Bien s’informer, c’est important mais ça demande du temps. Alors chaque lundi, la rédaction de Manifesto XXI vous présente sa revue de presse pour bien commencer la semaine. Dedans, retrouvez des infos essentielles, des enquêtes marquantes, des débats, des images fortes, des actus queers et féministes.
Ça ne vous aura pas échappé, nous sommes en juin, c’est le mois des Fiertés et il fait enfin beau. Comme d’habitude dans cette édition, vous trouverez des news des luttes et du love… mais aussi des créations révolutionnaires ! Dans la rubrique Cultures queers et transféministes on vous invite à agir concrètement en vous présentant 3 projets qui rendront ce monde un peu meilleur grâce à votre aide. On vous annonce aussi qu’à partir de ce mois-ci, la revue de presse passe en rythme d’été avec une publication quinzomadaire.
La semaine en bref
Pride à Paris – Pour la première fois dans son histoire, la Marche des fiertés partira de Pantin (93) samedi 29 juin ! A noter que cette année, en raison des conditions sanitaires, il n’y aura pas de gros chars dans le cortège. Une contre Marche des Fiertés antiraciste et anticapitaliste est aussi organisée le week-end précédent.
Les galères des business dykes – Chez Numerama, la journaliste Aurore Gayte a enquêté sur les difficultés rencontrées par les entrepreneuses lesbiennes. A la croisée du sexisme et de l’homophobie, les obstacles sont malheureusement encore nombreux pour celles qui souhaitent fonder une boîte… même si c’est une appli de rencontre pour lesbiennes.
Viol lesbophobe – C’est une première dans le droit français : le 28 mai, un homme a été condamné à 14 ans de réclusion criminelle pour le viol de « Jeanne » en 2017. Lors de leur rencontre, la jeune femme – qui avait annoncé son orientation sexuelle – était rentrée chez elle avec lui, envisageant d’avoir un rapport sexuel. Après plusieurs tentatives douloureuses, elle demande à ce que les choses s’arrêtent. Le jeune homme a alors prononcé ces mots que rapporte Le Monde, « Ah, tu kiffes les meufs, je vais te faire kiffer », avant de violer, battre et insulter la victime pendant 1h30. L’affaire décrite rappelle à s’y méprendre le bouleversant roman De mon plein gré de Mathilde Forget, paru en début d’année. La conclusion de cette affaire sordide est historique car elle reconnait le caractère spécifique de la violence subie par une femme homosexuelle.
Nouvelles accusations contre PPDA – Trois nouvelles plaintes ont été déposées dont une pour viol contre l’ancien présentateur de TF1. Au total, six femmes ont porté plainte et une vingtaine affirment avoir été victimes d’agression ou de harcèlement sexuel. Le parquet doit s’exprimer d’ici la fin du mois sur les potentielles poursuites et la question de la prescription. Silence radio du côté du journaliste et de la chaîne télé.
Sexisme et grandes écoles – Les violences sexistes et homophobes au sein des écoles de commerce sont dénoncées par le journaliste Iban Raïs dans son livre « La fabrique des élites déraille », à la suite d’ un article publié dans Médiapart. Une enquête approfondie qui met en exergue la culture du viol et de la honte au sein de ce biotope. On y recense les propos putophobes, les classements sur les performances sexuelles des étudiantes dans des revues connues et tolérées par la direction, les séances d’humiliations. Des écoles de commerces qui laissent les victimes livrées à leur propre sort. En effet, ces violences s’inscrivent dans une dynamique de reproduction des élites dépourvues de morale, d’empathie et de bienveillance qui se déroule en toute impunité, comme l’explique l’auteur dans A l’air libre.
La course aux vaccins – Dans un article du Monde, une virologue explique l’important décalage en matière de recherche vaccinale entre le Covid 19 et le VIH. À lire pour comprendre les différences entre les caractéristiques, la propagation et surtout les solutions pour lutter contre ces deux virus. À l’avenir peut-être même que la technique de l’ARN messager permettra de nouvelles avancées pour éradiquer le sida.
Devoir de mémoire – La semaine dernière, les USA et la France ont chacun déclassifié une « anecdote malheureuse” en “responsabilité” de leur passé racial ou colonial. Sur le territoire américain, Joe Biden a été le premier Président à se rendre à Tulsa (Oklahoma), où dans la nuit du 31 Mai 1921, une foule blanche a lynché tout un quartier noir huppé en tuant 300 personnes. Concernant l’extérieur français, Emmanuel Macron s’est rendu à Kigali au Rwanda pour formuler un discours ambigu sur la responsabilité française dans le soutien au régime lors du génocide. Cet article du Monde Afrique fait le résumé des frilosités et enjeux diplomatiques.
Féministes tchèques – Le droit tchèque ne reconnaît le viol que si la plaignante peut apporter la preuve de violence. Le Guardian relaie le combat articulant prévention et législation de ces femmes qui se sont vues refuser le verdict alors qu’elles pouvaient prouver le viol. Une lecture également indispensable en France, notamment pour votre prochaine discussion autour de l’argument : « elle n’avait qu’à partir ».
Pédocriminalité en Catholicie – Jusqu’ici le droit canon, qui régit les « professionnels » de l’Église, ne condamnait pas les viols sur mineurs : puisqu’il est interdit de commettre un adultère, il est logique que les viols sur mineurs le sont aussi, comme ils sont forcément adultère. Comme c’est faux — puisqu’on peut se marier avant la majorité — et que cela prouve que pour l’Eglise, agresser sexuellement des enfants n’est pas un problème légal en soi (et plus largement, pas un problème tout court), des victimes de prêtres pédophiles ont longtemps plaidé pour une définition claire du viol sur mineur et une séparation nette d’avec la notion d’adultère. Elles ont réussi sur le premier point, pas encore eu satisfaction sur le deuxième.
Victoire chilienne – Après des mois de mobilisation, le Chili a élu sa constituante, chargée de réécrire la Constitution. Pour AOC Alfredo Joignant retrace dans son article « La fin des militants » les enjeux et les enseignements de la mobilisation d’indépendants et surtout d’ »anti-partis » dans ce pays traumatisé par une dictature militaire et ultralibérale. Un véritable laboratoire des luttes et une lecture à ne pas oublier pour l’année d’élection qui nous attend ici, avec toujours les mêmes ficelles fatiguées.
La semaine en images
Solidarité harcelée – Réconforter un migrant en situation de choc sur une plage de Ceuta, a valu à cette jeune bénévole à la Croix rouge une vague de harcèlement des partisans du parti d’extrême droite espagnol Vox et des personnes s’opposant à la solidarité envers les migrant·e·s. Un hashtag #GraciasLuna a été lancé pour la soutenir et pour dénoncer ces comportements sexistes et racistes.
Chevelures sages – Le New Yorker publie une très belle série photo de Elinor Carucci sur les cheveux blancs. Ces images rendent hommage à la majesté et la diversité des chevelures argentées.
Matière à penser
Désaliénation décoloniale – Le politiste Antoine Hardy revient dans AOC sur l’innommable scandale de la pollution et de l’empoisonnement au chlordécone autorisé par l’Etat Français en Guadeloupe et Martinique. Il y fait intervenir Franz Fanon pour proposer une lecture de combat, écologiste décoloniale, de ce dernier. Tout en mettant en avant les étapes thérapeutiques d’un retour à la terre, du deuil et de la mémoire des combats des vaincus.
Travailler moins pour polluer moins – Remplacer le temps de travail par du temps libre serait un acte écologique. C’est la thèse développée dans le Monde diplomatique du mois de juin. La proposition fut abordée pendant la convention citoyenne pour le climat et… vite écartée. En effet, l’idée de travailler moins fait appel à un nouvel imaginaire qui détonne face aux discours de croissance et de productivité prononcés par le ministre de l’économie. Pourtant, selon le professeur en socioéconomie François-Xavier Devetter, « avec des emplois mieux partagés, des durées plus courtes, et éventuellement une intensité du travail qui sera à la fois mieux partagé et moins néfaste d’un point de vue environnemental » on réduirait notre empreinte carbone tout en gagnant en bien-être.
A l’intersection – A l’air libre se demandait cette semaine qu’est-ce que l’universalisme de nos jours ? Les questions sur la race, le genre et la classe ont été soulevées avec Stéphanie Roza, chercheuse au CNRS et Rokhaya Diallo, autrice, productrice du podcast Nique ta race et désormais chercheuse résidente à l’Université de Georgetown. Un débat qui a le mérite de donner les clés de réflexions des universalistes avec Stéphanie Roza, face à Rokhaya Diallo, pédagogue comme à son habitude. Une conversation utile pour comprendre les incompréhensions des universalistes sur les changements de la société actuelle, et notamment à travers les angles morts existants lorsque l’on parle du racisme de façon théorique uniquement.
Cultures queer et transféministes, spéciale crowdfundings à booster
Cette semaine, nous relayons trois campagnes de financement participatif qui méritent formidablement d’aboutir :
- Né du constat de l’inadaptabilité des sociétés française et belge aux personnes grosses, Fatfriendly est un outil collaboratif qui répertorie les espaces safe et facile d’accès. Il comprend un annuaire et une cartographie des différents lieux afin d’offrir du répit aux concerné·es et de sensibiliser aux violences de l’aménagement qui demeure aujourd’hui un privilège.
- Lancé en 2019, Censored est un magazine culturel féministe indépendant inspiré des mouvements punk et Do it yourself. En transmettant les histoires d’artistes, d’activistes et d’auteuri·ces, le media fondé par deux sœurs entend archiver ces récits singuliers et créer de nouveaux imaginaires inclusifs. Avec cette campagne, Clémentine et Apolline Labrosse veulent faire renaître leur mag sous une nouvelle forme, augmentée de 200 pages ! Elles comptent aussi bien assurer une pérennité à leur création en proposant des formules intelligentes, « all inclusive » comprenant des micro-éditions, des invitations à des événements culturels… C’est beau, ambitieux et brûlant de rage : longue vie à Censored !
Précommander et soutenir
- Enfin vous pouvez soutenir XY média, premier média transféministe de France qui a atteint le premier pallier de sa collecte en un temps record ! La production de vidéos sur l’actualité et l’histoire du mouvement trans a pour but de sensibiliser le plus grand nombre au discours transféministe. Le collectif est uniquement composé de personnes trans, militant·es et/ou spécialistes de l’audiovisuel pour enfin donner la parole aux concerné·es.
Alié·es – Le collectif Fracas nous invite à nous interroger en finesse sur les injonctions contradictoires faites aux allié·es. Post à lire et à conserver.
Sélection et rédaction : Albane Barrau, Apolline Bazin, Anouk Durocher, Anne Plaignaud, Luki Fair
Image à la Une : © Binyamin Mellish via Pexels
Tout comprendre au cessez-le-feu en Palestine : Revue de presse #16