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‘I Wanna’ par Manceau, une certaine idée de la pop raffinée

‘I Wanna’ par Manceau, une certaine idée de la pop raffinée

Parmi la fourmillante scène rennaise, c’est aujourd’hui le groupe Manceau que nous avons choisi de mettre à l’honneur. Ce quatuor en activité depuis 2010 fête actuellement son retour avec un second album, I Wanna, quatre ans après Like Traffic Jam. On peut y savourer dix titres de britpop alliant élégance et évidence, riches d’un songwriting raffiné et d’un sens certain de l’arrangement. Pour célébrer cette sortie, nous avons eu le plaisir de nous entretenir avec Julien Vignon, leader du groupe (également connu comme producteur et musicien sous le nom de Timsters et manager du label Elephant & Castle), pour en savoir un peu plus sur ce nouveau chapitre sonore et sur l’évolution du projet.

Manifesto XXI – Quand avez-vous commencé à travailler sur ce nouvel album, qui sort assez longtemps après votre premier disque ? 

Manceau : Il s’est écoulé pas mal de temps, en effet. Mais c’était le temps nécessaire pour trouver la bonne direction, car on ne voulait pas être dans la redite. Cela dit, on s’est penchés sur ce nouveau disque assez rapidement après la sortie du premier album, lequel nous avait pris pas mal d’énergie entre la composition, le travail de production et l’organisation de sa sortie. C’est aussi à ce moment-là que nous avons décidé de monter notre label, afin de pouvoir maîtriser notre travail de A à Z.

Pourquoi ce délai ? Du fait d’une réflexion sur comment le sortir ? 

On souhaitait avec ce nouveau disque trouver une maison de disques en France, avec laquelle on serait sur la même longueur d’onde et qui pourrait nous offrir davantage de visibilité. Or, c’est aujourd’hui compliqué de trouver les bons partenaires. Nous avons eu en revanche moins de difficultés à trouver des licences à l’étranger. Donc on s’est dit qu’on allait le sortir nous-mêmes. Ce qui implique de s’occuper de l’aspect budgétaire, de créer du contenu, des visuels, des clips… et au final d’être dans une démarche quasi artisanale. C’est sans doute une façon de fonctionner qui nous convient bien.

La formation n’a pas bougé entre temps ?

Non, nous sommes toujours ensemble tous les quatre !

© Gaëlle Evellin

Vous avez travaillé un live pour faire vivre cet album sur scène ? 

Oui, on a passé six mois à travailler un nouveau live et on est plutôt contents du résultat. De toute façon, on ne conçoit pas le studio sans le live. On adore le studio, mais quand on fait un disque, on a envie de lui donner une seconde vie sur scène. On attache donc beaucoup d’importance à l’esthétique live de chaque album.

Peux-tu décrire un peu ce live ? 

On a voulu revenir à quelque chose d’assez simple : basse, batterie, deux guitares et deux voix lead. L’album précédent était très produit et nécessitait l’ajout de bandes, des machines, un ordinateur… Ce dispositif devenait un peu lourd. C’est pourquoi on a eu envie de quelque chose de plus dépouillé et d’énergique, en nous concentrant sur l’interprétation.

C’est quelque chose que l’on a compris en tournant en Asie, parce qu’on ne pouvait bien sûr pas tout emmener là-bas. Et on s’est rendu compte que l’on gagnait en spontanéité avec cette formule. Les conseils de Michael Declerck, notre ingénieur du son (qui travaille notamment avec Her), ont également été précieux. Sa philosophie tend souvent vers le « less is more ».

Donc le résultat scénique est une autre expérience que l’album ? 

Oui, tout à fait. Avant de produire nos titres et de les « habiller » pour l’album, le songwriting part toujours d’un guitare-voix. C’est ce squelette guitare-voix que l’on tente de retrouver pour le live. L’ambiance est vraiment différente sur scène. Plus brute.

Avec qui et comment avez-vous travaillé sur votre triptyque de clips ? 

On a travaillé avec Jonathan Perrut et Arthur Alizard, deux Caennais. Arthur a aussi organisé la sortie de cet album et nous a donné beaucoup de conseils. On travaille avec lui depuis avril 2016 et il commence à avoir un bon recul sur le projet.

L’idée du triptyque était d’évoquer plus que d’illustrer les morceaux au pied de la lettre. On voulait aussi un leitmotiv, d’où la même actrice et l’univers balnéaire. Quelque chose de léger qui marquait une cohérence avec l’esthétique de la pochette. Nous sommes très heureux d’avoir pu travailler avec cette équipe car ils ont compris rapidement ce que l’on avait en tête.

Sur quelles influences vous rejoignez-vous au sein du groupe ? 

On écoute bien sûr pas mal de pop mais aussi beaucoup d’autres styles, en fonction de ce que l’on recherche individuellement. On reste très attentifs aux démarches originales comme celles d’Ariel Pink, C Duncan, Anderson .Paak, les artistes du label Tricatel… Mais notre terreau commun reste la pop anglo-saxonne, la soul et le songwriting raffiné : Paul McCartney, Nick Drake, Prince, Stevie Wonder ou récemment Tobias Jesso Jr., Dent May, Andy Shauf.

Vous rattachez-vous à une scène particulière en France en ce moment ? 

Il est toujours assez dangereux de s’enfermer dans une famille musicale et de s’associer à des gens par style. Donc on est méfiants envers cette idée de « scène ». En revanche, Rennes regorge de musiciens, et le fait d’y vivre nous permet d’en côtoyer pas mal (Juveniles, Her, Clarens, Le Comte, notamment). Il existe un grand dynamisme associatif dans cette ville, qui est très stimulant quand on crée soi-même de la musique.

Donc on se sent proches de plein de projets, ici et ailleurs, mais pas forcément par similitude stylistique. On apprécie beaucoup le travail de Lenparrot ou de Julien Gasc en ce moment, par exemple. Le groupe dont on se sent très proches de cœur, c’est Tahiti 80. Outre le fait qu’ils ont réalisé notre premier album, on les adore humainement et nous avons beaucoup de respect pour leur démarche et leur carrière.

Quels sont les objectifs des prochains mois pour Manceau ? 

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On a eu la grande chance de partir cinq années de suite en Asie, mais on aurait aimé plus tourner en France. On espère donc que ce sera le cas avec ce nouveau disque. L’objectif est vraiment sa diffusion, et de faire beaucoup de concerts. Nous travaillons en parallèle sur de nouveaux titres, également.

Quelle avait été la porte d’entrée pour l’Asie, dans votre cas ? 

Les Tahiti 80 étant très connus au Japon depuis leur premier album Puzzle, notre collaboration a pu nous permettre de faire écouter nos titres plus facilement. Nous avons eu la chance que ces titres plaisent, ce qui nous permis de signer là-bas sur un gros label et ensuite, par ricochets, de signer des licences avec la Corée, la Chine, Taïwan…

Qu’est-ce qui a évolué entre vos deux albums, selon toi ? 

L’approche est très différente, puisque c’est moi qui ai réalisé le second album. On voulait maîtriser le travail du son, être autonomes. Mais on a quand même confié le mixage à Stéphane Briat.

Stylistiquement, on a voulu laisser un petit peu plus de place à l’expérimentation. Ça reste un disque de pop, mais peut-être légèrement moins accessible que le premier, avec un peu plus de substance cachée. Ce disque gagne a être écouté plusieurs fois. C’est vraiment une photographie de nous entre 2013 et 2016. Une tranche de vie.

Y a-t-il des thématiques qui reviennent dans les textes ? 

C’est Vincent qui écrit les textes. Ces paroles tentent de rester imagées tout en exprimant des sentiments assez précis. Le thème principal qui ressort est celui du mouvement. Les personnages décrits sont le plus souvent guidés par la volonté de s’affranchir des cadres rigides et parfois d’eux-mêmes. D’où le nom que l’on a voulu donner à l’album. Ils se lancent dans des voyages, le plus souvent imaginaires, pour mieux se connaître. Ce disque parle donc principalement de l’importance du fantasme et de la place qu’on devrait lui accorder.

L’écriture est plus optimiste et « cinémascope » que sur le premier album. Le fait que ce disque ait été composé pendant cette période de voyages et de découvertes d’autres cultures a sans doute beaucoup compté.

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