MNNQNS sort son nouvel EP, Capital. Rock (d’aujourd’hui, pas celui de papa), Voltaire, dissonances maîtrisées et baffes qui se perdent par-ci, par-là, un beau mélange à découvrir maintenant, direction Rouen.
Comment est né le groupe ?
Adrian : On est quatre dans MNNQNS (Mannequins) : Florent (batterie), Jon (basse), Vincent (guitare) et moi (guitare et chant). Ça existe depuis trois ans. On est plutôt dans une esthétique post-punk, rock indépendant avec une grande influence anglo-saxonne. Et sinon on est de Rouen !
C’est quoi ce nom ?
L’idée était d’avoir un nom de connards, percutant, et une fois que tu nous vois tu te rends bien compte de la supercherie, qu’on est loin d’être des mannequins. Un groupe japonais s’appelle Mannequins, ils sont grands et beaux donc on a changé contre ces lettres.
Comment organisez-vous la création ?
J’apporte des ébauches de morceaux et on arrange ensemble, tout le monde apporte sa touche. Vincent est plus dans la dissonance, moi j’arrive avec des morceaux pop et lui va les saccager complètement, ce qui est totalement l’idée. Jon drague les filles.
Comment gérez-vous cet équilibre entre le crade et le soigné ?
Florent : Adrian apporte des choses très construites et bien écrites, en répet’ il y a un effet de digestion et tout le monde apporte de la matière à cette matière première. Ce n’est pas vraiment réfléchi, chacun sait ce qu’il a à faire. C’est un processus très classique finalement.
Est-ce que vous soignez votre look ?
On fait un effort pour être présentables. Pas de code spécial.
Le live idéal ?
Le concert c’est assez intense pour nous. C’est très cathartique, à l’opposé du studio où, là, c’est plus réfléchi. Le live c’est l’intensité, la spontanéité et de la débilité, du lâcher-prise. On veut transmettre ça au public.
Vous faites vos propres visuels ?
Notre logo c’est Laura Bruno, une graphiste basée à Rennes. Nos deux pochettes sont de Fred Margueron, qui est photographe.
De quoi parlent vos morceaux ?
Adrian : Mes textes sont un mélange de beaucoup de choses. Je m’inspire de choses vécues, d’ambiances. Les lieux et les atmosphères me parlent. Il y a aussi beaucoup de jeux sur le langage, des métaphores. On m’a dit plusieurs fois qu’il y avait des inspirations hip-hop dans mes textes, je pense que c’est parce que je joue sur le flow. Il y a beaucoup de choses parlées.
Un lieu insolite idéal pour vos concerts ?
Florent : Un parking souterrain ! Sinon on voulait faire le lancement de l’album sur un bateau avec des petits vieux qui prennent leur café.
Comment vous imaginez et créez vos clips ?
Florent : En général je ne tiens pas compte des paroles. Je m’inspire de ce que je ressens pour le morceau. J’en dégage des axes dans l’intensité, dans la manière dont je vais filmer. J’aime bien torturer Adrian de clip en clip. Pour le premier, on voulait juste qu’Adrian se prenne une énorme claque à la fin sans qu’il le sache ! C’était un jeu, on voulait un effet de surprise et faire le clip en une prise. Il reste à regarder la caméra en fixe et à la toute fin on lui fait la plus grosse baffe qu’il ait jamais eue. C’était cool !
Adrian : Cool pour certains !
Florent : Pour « Come To Your Senses » c’est très industriel. On a mis trois lumières, ça nous a pris trois heures. Pour « Capital Talk » j’ai ressorti l’idée de torturer Adrian pendant trois minutes. En général, c’est énergique avec une touche colorée et une base d’humour décomplexé.
Vos inspirations (pas seulement musicales) ?
Adrian : Moi j’aime beaucoup Alex Turner d’Arctic Monkeys. Il a le phrasé que j’aime faire. Morrissey des Smiths me parle aussi en ce qui concerne les textes. Niveau littérature je suis un fan de Voltaire : ce côté ironique, sourire en coin. Après je n’envisage pas du tout mes textes comme de la littérature ou de la poésie. Ce que je veux, c’est créer un truc qui soit beau à l’oreille, d’où le travail sur la langue.
Florent : En termes de vidéo pour MNNQNS, on est dans un truc très 90s, très brut. Les vieux clips de R.E.M. par exemple me parlent beaucoup. Dans les réalisateurs, j’aime beaucoup Michel Gondry, Hiro Murai, Mégaforce, Émile Sornin. Canada est aussi un bon exemple parce qu’il y a un aspect très pop, très psyché, mais ça ne se prend pas au sérieux non plus. Entre autres.
Groupe français avec une grande influence anglo-saxonne. Qu’est-ce-qui vous plaît et vous déplaît dans le rock français d’un côté et le rock anglo-saxon de l’autre ?
Adrian : Je vais commencer par la France, ça ira plus vite ! Dans le mainstream français, il n’y a pas grand-chose dans le rock que j’apprécie. Ce qui m’intéresse en France c’est la scène indé, les groupes locaux ; il y en a beaucoup qui sont incroyables. En Angleterre, le rock c’est vraiment ancré dans leur culture. Ils vont voir des concerts, donc il y a plus de groupes et donc une plus grande scène rock.
Florent : Le fait qu’il y ait un vrai trou noir dans le rock mainstream français est aussi quelque chose à construire dans le futur justement, donc c’est encourageant !
Adrian : Je pense que le fait que le rock soit traditionnellement très anglais a amené la France à miser sur les musiques électroniques pour avoir sa « spécialité ». Mais nous, ce qui nous intéresse, c’est de faire du rock moderne. J’ai presque une gêne quand des articles disent « MNNQNS, groupe rock’n’roll », ça fait musique à papa ou t-shirt H&M.
Florent : On veut juste faire de bons morceaux. Avec le groupe on écoute finalement peu de rock, plus de hip-hop, de pop, etc.
Un mot sur la scène émergente à Rouen ?
Adrian : Il y a un boom en ce moment à Rouen, plein de projets musicaux qui se créent. Au niveau des lieux, il y a par exemple la salle de concert Le 106, Le 3 Pièces, il y a de bons groupes et une réelle scène depuis trois ou quatre ans.
Florent : Moi je trouve que SOZA, le collectif qu’on a rejoint, y est pour beaucoup. Le collectif a fait une soirée avec trois groupes au 106, qui a donné carte blanche. Il y a eu du monde, on était contents. C’est un des phénomènes, il se passe beaucoup de choses et il y en a pour tous les goûts : hip-hop, électro, rock, métal, psyché.
Adrian : C’est aussi parce que les gens s’organisent : les musiciens, les graphistes, les vidéastes, tout le monde se réunit et ça fait de beaux projets. Ce n’est absolument pas du chauvinisme : il y a même des gens extérieurs à la ville, comme notre tourneur (Les Tontons Tourneurs) basé à Caen, qui a signé plusieurs artistes de Rouen parce qu’il y a un boom musical, et on est super contents de faire partie de ça. Et ce qui est intéressant, c’est qu’il y a une sorte de consanguinité entre les groupes, par exemple moi je suis aussi dans SundduneS ; il y a des connexions qui se font.
Florent : Au-delà de la musique, les groupes commencent à discuter entre eux et c’est ce qui crée cette effervescence. La vraie différence, je la vois là.
MNNQNS sera au Lexington à Londres le 14 décembre prochain !