Malik Djoudi : « Cet album a été de l’auto-guérison »

Nous avons rencontré Malik Djoudi, ex-chanteur de Moon Palace, Kim Tim et Alan Cock, à l’occasion de la sortie de Un, son premier album solo. Un disque sorti sur le label la Souterraine qui promeut depuis 2013 nos talents français. Pour la première fois, Malik Djoudi chante en français et se met à nu dans un album intense et intimiste.

Manifesto XXI – Comment t’es tu décidé à te lancer dans une carrière solo ? C’est quelque chose qui te travaillait depuis longtemps ?

Malik Djoudi : Tout le temps, je pensais à cette chose-là. Ce que j’avais dans la tête je voulais le retranscrire. Parfois j’aime bien travailler en groupe mais je n’aime pas trop les concessions qu’on doit faire. Je voulais juste aller au bout de mes idées, que ce soit au niveau de la musique, des mélodies ou des textes. À savoir que les textes sont en français alors qu’avant je ne faisais que des choses en anglais. Donc là je me mets vraiment à nu.

C’est vrai qu’on sent que c’est un album très intime, où tu dévoiles tes peurs, etc. Ce sont des thèmes que tu as toujours voulu aborder ?

Exactement et je veux continuer dans cette lignée-là. Je me mets à nu, et je n’ai pas envie de me fixer de limites. En ce moment j’écris et j’ai vraiment envie d’être très honnête dans ce que je ressens. J’ai envie d’être sincère, je ne pense pas que cela puisse être dangereux.

Tu écris beaucoup ?

Non je n’écris pas beaucoup et, surtout, je ne suis pas le style de personne à me mettre quelque part, dans un café pour écrire des textes, ça a dû m’arriver une ou deux fois dans ma vie. Parce que pour moi c’est vraiment de la musique. Je pars toujours de la mélodie pour écrire les textes.

Tu parlais tout à l’heure du fait de chanter en français, comment est-ce que ça t’est venu ?

Ça s’est fait comme ça, un peu naturellement. Pas mal de gens de mon entourage me disaient « Chante en français ». Toute ma vie je me suis dit que jamais je ne le ferai. Et puis je suis allé au Vietnam après le départ de ma grand-mère, j’avais envie de sincérité et je me suis mis à écrire en français. Ça m’a vraiment plu de jouer avec les mots en français et de chanter.

Crédit : Renaud Monfourny

Jusqu’à il y a quelques années les groupes de pop ne chantaient quasiment qu’en anglais, comme s’ils n’assumaient pas le français, comme si le français était réservé à la variété. Depuis quelque temps on voit une évolution, notamment grâce à la Souterraine.

Pourquoi ? Je n’en sais rien. Peut-être qu’il y a des artistes qui ont commencé à remettre ça au goût du jour. Peut-être qu’ils ont montré qu’on pouvait faire sonner la langue d’une manière musicale. C’est vrai que ça a toujours été associé à la variété française, mais aujourd’hui je trouve qu’il y a quelques groupes et artistes qui arrivent à faire sonner le mot. Par exemple La Femme, Lescop, et aujourd’hui il en arrive pas mal comme Fishbach, comme Flavien Berger. Il y a aussi Sébastien Tellier et Philippe Katerine qui ont toujours été là, mais ce sont des gens avec une telle identité…

Qu’est-ce que tu as comme formation musicale ?

Aucune, je suis autodidacte. J’ai commencé à chanter dès l’âge de 6 ans. J’ai juste pris des cours de chant avec Klaus Basquiz, le chanteur de Magma. Mais ce n’était pas avec des notes, c’était très ludique, c’était sur le rythme un peu, mais tout ça sans jamais avoir de codes musicaux. C’était vraiment du feeling et un peu de respiration.

J’ai déjà travaillé avec des gens qui étaient à fond dans le solfège, et c’est bien de mêler ces écoles-là, mais ça m’a toujours embêté de codifier la musique de peur d’avoir des réflexes, même si j’ai mes réflexes à moi. Et ça peut d’ailleurs rejoindre le fait que je n’écoute pas beaucoup de musique de peur de me faire trop inspirer. Quand j’aime beaucoup quelque chose, inconsciemment je peux pouvoir faire la même chose. Après j’ai vraiment des influences comme James Blake, The XX, Tellier, Blonde Redhead…

Tu travaillais pour la télévision à une époque, qu’est-ce que tu y faisais ?

J’ai travaillé pour tout ce qui était génériques, dessins animés, pour le cinéma aussi un petit peu. J’ai travaillé avec Sébastien Schuller sur un film, « Notre univers impitoyable », j’ai travaillé sur une série animée, « Zentrix », pour la télé. C’est vraiment un exercice différent, c’est de la commande. Il m’arrive aussi de travailler pour de la pub, ce n’est pas du tout le même univers. J’aime bien le faire, ce sont des petits challenges, je dois répondre à quelque chose.

Alors que dans ma musique je ne veux pas répondre à quoi que ce soit. C’est arrivé une fois qu’on me dise « Il faut un tube pour ça » mais je ne suis jamais arrivé à le faire. Pour cet album j’ai essayé d’être sincère et je pense l’avoir été. Je me suis rendu compte qu’aujourd’hui, sans avoir de plan de com’, juste en étant sincère, tu pouvais faire des choses.

Tu travailles déjà sur le deuxième album ?

Oui mais ça prend beaucoup de temps. Pour le moment je garde les instruments que j’ai, je veux faire une continuité. Le deuxième album c’est toujours une difficulté. Mais je n’ai pas envie de me prendre la tête en me disant que c’est un exercice difficile. J’ai envie de continuer comme ça, on verra.

Quand tu commences un morceau, tu as déjà le résultat final en tête ?

Ça dépend. Souvent j’ai vraiment l’idée de comment ça va être, comment ça va sonner. Je ne sais pas au début de quoi ça va parler mais après je fais le morceau et c’est le morceau qui m’emmène vers là où il veut. J’essaie de faire en sorte de ne jamais être déçu. Ça arrive que je me fasse emmener à un endroit où je ne pensais pas aller.

Tu travailles surtout avec des sons MIDI ou tu préfères composer avec des instruments acoustiques ?

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C’est variable, c’est souvent soit à partir de de la guitare, soit du synthé, soit du piano. Ça m’arrive de rentrer chez moi et de tapoter sur mon piano complètement désaccordé. Ça m’arrive de trouver des riffs de guitare. Je trouve une mélodie et après c’est parti. Je porte aussi beaucoup d’attention au beat. Comment faire groover la chose, etc. Je ne laisse vraiment rien au hasard. Le son de grosse caisse, le son de caisse claire, le rythme du charley… En musique j’essaie de faire chanter tous les instruments, même le beat.

Quels sont tes thèmes de prédilection ?

C’est souvent nostalgique, c’est ça qui me parle, j’aime bien ça. Je crois que le thème de prédilection c’est d’être léger sur les choses moins légères. Le temps aussi, dans le gros sens du mot. Le thème des textes c’est parfois l’amour, parfois l’évasion, le voyage, la quiétude, la paix, que le temps s’arrête.

Crédit : MIDI Festival

Ce rapport au temps, cette nostalgie, c’est quelque chose que tu as toujours eu ?

C’est avec le temps, avec le poids des années. Ça fait longtemps que je travaille dans la musique, que je gagne ma vie, et il y avait toujours cette chose-là. Je m’épanouissais bien, je travaillais pas mal dans la danse avec Pierre Rigal et je prenais beaucoup de plaisir à travailler mais j’avais toujours cette chose-là à me dire « J’ai envie de faire aussi ça » mais je ne savais pas quoi en fait. Et cet album a été de l’auto-guérison.

Ton voyage au Vietnam t’a aidé à ce niveau-là ?

Complètement. On dit toujours que c’est bien de savoir d’où on vient, je ne le pensais pas, je n’y croyais pas trop. Moi je ne connaissais pas ce pays, c’est ma grand-mère qui était vietnamienne. Je n’y avais jamais été. C’est marrant parce que tu vas dans un pays et tu vois que les gens, tu leur ressembles. Après je me sens Français, mais en France il y a des choses que tu ne vois pas. Et puis tu vas dans un pays comme ça et tu vois des similitudes.

Il y a quelque chose de cathartique dans ta musique ?

C’est sûr, et ça m’a permis de me trouver, de vraiment trouver ce que j’ai envie de faire. Et aujourd’hui je suis bien rempli grâce à ça, mais grâce aussi à pas mal d’autres choses. Il faut savoir prendre le temps, savoir l’apprécier. Aujourd’hui je cherche moins (rires). Je ne me suis peut-être pas trouvé trouvé, mais je me suis cherché et là je commence à me trouver, ça fait du bien.

Vous pourrez voir jouer Malik Djoudi demain soir au FGO-Barbara avec Eddy De Pretto et Palatine :

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