Les éditions Burn~Août publient Hot wings and tenders, recueil de poèmes de Marl Brun dans la nouvelle collection 39°5. Crues, drôles, libérées de toute gêne formelle, parfois obsédantes mais toujours réconfortantes à la fin, les poésies de Marl Brun regorgent d’une sensibilité brute et analytique. L’introduction du livre est signée Sarah Netter, qui nous propose ici une lecture personnelle de l’ouvrage. L’édition est bilingue anglais-français et chaque poème est traduit par les ami·es de Marl.
Hot wings and tenders de Marl Brun est un recueil de poèmes explosif et accrocheur, qui se dévore avant de dormir, en mangeant, aux chiottes, en faisant du vélo d’appartement… « Cru, queer, tendre et frit » : c’est une conversation rassurante que l’on n’a pas envie d’arrêter. Avec un humour subtil, qui se dégage au travers d’images criantes, ces poèmes nous rappellent que tout rapport humain est politique. En explorant l’intimité d’une personne queer, de son corps et de sa matérialité, ces textes nous mettent face à nos propres vécus, sans fioritures ni faux-semblants. Un portrait désarmant et plein de sincérité sur la découverte de soi, de sa sexualité, de la baise et de ses multiples possibilités, de notre rapport à l’étrangeté du monde et comment y survivre avec panache.
Artiste et poétesse, Marl Brun a développé une pratique vidéo d’installation de textes. Depuis ses études en Islande, elle travaille essentiellement sur l’écriture de textes en anglais qu’elle fait ensuite traduire en français par ses ami·es. Hot wings and tenders, son premier livre, explore les sujets de l’identité, du sexe, de l’amour et de la bouffe en nous plongeant dans une matérialité sans équivoques. Il est introduit par Sarah Netter, artiste, auteur·ice, traducteur·ice. C’est une rencontre inévitable entre deux âmes qui aiment triturer l’écriture et partagent une passion pour le poulet frit et toutes ses déclinaisons. À travers leurs pratiques respectives, les deux malmènent l’accord commun, le sens du goût, l’idée-même du moche et la frontière entre le moche et le vraiment laid. En cela, leurs écrits se rejoignent. Ils donnent vie, ensemble, grâce à l’amitié qui les unit, à un langage queer qui se joue même des plus queers des normes. Pour Manifesto XXI, Sarah Netter signe ce texte libre qui raconte (ou pas ?) cette rencontre et cette adelphité. Un compte-rendu du recueil qui nous plonge déjà dedans.
« Kids and Dykes », in Marl Brun, Hot wings and tenders, éditions Burn~Août, 2023
Je me demande à quel point on finit par se ressembler entre nous entre amixs, est-ce qu’on fait l’effet d’une teinture racines apparentes ?
Sarah Netter
Avec toi we can feel to reconnaitre quelles langues mix and matchent, qui se lèchent entre elles pour mieux oser lécher dehors.
Quelles croutes de poulet méritent notre attention, d’orange, de doigts dans, de sale dans/sur, de quand t’as glissé dans ta douche en essayant quelque chose, de pigeon choqué par le fait qu’il y ait toujours autant de bagnoles et pas assez de chienxs dans la vie.
Obligé.e.x de te sentir flex pour pas que ça soit juste la life qui te roule dessus
Obligé.e.x ou juste rappelé.e.x au wandering ?
Being passagèr.e.x de la vie n’est pas un truc de vicos.
C’est vraiment comme rider mais à pied, en ayant toujours un peu froid, pck tu voulais être sexy donc t’as pas mis de pull.
How to déconstruire la productivité militante/le productivisme militant
Couverture de Hot wings and tenders, graphisme par Fanny Lallart
reading
your.others
books/gentes
en plusieurs langues/voix
situées
non pro
qui s’aiment
à voix
hot
est ce qu’on peut intervertir, convertir ou fusionner horniness et avoir la dalle / envie que quelque chose se passe ?
est ce que toi aussi t’arrives parfois à changer ton stress en envie de (te) baiser
Je crois que ton first poem du livre, Kids and Dykes, est en train de devenir ICONIC
je pense qu’on traine pas assez avec des enfants, et qu’on a de la chance de trainer avec tousxtes ces dykes
(merci merci merci)
I want more for us.
Hâte des moments où les gens finiront par te demander si tu préfères les kids les chienxs ou les dykes (being one doesn’t prevent to be others)
Comment t’arrives à faire de tout ça un endroit bien muddy et moody.
Je me suis demandé si c’était pas parce que tu sais jamais où t’es et que tu belong jamais vraiment. Que c’est pour ça que ct kdo de se vautrer dans l’endroit le supposément + neutre / lisse / commun de l’anglais
ça doit être comme se tacher lourdement dans un resto branché ou sourire après avoir mangé du choco.
Vaut mieux rire, déjà que c’est pas toujours facile si en plus ce qui nous maintient on the hook vibrantxs c’est de bien suivre les consignes :
la dép
c’est pas mal de venir tâcher les langues qu’on nous instruit comme hégémoniques
ça aide à considérer toutes les tâches / fxmmes / chutes / erreur de ta vie
(choeur d’after : en moi réuuuuuniiiiieeeeexxssss)
Et puis tu aides à encaisser la sidération
(alors en fait sidération veut dire quelque chose de bien + vener que ce que je pensais)
je voulais trouver d’autres manières de dire que “c’est pas pck tu fais rien que tu subis”
Développe “rien faire” tu dirais,
ça va, on essaye déjà beaucoup de pas être comme nos parentxs et/ou nos chef.fxs je trouve
ça prend grave de temps
V. said “c’est chiant mais formateur”
lol
hyper d’accord
Jamais l’impression d’abandonner mais pas dedans non plus, i couldn’t express that feeling and then someone said “tu sais je suis pas combatif”
how can you be loyal.e.x et pas combattif.x.ve
pck iels font chier les gentes qui veulent toujours gagner
Est ce que j’ai bien compris ?
whatever it means comprendre
est ce que j’ai compris ou est ce que j’ai feel what I felt when it happened
Like l’envie de s’autoriser à sourire à lécher à choper
i wish
c’est le printemps
tout le monde fait semblant que c’est une évidence excitante
Heureusement que t’es là. T’es jamais en mode “c’est trop simple de faire”, pas d’incitation au passage à l’acte, à la preuve par le faire.
What do you mean by faire is supposed to be different de feel ?
Trop bizarre, je me suis posé là dessus et je me suis dit omg voilà. Toujours pareil. Dissociation because trauma, trahison, répétition de la trahison mais répétition de la vie en même temps puis confusion, réactions mal interprétées et enregistrées au mauvais endroit dans mon corps pour les mauvaises raisons malgré beaucoup de joie et de playfulness.
Je crois que c’est là qu’on a commencé à séparer faire de feel
I feel you frétillante, vibrating to meet (welcome?) new stuff, gentes, situations
Right now do you feel more like a kid, a dyke or a chienx ?
C’est d’autres temporalités, c’est long mais pas subi.
Can we talk about contemplation ou c’est old school ?
Mdr
Tu ré-investis la littérature contemplative.
Hâte de voir un bout de papier épinglé avec écrit ça dessus dans une librairie où tu serais le coup2keur contemplatif du mois.
Tu vois pour moi c’est sur le spectre de l’expression “croquer la vie à pleines dents” mais autrement.
à
chaque
fois
j’imagine une pomme méga dure et froide
j’ai toujours trouvé ça hyper austère les pommes.
Et puis on peut pas croquer la vie à pleines dent, c’est pas vrai, ça fait mal et c’est pas grave mais au moins toi tu fais pas croire aux gens que la vie c’est comme on veut si on veut.
It takes time to feel and process what we think we feel
c’est pas aussi simple que ça, peut-être moins
(je suis obsedé.e par dire “peut-être moins” en ce moment, j’ai l’impression que ça résume ma life = prudence mais tout est toujours possible)
I like your texts learning us to be more prospectif.ves mais pas explorateurices.
La vie c’est + comme manger du fried poulet ou whatever chose frite, c’est souvent trop chaud ou pas assez et tu sais jamais à quel point ça va être gras piquant ou secos mais tu continues
pck il faut savoir kiffer les choses réconfortantes instables.
Tu penses que les chien.x.nes sont très jeux de mots ?
En tout cas merci de pas laisser les jeux de mots aux boomers iels le méritent pas, alors qu’on mérite grave des jeux de mots
on devrait rire +
j’aimerais qu’on rie + en lisant des choses vener et aimantes
jamais rire des autres et pas systématiquement de soi non plus
on a même pas envie de se moquer quand tu prends les choses (trop?) au sérieux
c’est trop touchant et courageux.
Parfois je me dis que t’es quand même une enquêteuse de la life,
genre oulala attendez je suis pas experte moi on s’en fout des experts mais ça par contre je suis sur que je veux + comprendre pourquoi.
Tu mérites une émission de télé bb.
C’est même pas pour faire catégorie,
on pourrait penser que pck t’es taureau ton besoin inavoué était de faire des catégories plus précises et diverses designées par toi mais même pas
toujours autant surpris par ton absence d’autorité
ça suffit pas de décider d’être accueillante
faut arrêter de toujours tout décider et vouloir savoir maintenant
ça aide souvent de se perdre entre ses mots et ceux où on sait plus si on les a dits ou pas ni à la personne qu’on voulait
living with (dog, heat and love) ghosts in a fried queer life
est ce qu’on dit que c’est les gens qui finissent par ressembler à leurs chien.x.ne.s ou les chien.x.ne.s qui finissent par ressembler à leurs gens ?
Je me demande à quel point on finit par se ressembler entre nous entre amixs, est ce qu’on fait l’effet d’une teinture racines apparentes ?
En fait, je crois que tu m’as dit que ce que disent les gens à leurs chien.x.ne.s iels le disent pour iels mêmes.
Sarah Netter & Marl Brun au lancement de Hot wings and tenders à la galerie Treize, en mai 2023 à Paris
Hot wings and tenders, éditions Burn~Août, graphisme par Fanny Lallart
Image à la une : couverture de Hot wings and tenders, graphisme par Fanny Lallart
Relecture, édition et introduction : Costanza Spina & Sarah Diep
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