« Il n’y a pas qu’une seule façon d’être Noir·e » : un thé avec Michelle Tshibola

Un thé servi chaud, bien sucré, à l’abri dans le salon ou dans la chambre, en bonne compagnie. Un thé pour se détendre et se rassembler un moment, autour d’une conversation entre ami·e·s, artistes, consœurs de cœur et confrères de lutte, pour parler de nos combats et de nos conditions desquelles on n’échappe pas. « Un thé avec… » est une série d’interviews lentes, fleuves, qui s’écoulent au gré d’une temporalité d’humain·e. Ce sont des espaces de rencontre entre vous, moi et une personnalité créative noire talentueuse qui apporte son diamant à l’édifice. Je m’appelle George, je suis artiste, trans, afrodescendant, et avec mes ami·e·s nous avons beaucoup, beaucoup de choses à dire. Let’s spill the tea !

Michelle Tshibola est artiste, noire et lesbienne. Membre de la ballroom scene chez la royale House of Ladurée, ses performances sont des expériences sensuelles et empouvoirantes, qui hypnotisent et saisissent. Dans sa danse, elle joue avec le public en déplaçant sans cesse les espaces qui les séparent, et s’approche de ses limites en l’invitant à se joindre à elle, notamment par le mouvement. Créatrice de mode autodidacte, elle lance son atelier TSM² en 2020, qui met en avant les peaux noires. C’est une vraie boss ass bitch [expression afro-américaine qui désigne des femmes noires entrepreneures qui ont su dépasser des épreuves difficiles pour réussir, ndlr], qui a monté son projet en toute autonomie. Elle a appris à coudre et à gérer son business seule, et ce depuis le lycée. Son œuvre est résilience, persévérance, enthousiasme, célébration de la vie, sensibilité, guérison et Amour pour sa communauté. 

Chez elle, dans un coin du salon aux murs bleus, violets et roses dégoulinants qu’elle a peints elle-même, Michelle se tient paisiblement face à moi. La fumée qui émane de son thé, noué de ses mains, glisse jusqu’au sourire qu’elle me tend. Derrière elle à gauche, des miroirs et une barre de pole dance qui scintille, reflète la lumière du soleil qui s’infiltre à travers les canisses. L’endroit où vit Michelle est magique, et je réalise que ce lieu est une œuvre à part entière. À ma droite, j’aperçois son showroom, une pièce dédiée qui contient toutes ses créations. Du sol au plafond, les robes en tulle multicolores suspendues s’impatientent d’être portées pour le prochain ball, le prochain shooting photo, la prochaine performance musicale… 

© Julien Vallon, modèle Stessy Emelie

Pour ce premier thé servi par George, Michelle TSM raconte son parcours, son art, et parle de ses expériences au sein des communautés artistiques noires et LGBTQIA.

Je mets en avant des modèles féminines noires, j’habille et collabore avec des artistes noires. J’ai envie qu’elles puissent se projeter loin dans la vie, qu’elles réalisent qu’elles ont le droit à la lumière.

Michelle TSM

George – Dans quel contexte toi et ton art êtes-vous né·e·s ? Qu’est-ce qui t’a donné envie de créer ? 

Michelle TSM : Je suis née en Allemagne et j’ai vécu en Angola, en Italie, en Belgique et en France. Je baigne dans l’art depuis toujours, that was my fucking destiny ! Petite, j’étais fascinée par les poupées Barbie et par le fait de les habiller, de les mettre en valeur. J’ai grandi entourée de ma mère, qui est une artiste et une ancienne Miss – elle aimait beaucoup la mode –, et de mes oncles qui étaient chanteurs. Je les admire énormément. Il y avait constamment de l’art dans ma vie, je ne pouvais pas passer à côté. C’est ce qui m’a construite.

J’ai commencé à faire des vêtements quand je vivais avec mon grand frère, c’était très dur. J’allais au lycée et je n’avais pas de vêtements. J’ai toujours kiffé avoir ce délire de « bitch I’m HERE, je n’ai pas d’argent mais j’ai du style, j’ai de la classe », tu vois ? Il y avait aussi une pression sociale, liée à ce que tu représentes physiquement. Pour être « accepté·e », il faut avoir un certain style. Ça fait partie des codes de la société, parce que les gens te collent une étiquette malgré tout.

Comment est-ce que tu envisages ta création ?

L’objectif ultime de TSM², c’est de sublimer. C’est aussi mon but en tant que performeuse. Dans cette société, il est essentiel de se sentir bien, de se sentir gorgeous, au top de soi-même. Ça alimente la confiance en soi, qui alimente ensuite le développement personnel. Je veux que cette sublimation soit accessible à toustes. C’est pour ça que je mets en avant la peau et la culture noires dans mes créations avec TSM². No shade, je suis Noire et je suis une femme ! C’est la seule chose que je sais présentement. Je ne suis pas un mec, je ne suis pas blanche, je ne suis pas light skin [claire de peau]… Avec TSM², je veux faire profiter le maximum de personnes qui me ressemblent. Je mets en avant des modèles féminines noires, j’habille et collabore avec des artistes noires. J’ai envie qu’elles puissent se projeter loin dans la vie, qu’elles réalisent qu’elles ont le droit à la lumière. Pour ça, je fais en sorte que mes créations leur soient accessibles.

De même pour mon travail de performeuse : je me présente comme une performeuse queer, Black and Proud. Quand je performe, je me réincarne. J’entre dans une sorte de transe afin de faire ressortir ma Déesse intérieure. Mon but c’est d’être cette Déesse intérieure à chaque moment de ma vie. C’est cette énergie que je partage avec le public lors de mes performances. Je n’ai pas une souplesse de fou, je n’ai pas fait d’école de danse, mais je porte cette énergie inédite en moi. Après m’être déconnectée de mon corps et après le rejet que j’ai éprouvé envers ma propre couleur de peau, envers le fait d’être une meuf, d’avoir de grosses lèvres… avoir l’opportunité de performer en tant que Déesse me permet de construire quelque chose et ça me donne une énergie incroyable !

Quel est ton processus créatif ? Comment est-ce que tu travailles et te mets en action ?

Je réfléchis tout le temps, je suis un peu hyperactive. Quand quelqu’un·e m’approche pour collaborer avec moi dans le cadre de mon atelier TSM², c’est important pour moi de conserver une liberté de création. Quand j’ai commencé à concevoir des vêtements, je travaillais à partir de dessins. Seulement j’ai réalisé que ça me bloquait : lorsque je proposais un croquis, il fallait que je m’y tienne rigoureusement car c’est ce que lae client·e attendait. Désormais je fonctionne avec un moodboard. Ce n’est pas un truc limité dans le temps, ça peut évoluer, tant qu’on reste dans l’esprit du projet. Je reprends le fonctionnement de la ballroom scene, par thème. Pas de limites, il faut juste respecter le thème. C’est déjà énorme pour moi car je peux m’éparpiller très vite ! Pareil pour les performances.

C’est dur d’être queer parmi les queers. Dans l’idée on est ensemble, mais en réalité personne ne calcule personne.

Michelle TSM

Ça a dû être douloureux à tes débuts de te conformer à une façon de travailler contraire à ta personnalité. Qu’est-ce qui t’inspire ?

Oui… En ce moment je suis grave inspirée par les divinités, le corps humain, la peau. Les muscles m’inspirent, le gras m’inspire, les couleurs, la texture, le mouvement… Bitch, je suis inspirée par la peau noire en fait ! J’ai d’abord fait de la customisation, puis j’ai développé une forte relation au tulle. Ce qui est intéressant avec le tulle, c’est la transparence et le volume que ça peut prendre, la forme que tu peux lui donner. C’est une matière qui n’a pas de limites pour moi. Le tulle est aussi un tissu qui est censé être caché [le tulle sert à faire gonfler certaines jupes et robes par exemple, ndlr], et c’est ça qui m’a attirée en premier lieu. Ça m’a permis de travailler la structuration. Je n’utilise pas beaucoup de techniques de patronage, quand je travaille avec le tulle c’est de façon très spontanée. J’axe aussi ma création autour d’une recherche de tissus, qui créent des effets glowy, reveal, highlights naturels, comme un maquillage. Pour concevoir ma dernière collection, « Vénus Noire », je les ai choisis en fonction de leurs textures, qui reflétaient la lumière, et de leurs couleurs qui se mélangeaient aux teintes des peaux noires des modèles.

Travailler une matière censée être cachée, c’est rendre visible l’invisible. Ça fait écho à tout ton travail de visibilisation des personnes noires et de la beauté Noire ; ainsi qu’à ta volonté de révéler la divinité intérieure de chacun·e. C’est quelque chose que l’on porte en soi, souvent dissimulé, qu’on ne nous apprend pas à aimer, et notre rôle c’est de s’y reconnecter, pour la révéler au monde.

Ce n’est pas facile. Pour être à l’aise avec son corps, il faut fournir un travail de fou.

En tant que femme noire et lesbienne, est-ce que les communautés noire et/ou LGBTQIA+ sont des sources de soutien dans ton travail ?

Je vais répondre à cette question en parlant de ce qui m’est arrivé dernièrement. J’ai eu des problèmes financiers et mon frère Shigo [drag queen afrodescendante qui fait aussi partie de la House of Ladurée] a créé pour moi une cagnotte en ligne, ce que je n’aurais jamais osé faire. Parler d’argent dans notre culture peut être honteux ou mal perçu, c’est trop intime, on n’en parle pas. Et puis il y a l’ego artistique. Quand j’ai découvert la cagnotte, les partages, les dons et ce geste qu’avait fait Shigo pour moi, c’était incroyable ! Je suis tellement reconnaissante.

Seulement c’est vrai qu’avant cet épisode, je n’étais pas dans le même état d’esprit. C’est dur d’être noire… parmi les Noir·e·s. C’est dur d’être queer parmi les queers. Dans l’idée on est ensemble, mais en réalité personne ne calcule personne. Ce sentiment que j’ai nourri pendant longtemps ne vient pas de nulle part, il s’appuie sur des expériences que j’ai vécues. J’ai mis d’autant plus de temps à être à l’aise pour verbaliser ce que je ressentais quand j’étais dans une situation inconfortable. Ou à sentir que si je parlais, je n’allais peut-être pas être jugée, que peut-être j’allais être écoutée voire soutenue. Personnellement je me suis sentie très seule. Aujourd’hui je me sens mieux donc j’attire des personnes qui me soutiennent, mais je te le dis for real : dans la grosse industrie de la mode, je ne suis pas du tout soutenue. Je suis invisible, bien que je sois là depuis des années. Peut-être que ce n’est pas le chemin que je dois prendre, peut-être que ce n’est pas le moment…

Backstages © Michelle Tshibola

Aujourd’hui tu te sens soutenue parce que Shigo t’a aidée et que d’autres personnes noires ont partagé ta cagnotte, voire y ont participé. Mais jusqu’à présent, on dirait que tu as vécu des expériences négatives et significatives avec des professionnel·le·s issu·e·s de tes communautés. Qu’est-ce qui, concrètement, n’a pas fonctionné ?

Ma première expérience négative en tant que designer au sein de la communauté noire a eu lieu avant d’avoir créé TSM². Il s’agissait d’une invisibilisation de mon travail. J’ai travaillé pour une personne qui ne m’a pas créditée, qui s’est approprié ma création. Je commençais à intégrer le milieu parisien. Mon/ma client·e portait une tenue que j’avais pensé et fabriqué pour iel. Lorsqu’iel a été complimenté·e sur sa tenue, iel a répondu que c’était son travail, pas le mien. J’étais présente lorsqu’iel a menti. À ce moment-là, j’étais tellement choquée que je n’ai pas eu la force de stand up for myself [m’affirmer, défendre mes intérêts]. Je retenais ma respiration.

Quand j’étais petite je ne savais pas qu’en tant que femme, Noire, dyslexique, queer, je pouvais parler et stand up for myself.

Michelle TSM

C’est une prise d’otage émotionnelle. Tu débutais, ton/ta client·e devait se douter que tu n’oserais pas lae contredire devant un·e inconnu·e par peur du conflit, peur d’attirer l’attention, peur des représailles… Prendre position c’est compliqué quand on est une personne assignée femme à la naissance, à qui on a inculqué depuis petite qu’elle doit parler doucement, ne doit pas prendre de place, ne pas être en colère, ne pas se faire remarquer. Nous sommes conditionné·e·s à nous sentir impuissant·e·s, à éviter le conflit et le désaccord…

Bitch ! En plus, c’est l’une des premières expériences professionnelles qui m’est arrivée… Je ne savais même pas comment réagir. L’abus était tellement évident. J’ai fini par craquer, et je suis tombée dans une dépression.

La deuxième mauvaise expérience que j’ai vécue a eu lieu sur un projet avec des personnes queers. J’ai eu le sentiment de m’être faite rouler. C’était pour quelqu’un·e qui montait une association et qui avait un rôle symbolique important dans la ballroom scene. Dans le cadre d’un événement de cette association, je devais confectionner des vêtements, qu’iel allait me louer par la suite. Iel m’a accordé 1000€ : 500€ pour les matières premières et 500€ pour mes heures de travail et pour la location de mes créations. Finalement iel a gardé mes créations et les a mises à louer en son nom et en celui de son association, comme si c’était son travail et sans que je ne sois au courant. Comme je débutais, je ne savais pas qu’il fallait garder la totalité des tickets de caisse pour justifier les achats du matériel de création. Il m’a été demandé de rendre cet argent, bien que c’était évident que je l’avais déjà dépensé pour fabriquer les vêtements. En plus de ça, il y avait beaucoup de pression, j’avais une charge mentale énorme. It was a mess – plus jamais je ne travaille dans ces conditions.

© Hélène Tchen, modèle Fatdwa

Plus tard, j’ai rencontré d’autres problèmes avec des artistes de ma communauté. Iels sont venu·e·s à moi en me disant qu’iels adoraient mon art et voulaient le soutenir, notamment en me commandant une pièce. Ça a été le cas d’une chanteuse noire qui m’a contactée pour son premier projet ; aujourd’hui elle est reconnue dans l’industrie musicale. Nos premiers échanges étaient très positifs : « Black girls support Black girls », and all that beautiful bullshit. En tant que créatrice, c’est déjà difficile d’être économiquement stable. J’enchaînais les jobs à ce moment-là : j’étais danseuse et strip-teaseuse dans un club la nuit, et la journée je bossais sur d’autres projets. Mon temps était compté, c’était vital pour moi de travailler tous les jours, tout le temps. Pour la tenue de cette artiste, j’ai travaillé trois jours non-stop sans dormir. Elle m’a mise directement en confiance, peut-être trop. Elle était super occupée au moment de notre collaboration donc je lui ai dit de ne pas s’inquiéter, qu’on pourrait voir plus tard pour ma paie. Trois mois sont passés, son premier clip sort… J’essaie de l’appeler sur différentes plateformes, elle ne me répond pas. Je la relance par messages sur Facebook, alors que je déteste faire ça, ce à quoi elle répond « je n’ai jamais dit que j’allais te payer ». Ça m’a scotchée. Bitch ! J’ai cru que c’était une blague. J’ai tellement pleuré. Je me suis sentie ridiculisée. J’ai trouvé ça injuste.

Aujourd’hui elle soutient encore mon travail sur les réseaux. C’est génial tout le discours pro-Noir·e·s qu’elle tient, ça peut aider beaucoup de monde. Je crois aussi que les gens changent et évoluent, je crois au renouveau, j’en suis la preuve vivante. Seulement, le fait de n’avoir reçu aucune excuse à ce jour, ça normalise cette façon de faire. C’est comme si je n’étais pas considérée, comme si notre entente était fausse, c’est du Paris shit !

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Mis à part ces collaborations dysfonctionnelles, est-ce que tu pourrais me parler des collaborations qui au contraire se sont bien passées ? Qu’est-ce qu’elles t’ont apporté ?

En dépit des mauvaises expériences que j’ai vécues, j’adore collaborer avec des personnes noires, d’autant que je mets en avant la peau noire dans mon travail. Ça m’a apporté de la confiance en moi et en ce que je fais. Ça m’a permis d’apprendre à accepter les compliments, à reconnaître que j’ai du talent, à augmenter mes ambitions. J’ai rencontré des personnes incroyables qui m’ont transmis leurs savoirs, qui ont été des exemples et qui m’ont montré que je pouvais réussir moi aussi, même en étant Noire et queer, et ce aussi parce qu’elles m’ont respectée et ont respecté mon travail. OK, il y a des mauvaises expériences, mais je retiens principalement les bonnes. Même quand ça ne se passe pas bien, j’en tire toujours du positif, c’est enrichissant dans tous les cas. Je me dis que ça n’arrivera plus jamais parce que je serai plus vigilante sur telle ou telle chose. Je définis un cadre plus solide.

Michelle Tshibola © Manon Tombe

C’est quoi un environnement de travail idéal pour une collaboration, selon toi ? Comment est-ce que tu aimes ou aimerais travailler ?

L’idéal c’est qu’on se nourrisse mutuellement, que l’on travaille dans la bienveillance, qu’on soit à l’écoute les un·e·s des autres et que l’on connaisse mutuellement nos univers respectifs. C’est important d’apprendre ensemble et de se tirer vers le haut.

Un vrai partenariat. Pour conclure, qu’est-ce que tu souhaites aux artistes de tes communautés ?

De s’ouvrir, d’ouvrir les esprits, de s’écouter davantage et d’être sincères. On n’est pas en compétition, il y a de la place pour tout le monde. Si la société veut nous faire croire qu’il n’y a qu’un·e seul·e Noir·e qui pourra travailler pour Jean-Paul Gaultier, « il n’y a qu’une seule place, ou bien trois, battez-vous » ; eh bien non ! S’il n’y a qu’une seule place pour travailler chez Jean-Paul Gaultier, on s’en fout, on crée notre fucking Jean-Paul Gaultier. On vaut mieux que ça. On n’a pas besoin d’être en compétition, au contraire on a besoin d’œuvrer, de se reconstruire et de guérir ensemble. Il faut qu’on libère nos esprits de ces faux modèles de réussite et sortir de cet état de compétition permanente entre nous. On est en 2021, en pleine crise covid… On sait très bien que les riches s’en sortiront dans tous les cas. Si demain les dominants décident d’éliminer toustes les Noir·e·s, on sera toustes dans le même sac au final, donc on est obligé·e·s de se soutenir en fait ! C’est ça le message que je souhaite passer : soutenons-nous. C’est comme ça que nous avancerons.

Michelle TSM
Matyouz, membre de la House of Ladurée, portant une création TSM² © Michelle Tshibola

C’est réel quand je te dis que quand j’étais petite je ne savais pas qu’en tant que femme, Noire, dyslexique, queer, je pouvais parler et stand up for myself. Ce sont des choses que tu apprends avec la vie et l’expérience, et ça dépend de l’entourage noir que tu as. Si tu es rejeté·e par les personnes noires qui t’entourent parce que tu es trop foncée, trop pauvre, que t’es une bounty [insulte raciste et essentialiste qui désigne par une métaphore les « Noir·e·s à l’extérieur et blanc·he·s à l’intérieur », ne veut pas dire grand-chose, ndlr], comme ça a été mon cas, c’est beaucoup plus difficile… Arrêtons ça. On est toustes ensemble, c’est ça qu’il faut que la communauté comprenne. C’est un travail qui est en train d’être fait et c’est cool, mais c’est un effort qui doit être maintenu. 

Nous aussi on a le droit d’être beaux et belles, on a le droit de parler, on a le droit d’être riches, nous aussi on a le droit à la différence. Il n’y a pas qu’une seule façon d’être Noir·e, tout le monde a sa place. Je ne suis pas en colère, au contraire je souris. Je suis reconnaissante d’avoir vécu ces expériences car j’en ai appris des choses, mais on n’est pas obligé·e de passer par là. Ces façons de faire n’alimentent rien de positif, elles ne créent que des traumas.


Leçon de ce thé

La rédaction de cet article nous a permis, à Michelle et moi, de nous engager dans un travail d’amélioration de nos communications respectives, notamment dans la gestion et la résolution de conflits. Michelle a profité de cette occasion pour ouvrir le dialogue avec des collaborateur·ice·s, certain·e·s qui l’avaient blessée, mais aussi d’autres pour qui elle avait manqué de vigilance dans le traitement de leurs œuvres. De mon côté, j’ai aussi réalisé l’importance de verbaliser mes désaccords, mes limites et mes impressions. Œuvrer en communauté, c’est embrasser la responsabilité qui nous incombe à toustes d’être nos propres porte-paroles et nos propres médiateur·ice·s dans la bienveillance ; le cœur et l’oreille tournés vers notre petite voix intérieure et vers autrui.

L’emploi de la majuscule au mot « Noir·e » est d’un usage politique qui s’inscrit dans une démarche d’affirmation de soi.


Image à la une : Michelle TSM portant l’une de ses créations © photo Manon Tombe

Retrouvez le travail de Michelle TSM sur Instagram : @michelletsm2_

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