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Qui est NVST, la sensation rave venue de Suisse ?

Qui est NVST, la sensation rave venue de Suisse ?

À l’affiche du festival Le Bon Air 2021, la DJ et productrice suisse NVST se produira en B2B avec Mika Oki. Membre des collectifs féministes Statement et Female:Pressure, le titre de son dernier EP Stop Violence Motivate Violence nous a donné envie de lui poser quelques questions avant que la fête batte son plein à La Friche Belle de Mai.

NVST se fait un nom dans la scène helvète pour sa capacité à mêler l’intensité noire de la techno et les rythmiques euphoriques de la bass music. Un combo moderne qui saura séduire les plus timides sur la piste et réjouir celles et ceux qui ne veulent plus siroter leur boisson sur de la house planante. NVST a commencé à se faire une place dans la musique en organisant des fêtes illégales à Genève, puis elle a pris le contrôle des platines en 2015, après avoir passé deux ans à Berlin. Basée à Lausanne, l’artiste se déplace pour jouer dans le sud de l’Hexagone ce jeudi 12 août, pour le bonheur des adeptes de musiques électroniques. Curieux·ses d’en savoir plus sur le monde de la nuit en Suisse, nous avons sauté sur l’occasion pour en discuter avec elle et découvrir ses secrets. En guise de conclusion, elle nous livre une petite sélection avant-goût de son univers.

La Suisse pour moi c’est ça, cette ambivalence entre institutions autogérées, machine à fric et teuffeur·ses qui font des gros doigts d’honneur au système.

NVST

Manifesto XXI – Basée à Lausanne, tu es l’ambassadrice parfaite pour nous raconter : comment ça se passe, la scène musique électronique suisse ?

NVST : Ça fait la teuf propre en ordre chez les Helvètes (rires). Non, plus sérieusement, la Suisse est un pays assez surprenant quand on parle de culture. Pour commencer, on hérite d’une histoire squat hallucinante dans les années 80-90, en tout cas pour la scène électronique dans laquelle j’évolue, c’est-à-dire assez éloignée des schémas capitalistes. Genève et Zurich étaient des hotspots de la culture alternative avec des symboles toujours bien vivants, comme L’Usine, la Reitschule, la Rote Fabrik, qui sont des institutions de culture alternative autogérées vieilles de trente ans. Forcément, ces monuments ont une influence sur notre manière de créer et aborder la culture. Lorsque tu évolues dans une scène inspirée d’Etat d’urgence, Lôzane bouge, etc, ça a un impact concret sur la manière de politiser la teuf et d’en repousser ses limites.

On a aussi une scène illégale très forte, ce qui s’explique, selon moi, par la réalité capitaliste de ce pays. T’as juste envie de dire « Non ! ». Aussi, personne n’a les thunes (ni l’envie) de dépenser 30 CHF pour une entrée et minimum 15 CHF pour un long drink. Alors on va dans la forêt avec les moyens du bord et on fait la fête. On crée des zones libres. La Suisse pour moi c’est ça, cette ambivalence entre institutions autogérées, machine à fric et teuffeur·ses qui font des gros doigts d’honneur au système.

Concrètement, en ce moment, on a une scène qui bouillonne et c’est très excitant de faire partie de ce renouveau créatif de folie. Il se passe des choses incroyables et il y a des DJ/producteur·rices super talentueux·ses qui pullulent dans toutes les villes. Surtout, les collaborations se tissent et j’espère pour notre si petit pays que cette scène se renforce. Bref, tout ça pour dire qu’il faut venir traîner des baskets chez nous.

Il y a une puissance à se retrouver entre fxmmes. On est fières les unes des autres : rien n’est plus motivant et stimulant que ce sentiment.

NVST

Peux-tu m’en dire plus sur le collectif Statement, dont tu fais partie ?

La mission de Statement est la suivante : « un collectif non hiérarchique dédié à la promotion des artistes féminines et de la culture alternative ». C’est ma famille nocturne, ce sont mes sœurs et on forme un support system. On navigue ce monde bizarre de la nuit ensemble en s’entraidant, en se donnant des conseils, en étant dans le care. C’est une façon aussi de se rendre plus fortes, de peser avec plus de poids dans l’échiquier blanc et cis de la nuit. C’est quelque chose d’assez fou, honnêtement. Il y a une puissance à se retrouver entre fxmmes. On est fières les unes des autres : rien n’est plus motivant et stimulant que ce sentiment.

NVST

Quel est l’état de la déconstruction des normes de genre en Suisse ? Penses-tu qu’un tel collectif peut faire bouger les choses ?

J’aurais tendance à dire que, dans ma niche, on est pas mal en train de se poser des questions. On vient d’une vision politisée de la teuf, ça force inévitablement un peu les choses. Après, dans la réalité du circuit légal, il y a beaucoup d’utopie, de belles paroles, mais la pratique change bien la donne. Je pense que ce genre de collectif fait forcément évoluer les choses. Il permet déjà à 7 artistes féminines d’avoir la force et la place de faire des bails. Je crois aussi que ça permet de légitimer la place des femmes dans cette scène. Au final, ça valide le fait qu’on peut le faire en tant que fxmmes, et aussi bien qu’eux.

Produire, c’est une façon de vider les choses qui m’énervent.

NVST

Le titre de ton dernier EP Stop Violence Motivate Violence, breaké à souhait, semble exprimer cette envie de faire évoluer la société à travers la musique. Quelle est la place des femmes dans la bass music ?

Je suis clairement quelqu’un de « révolté » (rires). C’est évident pour moi que la teuf et la musique sont politiques. Quand on organise des évènements dans la forêt et qu’on danse huit heures sur du son, c’est une manière moderne de faire la révolution. La teuf a toujours été un point central de lutte sociale. C’est se voiler la face ou être noyé·e dans ses privilèges de croire que c’est simplement une façon de se divertir. Typiquement, on ne devrait pas se poser la question, de quelle est la place des femmes. Elles y appartiennent, tout simplement. Se montrer présente est donc très important.


Tu utilises les termes « stop violence » dans le titre de cette chanson. Tes rythmiques plus dark sont-elles un exutoire nécessaire ?

Produire, c’est une façon de vider les choses qui m’énervent. Étant donné que je suis souvent exaspérée par la réalité, je parle régulièrement à mes machines. C’est aussi une façon de faire passer des messages. Toutefois, c’est avant tout un exutoire nécessaire : je serais pas aussi chill si je ne produisais pas. 

Quelle artiste t’a le plus inspirée dans ta prise de possession des platines ?

Je peux citer Kemistry & Storm. Mais aussi Mika Oki, plus contemporaine, avec qui j’ai l’honneur de jouer en B2B jeudi. Ce sont clairement des inspirations à vouloir jouer et produire souvent, tout en faisant ça bien.

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La playlist idéale de NVST


La chanson qui t’a donné envie de faire de la musique ?
Drexciya – « Digital Tsunami »


Un titre qui te marquera à jamais ?
Vendrame – « Mind »


Le son qui a marqué 2021 jusqu’à maintenant ?
HANAH – « More is More »


La track que tu vas passer au festival Le Bon Air ?
Blasta Masta – « EXODO »


Le son détente que tu écouteras post-festival ?
Leslie Winer – « Skin »


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NVST jouera en B2B avec Mika Oki jeudi 12 août au festival Le Bon Air.
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