Au Pete the Monkey, commodément installés sur des bottes de foin, nous avons rencontré le duo Polo & Pan. Notre découverte de leur univers kaléidoscopique s’est faite grâce à la chanson « Dorothy ». Une seule écoute a suffi pour nous rendre accros à cette musique hallucinogène, nous transportant vers des mondes lointains.
Polo & Pan portent des combis semblables à des tenues de travail, l’une blanche et l’autre bleue, et des bijoux étincelants. Ils nous saluent avec deux sourires détendus et enfantins. Ils s’installent sur les bottes de foin.
Pan : Allez, Polo, décale-toi un peu.
Polo : On se rapproche, ce sera plus convivial.
Manifesto XXI – Bonjour Polo & Pan. Ça va ?
Polo & Pan : Ouais !! Super.
Manifesto XXI – On va commencer par une question facile. D’où vient Polo & Pan ?
Pan : C’est le métissage de DJ Polocorp et DJ Peter Pan.
Polo : Polocorp était mon nom de DJ quand j’ai rencontré Alex. On était tous les deux DJ au Baron, on s’est rencontrés il y a à peu près cinq ans. On était dans l’agence qui s’appelle Tête d’Affiche. Notre premier titre ensemble remonte à il y a trois ans et demi. Ensuite voilà, nos noms ont fusionné.
Manifesto XXI – Pourquoi Peter Pan ?
Pan : Parce que ça m’allait bien cette idée de voyager dans l’enfance. Dans l’imaginaire et dans la fuite de cette réalité tristoune. C’était un voyage dans l’innocence.
Polo : Je me suis complètement retrouvé dans ce projet, dans cette idée d’aller explorer dans les Disney, dans la magie, dans la nostalgie de l’enfance.
Manifesto XXI – Vous avez cité les Disney, quelles sont vos autres inspirations ?
Polo : Il y a de la vieille chanson française, de la musique du monde, comme la cumbia brésilienne, mais aussi la musique des années 50 (donc aussi les Disney) avec son enregistrement un peu chaud. C’est comme dans Le Livre de la jungle, ce sont des BO qui nous parlent vraiment.
Pan : Ce sont deux univers qui se confrontent. D’une part, l’ancienne école, basée sur des harmonies fortes et des instruments atypiques. D’autre part, la nouvelle scène, plus électronique. On a essayé de métisser les deux époques. Ça donne un genre assez spécial, fondé sur le respect des sons naturels, et parallèlement l’exploitation de sons nouveaux.
Polo : On essaye d’utiliser des sons modernes, mais d’y introduire la chaleur d’une époque passée pour rompre un peu avec la froideur qu’on peut retrouver dans les musiques actuelles.
Manifesto XXI – Est-ce qu’il y a un rapport au mysticisme dans votre musique ? Si on écoute « Dorothy » par exemple, il y a quelque chose d’assez ésotérique qui se dégage, une sorte de recherche de transe.
Polo : Je dirais plutôt de la rêverie que du mysticisme. On ne fait pas une musique hypnotique, il se passe beaucoup de choses dans nos compositions. C’est très arrangé, il y a des événements. Ce sont des morceaux construits un peu comme des films, avec différents plans.
Pan : Je dirais qu’on a un lien très fort à l’évasion. La transe, c’est basé sur un rythme répétitif qu’il ne faut pas interrompre. Alors que nous, on utilise certains codes de l’évasion et de la transe, mais nous recherchons quelque chose de plus humain, de pas trop robotique.
Polo : Personnellement, j’adore la musique sacrée et j’en introduis dans la production. La musique mystique j’adore ça, alors dans Polo & Pan on en met un peu, en effet.
Manifesto XXI – Comment provoquez-vous la fuite du réel dans votre musique ?
Pan : La fuite du réel se fait tout d’abord par des références. Avant de faire quelque chose de spontané, nous puisons dans les références de l’évasion. Dans « Plage isolée », on aborde cette idée à travers une métaphore du voyage, de l’escapade. Ensuite, on s’appuie justement sur les Disney, sur des univers irréels et fantastiques.
Polo : C’est notre enfance qu’on essaye de célébrer, de retrouver à travers des références musicales telles que les vieilles chansons ou la musique classique.
Manifesto XXI – Comment se passe votre processus de création ?
Polo : C’est interchangeable.
Pan : C’est très équilibré. Chacun apporte son idée, il la propose, l’autre la fait évoluer… Il peut se lever un matin et me dire « Tiens, j’ai écouté cette musique » et moi lui répondre « Ça me fait penser à ça… », c’est un question-réponse constant.
Manifesto XXI – Qu’est-ce que le fait de jouer en festival, en pleine nature, apporte en plus à votre musique ?
Polo : En effet, ça modifie quelque chose dans le rapport avec la musique. On est DJs depuis longtemps, on a l’habitude de jouer dans des endroits différents, mais il est vrai qu’on ne joue pas pareil dans une salle ou à l’extérieur. On n’entend pas le son de la même manière, il faut s’adapter.
Pan : C’est surtout le public qui se transforme. Une même personne est différente si elle écoute de la musique dans une salle ou en plein air. Il y a quelque chose de plus aérien et forestier. Notre rôle est aussi de nous adapter à un public qui se transforme.
Manifesto XXI – Quel est le fil conducteur de vos EP et de votre travail en général ?
Polo : En effet, il y a une envie de fil conducteur. Un « to be continued » à la fin du clip de « Dorothy ».
Pan : On essaye surtout de répondre à des fantasmes. « Dorothy » c’était le fantasme de Paul pour Le Magicien d’Oz. Une référence ultime pour lui. Mais il y avait aussi « Cœur d’artichaut », par exemple. On répond à des pulsions créatrices, on est très impulsifs.
Polo : On cherche en faisant, j’ai l’impression qu’il y a un fil conducteur qui se dégage de notre travail au fur et à mesure.
Pan : On va bientôt sortir un album d’ailleurs et c’est exactement ça. Une sorte de parcours qu’on aurait fait où on aurait eu envie de répondre à plein de fantasmes. On ne voulait pas de fil rouge, on avait plus envie de ressembler à un globe-trotter qui va se balader partout et qui puise là où il peut.
Polo : On s’est inspirés de beaucoup de pays différents et c’est pour ça que les chansons sont très variées. On voulait appeler l’album Atlas, mais il se trouve que beaucoup d’autres groupes ont déjà utilisé ce nom. En tout cas, c’est vraiment l’idée du parcours qui nous tient à cœur, du voyageur qui pose ses valises quelque part et là, il va s’inspirer de ce qu’il trouve.