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Muzrs, nouvelle plateforme destinée aux artistes émergents

Muzrs, nouvelle plateforme destinée aux artistes émergents

Muzrs, késako ? Une plateforme pensée avant tout pour répondre aux besoins modernes d’un projet musical émergent. Rencontre avec Hugo, le fondateur.

Manifesto XXI – Quand et avec qui as-tu eu l’idée de ce projet ?

Hugo : J’ai eu l’idée du projet tout seul au début, il y a de cela environ trois ans. Je suis parti d’un projet qui était assez différent et beaucoup plus large. À la base, c’était une plateforme qui mettait en relation des artistes avec leur public et des labels, mais avec la volonté de mettre le public au centre du processus. Assez rapidement, je me suis rendu compte que c’était un peu fourre-tout, et qu’il y avait pas mal de choses qui de près ou de loin s’en rapprochaient.

J’ai ensuite été rejoint par Louis et Noémie, avec qui je bosse encore aujourd’hui, et ensemble on a vraiment commencé à creuser le concept. Ce qui nous a beaucoup servi, c’est qu’on a avant tout lancé un blog avant de développer notre plateforme, ce qui nous a permis de rencontrer une centaine d’acteurs de la musique, aussi bien des artistes que des labels, des éditeurs, et ensuite des créatifs type graphistes… Vraiment tous les métiers qui touchaient de près ou de loin au projet musical.

L’idée avec ce blog était déjà de commencer à fédérer une communauté, mais surtout de façonner notre concept, d’échanger avec les gens, de comprendre vraiment leur réalité, le fonctionnement de l’industrie de la musique aujourd’hui, leurs problèmes, et du coup de trouver quelque chose qui répondait à leurs besoins et attentes.

C’est pour ça qu’on dit souvent que notre projet a été développé avec et pour les acteurs de la musique, car on a vraiment mis deux ans à démarrer comme ça.

Pendant ces deux ans, il y a eu plusieurs étapes : on s’est financés par du crowdfunding à hauteur de 26 000 euros, ce qui a aussi été un gros coup de com, ensuite on a trouvé un développeur, et enfin on a eu une grosse période de développement pour lancer la version bêta de notre site, qui est sortie au début de l’été.

Ces dernières années, de nombreuses plateformes web autour de la musique ont vu le jour : en quoi as-tu estimé que Muzrs allait faire la différence ? 

J’ai eu cette impression au tout début, quand je suis parti sur un concept global, puis c’est en discutant avec les gens et en précisant peu à peu le concept qu’on s’est rendu compte qu’il y avait un vrai besoin, auquel aucune autre plateforme française ne répondait vraiment.

Peux-tu nous présenter le cœur du concept de Muzrs ?

En gros, ce qu’on fait sur notre plateforme, c’est mettre en relation des artistes musiciens avec des créateurs visuels. On propose un système d’appel à projets qui est complètement gratuit, où un artiste va pouvoir trouver toutes les compétences créatives dont il a besoin. Ça peut être un graphiste ou un photographe pour un artwork, un réalisateur pour un clip, des scénographes, des danseurs, des techniciens pour une performance live… Vraiment tous types de projets artistiques.

Cette dimension pluridisciplinaire du projet musical qu’on défend vraiment, c’est quelque chose qui n’était pas très représenté dans les autres start-up pour l’instant. Des plateformes collaboratives il y en avait, mais cette dimension-là n’existait pas encore en France.

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Comment l’entreprise peut-elle se rémunérer à moyen terme ?

Pour l’instant, c’est complètement gratuit : comme pour beaucoup de projets, la monétisation vient après. À la base, ce projet n’était pas une opportunité d’affaires, c’était vraiment une vision. Moi je bossais chez différents tourneurs parisiens, j’étais entouré d’artistes émergents, Louis qui bosse avec moi était un peu dans la même situation, et on constatait qu’il y avait un problème dans le développement artistique. Donc ça partait d’une sorte de vision ; il y avait un truc à faire ici et ça pouvait aider des gens.

Après forcément, quand tu passes deux-trois ans là-dedans et que ça devient une vraie société, tu commences à penser monétisation, tout simplement pour pouvoir pérenniser l’activité, tout simplement pour pouvoir pérenniser notre activité. La plateforme est complètement gratuite mais plusieurs choses vont arriver, on va développer nos activités.

Aujourd’hui on distingue notre plateforme gratuite de notre format agence, où l’on est sur le même créneau, sauf qu’on va travailler essentiellement avec des labels, des éditeurs, des professionnels, et des artistes qui ont des budgets un peu plus importants ; et on va gérer nous-mêmes toute la direction artistique du projet, trouver les bonnes personnes pour bosser dessus, gérer le projet… et ça pour le coup c’est monétisé. C’est comme si tu avais une offre gratuite et une offre pro.

Dans ce format, ça reste de la mise en relation aussi, ou certains d’entre vous sont des créatifs visuels ? 

Non, ça reste de la mise en relation. Nous on a un réseau qu’on développe depuis deux ans, on s’est entourés de créatifs, et du coup on estime que selon le projet d’un artiste et son budget, on va pouvoir trouver les bonnes personnes pour le réaliser.

Donc voilà, ça c’est un volet monétisé, et sinon il y aura ensuite un système de commissions, qui n’est pas encore en place car ça ne nous intéresse pas dans un premier temps. Comme une place de marché si on veut : on va mettre en relation un musicien et un créatif avec un budget qui en découle, sur lequel une commission pourra être récoltée.

La plateforme a vocation à s’implanter surtout en France ou aussi à l’étranger ?

En fait ça peut complètement, d’un point de vue technique, s’exporter à l’étranger car c’est du web : tu traduis ta plateforme et tu peux t’adresser à l’international – et on aurait pu le faire directement, mais pour moi il faut d’abord avoir une bonne connaissance du fonctionnement de l’industrie. Même si aujourd’hui la mutation de la musique est globale, je pense que chaque pays a ses spécifiés, et nous on a une expertise tirée du marché français qui ne vaut pas forcément ailleurs. Ensuite, tout ça repose sur le réseau. Si on peut développer ça ici, c’est parce qu’on a un réseau d’artistes, de professionnels, et c’est tout ce réseau-là qui fait que des gens nous font confiance et qu’on peut se développer.

Là on commence à discuter des pays francophones, parce qu’on constate qu’on a pas mal d’utilisateurs qui viennent de Belgique, un peu du Canada… Donc on a vaguement commencé à tester dans les pays francophones, mais ce qui est sûr c’est que pour chaque pays où on voudra s’implanter, il nous faudra une personne qui nous introduise, nous ouvre au réseau là-bas.

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La plateforme est-elle pensée pour s’adresser à tous types de styles et formations musicales ? 

Notre but était de rester aussi généralistes que possible. C’est un gros effort qu’on a fait dans notre boulot d’interview pendant ces deux ans, parce qu’on a refusé de se restreindre à un style, à nos goûts ou autres ; on voulait vraiment s’intéresser au parcours de l’artiste et aux obstacles rencontrés. On a essayé de rester le plus large possible, et je pense que c’est important qu’on s’intéresse au marché émergent français, peu importe le style.

Après, tu t’adresses différemment aux artistes : suivant les styles musicaux, il y a des besoins différents. Sur la scène électro par exemple, il y a des besoins de scénographie qui sont souvent beaucoup plus importants, donc quand on va discuter avec des personnes de cet univers-là on va plutôt s’intéresser à ça. Dans le rap, on utilise beaucoup plus de clips que dans les autres genres musicaux, etc.

Donc c’est plutôt là où on va s’adapter aux types de besoins, mais pour nous le véritable objectif, c’est que tout le monde s’y retrouve : le groupe parisien qui est déjà hyper bien entouré comme l’artiste d’une région moins dynamique qui cherche les bonnes personnes avec qui bosser.

Peux-tu nous en dire un peu plus sur ton parcours personnel et sur celui de tes collaborateurs ?

J’ai bossé chez plusieurs tourneurs parisiens, et c’était hyper intéressant parce que j’avais à la fois le point de vue de l’émergence artistique, et le point de vue un peu grosse machine. À côté de ça, j’ai une formation entrepreneuriale, donc ça se liait complètement à ça, et je suis passionné de musique depuis toujours. Je me suis intéressé à toute cette mutation de la musique, aux bouleversements apportés par Internet, et ça a débouché assez naturellement sur ce projet.

Louis, avec qui je bosse, était plus sur le milieu associatif ; il organisait son propre festival indépendant, pas mal de soirées, essentiellement électro, donc il avait une autre vision sur l’émergence, à une tout autre échelle. Et c’est un peu comme ça qu’on s’est rencontrés ; on est des amis d’enfance, mais moi je suis arrivé avec cette base d’idées, puis c’est en confrontant nos points de vue qu’on est parvenus à ce résultat.

On bosse aussi avec Noémie, qui elle est moins dans le milieu musical, mais plutôt marketing et média – elle bosse chez Canal +.

Puis on a notre développeur Cyril, qui est le technicien de l’équipe, mais surtout le fondateur de sa plateforme de streaming musical pour artistes indépendants : Le Son du coin.

As-tu déjà une vision précise de l’évolution de la plateforme ?

On a vraiment beaucoup de choses dans les cartons : plus qu’une plateforme, l’objectif de Muzrs et la vraie vision derrière, c’était de proposer tous types d’outils destinés aux artistes qui correspondent au contexte actuel. Donc c’est passé par une plateforme collaborative, par notre blog, par l’agence de direction artistique qu’on a lancée, et l’idée c’était vraiment de développer tout ça.

Sur la prochaine version de la plateforme qu’on est en train de travailler, l’idée c’est d’aller un peu plus loin dans l’accompagnement et la gestion de projet. Aujourd’hui, les artistes sont mis en relation avec les créatifs avec qui ils vont travailler, et après ils font leur truc et ils bossent ensemble. Nous ce qu’on veut, c’est pouvoir vraiment assurer toute la gestion de projet : la facturation, la sécurité des paiements… Faire en sorte que l’un comme l’autre puissent être accompagnés.

On développe également toute une dimension événementielle. On a fait quelques soirées de lancement déjà, mais le vrai projet, c’est d’organiser des événements de rencontres qui prennent la forme de tables rondes, de showcases privés, de rencontres. La volonté est d’accompagner un artiste sur son développement artistique, et de le sensibiliser à tout ça. Par exemple le nombre d’artistes qui veulent le clip de leurs rêves pour cent euros… Il y a un vrai travail de sensibilisation à faire.

On avait fait une table ronde sur l’artiste-entrepreneur par exemple, qui est un nouveau phénomène dans le développement artistique, dans tout ce qui est auto-production, indépendance.

Donc voilà, ce sont des choses qu’on essaie de développer, l’idée c’est d’avoir un maximum d’outils pour accompagner de A à Z le développement d’un artiste. Mais il fallait bien commencer par quelque chose, et l’étape un de la création nous semblait être la bonne porte d’entrée.

Pour prendre un cas concret d’un groupe dont on a déjà parlé dans le magazine et qui a travaillé avec vous, comment s’est faite la collaboration avec Hijacked ?

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En gros, ils sont venus nous voir avec les bases de leur EP, et on leur a proposé de gérer toute la direction artistique de leur projet. Nous on est partis d’une base musicale, et on a trouvé avec eux le fil conducteur de leur EP, toute l’histoire qu’ils voulaient raconter, pourquoi ce projet. La première étape était de comprendre ce qu’ils voulaient faire. Et à partir de là, on a pensé tout le concept.

C’est quelque chose d’hyper important aujourd’hui, il y a de plus en plus une dimension « concept » dans les projets musicaux. Tu dois penser une œuvre globale avec une identité visuelle qui t’est propre, et c’est comme ça que tu vas pouvoir évoluer.

On est partis sur une série de clips qu’on a pensés ensemble autour de l’histoire que racontait chacun des titres, on a trouvé une graphiste qui a réalisé l’identité visuelle, identité qui a ensuite été déclinée avec des objets qu’on retrouve sur la pochette ; pour chacun des clips, on a pensé une scénographie en faisant appel à un collectif d’architectes qui a repris l’idée de l’éventail sur scène, et on a travaillé avec d r ô n e pour les habiller…

C’est ça l’idée. Après ça dépend des besoins des artistes, mais sur Hijacked il se trouve que c’était un cas complet. On a pris en charge l’ensemble, vraiment tout ce qui peut accompagner la musique d’un projet. C’était aussi une opportunité pour nous de défendre notre vision de l’accompagnement d’un projet musical, une sorte de carte de visite. Ce qu’on dit à travers le projet d’Hijacked, c’est que pour nous l’identité visuelle n’est pas simplement un packaging : c’est l’extension du propos musical. Et c’est quelque chose qui, je pense, doit être maîtrisé aujourd’hui.

Où les artistes et collaborateurs potentiels peuvent-ils vous rencontrer en chair et en os ?

C’est justement le type de choses qu’on essaie de mettre en place, des rencontres physiques. Internet est un formidable moyen de connecter les gens, mais rien de mieux qu’une rencontre physique pour que des choses se passent. Et on s’en est tout de suite rendu compte en faisant des événements : quand tu es en face des gens et que tu discutes pour de vrai avec eux, ça change tout. Ce format table ronde, c’est quelque chose qui est génial pour nous parce que déjà c’est hyper efficace, on a un vrai message à faire passer et c’est important de le faire passer dans des vrais événements physiques, et ensuite c’est un retour permanent et direct avec notre communauté.

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