi dans les films X lesbiens. Si l’éducation sexuelle de ma génération se fait avec les films YouPorn, alors la démocratisation de l’intégrale est facilement compréhensible.
Mais un défaut d’épilation est-il dévalorisant pour une femme ? En tout cas, c’est un sujet de honte et d’inquiétude qui se retrouve sur la plupart des forums de discussions d’adolescentes que j’ai visités. La visite chez l’esthéticienne, la perspective de se retrouver à moitié nue, en grenouille ou à quatre pattes face à une inconnue ne rassure pas… Certaines filles m’ont confié qu’un partenaire avait pu leur refuser un plaisir oral en raison d’une trop forte pilosité, d’autres m’ont dit que leur partenaire pouvait leur demander une épilation du SIF (sillon interfessier) pour la pratique de la levrette.
Il faut tout de même reconnaître que la plupart des femmes que j’ai interrogées m’ont expliqué qu’elles s’épilent avant tout pour elles-mêmes, par souci d’esthétique et de plaisir, par gêne aussi parfois, mais rarement à cause d’une remarque masculine. Mais cette épilation, même si elle n’est pas toujours forcée, reste le témoin de la progression d’un marché pornographique et de nouvelles pratiques. Les produits d’épilation féminine se multiplient et se diversifient, signe que ce marché économique se porte bien.
Phénomène inverse : en Corée du Sud, certaines femmes qui sont anormalement peu poilues du pubis ont recours à des opérations de greffe de poils très couteuses. Dans la culture coréenne, les poils pubiens sont un signe de bonne santé, de fertilité. Les femmes sans poils allant jusqu’à se sentir inférieures aux autres femmes.
L’épilation intime des femmes est donc souvent tributaire de volontés extérieures. Faut-il apprendre à aimer ses poils ? Mesdames, épilation ou non, essayons de faire nos propres choix !
absolument d’accord avec cet article. Les hommes mettent la pression sur les femmes qui ne sont pas épilées intégralement même si c’est « nickel », bien dessiné et peu poilu ; J’ai 50 ans et ces « vieux » messieurs insistent, inconscients d’être les pigeons d’une mode issue du porno, qui passera, comme les autres. Et bien, qu’ils insistent : ils se la mettront derrière l’oreille ! Pour moi, un pubis sans poil, c’est une iconographie liée à l’enfance. Bouark ! dirait gaston Lagaffe…