Lecture en cours
Nos quatre pépites dénichées à Pop Montréal

Nos quatre pépites dénichées à Pop Montréal

Il y a de nombreuses lunes, Manifesto XXI traversait l’Atlantique pour aller célébrer son dernier festival de l’été au cœur de Montréal. C’est aujourd’hui à la lisière de l’hiver qu’on vous dévoile les précieux trésors sonores capturés à Pop Montréal, quelques allumettes de ce que fait de plus beau l’humanité canadienne pour se réchauffer.

Le petit festival de (vaste) quartier porte le nom du genre musical le plus sous-estimé, tant il garde la marque d’idées reçues l’associant au mieux à de sombres intentions commerciales, au pire à une absence de qualité chronique. Pop Montréal défend pourtant une programmation de pointe, exceptionnellement inclusive, qui se veut le reflet de la diversité de nombreuses communautés underground de la musique aussi bien montréalaise, ou canadienne, qu’internationale.

De la pop comme on l’entend, Pop Montréal s’approprie tout de même les meilleurs attributs : sa chaleur universelle et sa puissance fédératrice. Le festival les réinjecte aussi bien à la valorisation sans pareille de ses artistes émergent·es qu’à son public fasciné et avide de découvertes qui le feront sortir de sa zone de confort familière pour explorer de nouveaux univers entiers. C’est dans cet esprit qu’on a essayé de vous raconter notre festival en resserrant le focus sur LA découverte de chaque journée.

Rencontre bouleversante avec Béatrice Deer

C’est probablement l’artiste qui aura lancé le ton, qui nous aura accompagné tout au long du festival. Après la performance de Laurie Anderson le premier jour, on s’est pressées vers une petite salle d’un café souterrain qui servait de QG chaleureux à l’équipe du festival pendant toute sa durée. Ce premier soir, au fond de la salle intimiste, brillait l’aura boréale d’un personnage alors inconnu de nos références hexagonales. On s’est laissées immédiatement envelopper par la voix de Béatrice Deer, instrument taillée pour la pop folk indie comme on la connaît, et qu’elle épouse parfaitement. Et puis on a vite atteint la deuxième couche au-delà des apparences et de la simple bonne surprise, la vraie surprise d’entendre une chanson traditionnelle inuktitut pour la première fois. Celle d’assister à la parfaite imbrication de l’héritage des influences et de la musicalité de cette langue inconnue avec un genre qu’on pensait pourtant, à tort, avoir été dérivé à toutes les sauces.

Mention spéciale à la légende de l’avant-pop Laurie Anderson ainsi que Colin Stetson et Rebecca Foon qui ont rythmé notre premier concert de la journée. Dans un théâtre du Rialto plongé dans un silence religieux, par l’immense beauté de l’improvisation des cordes répondant aux cuivres, lors d’une expérience unique à la frontière entre introspection et cinématographie.
Par un contraste des plus criants, la soirée se terminait aussi sur des improvisations et dialogues instrumentaux – dont certains faits en matériaux recyclés- d’un tout autre genre, ceux des Kokoko débordant de joie, de danse et d’envie de faire du bruit.

La puissance invaincue de Tika

Pour ce temps fort du deuxième soir qui porte bien son nom, c’est nourries de la force de la prêtresse d’un live, Tika, que nous livrions nos oreilles, nos corps et nos pores à la célébration d’une véritable messe noire soul salvatrice. Tika est chanteuse, autant que productrice, DJ et activiste, survoltée et douce. Chacun de ses traits et tant d’autres sont délivrés impeccablement par son timbre et une ferveur forgée par des expériences entravantes (que l’on devine et qui retentissent chez chacun des humains de son public ).

Au-delà des réverbérations des vibes trap, afro house ou soul, harmonieuses ou galvanisantes, qui émanaient d’elle et sa musique, c’est la beauté de sa personne qui résonne. Entre deux envolées mélo-maniques, Tika veille à mettre son talent au service d’une grande cause, la bienveillance. Elle enveloppe son public d’un groove mi pop R&B mi Gospel inspirant, avant de délivrer son message, avec un charisme messianique, aux femmes et aux noir·es de la salle, « Vous n’êtes pas seul·es et ne laissez jamais rien vous empêcher de vous exprimer artistiquement, exprimez-vous encore et encore ».

C’est irradiées d’une force féroce et d’ondes positives qu’on se secouait plus tard devant la performance survitaminée du duo afrofuturiste formé par les non moins fortes et spirituelles Oshun. Venait ensuite le moment de se laisser dramatiquement hypnotiser par Lafawndah avant le final en apothéose d’une Kedr Livanskyi rayonnante au talent assez aiguisé pour outrepasser les aléas de l’informatique qui l’assaillaient.

Le FOMO dans tout son bonheur

C’est paradoxalement le jour de la marche pour le climat qui nous menait à gravir 4km en compagnie de plus d’un quart de la ville (prenons en de la graine), que nous décidions de garder ce cap de pèlerinage festif. Objectif: exploiter entièrement la dimension urbaine du festival et couvrir le plus d’artistes et de distance possible. A l’image d’un MaMa festival qui aurait été bourré aux hormones, Pop Montréal propose un parcours aux multiples salles et ambiances disséminées dans plusieurs quartiers.

En cette chaude soirée d’été indien et d’effet de serre, notre sélection aussi diversifiée qu’ambitieuse nous conduisait donc après le kiki ball sulfureux du festival à un marathon guidé autant par l’appel de la musique que la fameuse peur de la rater (Fear Of Missing Out). Départ auprès des expérimentations sonores envoûtantes d’une autre parisienne, Felicia Atkinson suivi par la vibe hyper roots-rock américaine de l’allemande Laura Carbone, tout aussi root; nous voguions ensuite sur l’americana indie aquatique de Weyes Blood, iceberg lumineux au milieu de la scène.

La découverte inattendue de la soirée s’est incarnée en la personne de R Flex et de ses musicien·nes tous·tes aussi habité·es que lui.
Au détour d’une salle à peine plus grande qu’un studio parisien, nous tombions par hasard sur cette bête de scène aussi impressionnante que pleine de dérision qui nous aura laissé un souvenir hors pair.

Voir Aussi

Enfin, le périple de la soirée finissait en apogée de retour au Rialto pour les shows Late Night de Yung Baby Tate et Haviah Mighty. Si la première mérite évidemment d’être citée c’est surtout Haviah Mighty qui remportait notre coeur et celui du public ce soir-là, allant jusqu’à prêcher ses très bonnes paroles au milieu de la foule de converti·es, leur assénant son flow pur et confiant.

Le joyeux carnage de Carneosso et Teto Preto

Après le programme dopé de la veille, notre dernier soir de Pop Montréal s’était voulu plus calme, en débutant par Aldous Harding. Il fut vite rattrapé par l’énergie inévitable du festival, incarnée ce soir-là par Teto Preto. Le début de cette soirée avec Aldous était exactement égal à nos attentes, c’est à dire la restitution millimétrée de titres d’une grande beauté. Cependant, malgré le bouleversement évident des fans tout autour, la qualité de la performance musicale nous laissait tout de même ressentir un petit manque de spontanéité. La toute fin de la nuit y aura plus que remédié : l’arrivée théâtrale parmi son public de Carneosso, personnage principal révolutionnaire du groupe, marqua le début d’une explosion incessante d’indécence délicieuse. C’est probablement de ce concert dont nous gardons le souvenir le plus vif, et coloré aussi. Puisant ses forces en réaction de l’atmosphère toxique qu’iels décrivent dans leur Brésil natal, Teto Preto a su se réapproprier toutes les charges négatives d’une triste réalité pour les convertir en pure défibrillation cathartique.

Cette ultime performance nous démontrait ainsi une dernière fois ce qui fut établi dès le premier de ces quatre jours : que la musique de pop telle qu’on la conçoit souvent peut être tellement plus, qu’elle n’attend pas d’autorisation pour être renversante, caliente ou délirante.

Voir les commentaires (0)

Laisser une réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

© 2022 Manifesto XXI. Tous droits réservés.