Je suis très sensible au savoir-faire, pas du tout dans le côté poussiéreux de la tradition mais au contraire pour tout ce qu’un savoir-faire manuel permet, que la machine ne permet pas avec son mode de fonctionnement systématique et uniforme. Je recherche ce qui nous rend singulier.
À quoi pense la Marilyn sur l’affiche du Champs Elysées Film Festival ?
Elle est l’égérie du Festival pour cette année. La rencontre de Marilyn et de notre Marianne tricolore. Elle symbolise à la fois le cinéma, et l’expérience de cinéma. Assise sur son fauteuil de réalisatrice, elle éclaire l’écran noir de son regard. C’est le point de vue de celles et ceux qui font le cinéma, qui partagent avec nous leur regard singulier sur le monde. Elle est aussi spectatrice, happée par l’écran, comme le seront je l’espère les festivaliers lors de cette semaine, captivés, transportés par l’émotion que seul peut susciter un film. L’émotion, le rêve sont des sensations que je recherche quand je vais au cinéma et je voulais transmettre cette idée par le biais d’un regard de femme, encore trop peu présentes dans les hautes sphères du cinéma.
Quels/qui sont tes grands modèles ?
De manière générale je suis admirative de toute personne qui parvient à me faire quitter le quotidien, à me faire rêver. Ceux qui construisent des mondes à eux et laissent la porte entrouverte. Il y a parmi eux des artistes bien sûr, beaucoup de femmes, Louise Bourgeois, Agnès Varda, Jane Campion, mais aussi des scientifiques, des pionniers dans leur domaine comme la botaniste Marianne North ou la photographe Margaret Cameron, Hubert Reeves, Cousteau et puis bien sûr Kubrick et Bowie. Mais parfois il suffit de regarder autour de soi, j’ai la chance d’avoir grandi entourée de personnes très créatives qui savent transmettre leurs passions. C’est sans doute ce que j’ai reçu de plus inspirant et précieux.
J’ai grandi dans l’est de la France, à Nancy, berceau de l’Art Nouveau, et pas très loin de la campagne et de la forêt. Je crois que les premières images de notre environnement proche nous marquent à jamais. Je vis dans des capitales (Paris et Londres) depuis mes 17 ans mais ce sont des images, des paysages, des goûts et des odeurs que j’emmène partout avec moi, et que je recherche sans doute un peu quelque soit l’endroit ou je me trouve. Je rêve de plus de nature en ville, et d’un vrai intérêt des politiques. Évoquer la nature, ce n’est pas qu’un choix esthétique, c’est aussi parler de notre survie. Et au vu des récentes déclarations de Donald Trump, c’est indispensable.
Combien de temps faut-il en moyenne pour réaliser une pièce de taille moyenne ?
C’est très variable selon le format et la technique d’impression, mais plusieurs jours en moyenne.
Pourquoi es-tu attachée à la technique de la sérigraphie ?
Je viens d’une famille d’artisans. Je suis très sensible au savoir-faire, pas du tout dans le côté poussiéreux de la tradition mais au contraire pour tout ce qu’un savoir-faire manuel permet, que la machine ne permet pas avec son mode de fonctionnement systématique et uniforme. Je recherche ce qui nous rend singulier. L’alliance des deux produits, des formes et des textures nouvelles. J’aime la sensibilité qui se dégage d’une impression faite à la main, j’aime les jeux de couleurs, les superpositions, les petits accidents et les vibrations que l’on ne peut pas obtenir à la machine.
Le rapport au temps est également très différent, la sérigraphie est un procédé très long, chaque couleur nécessite la fabrication d’un cadre d’impression, et il faut plusieurs heures de préparation avant de pouvoir commencer à imprimer. Cela force l’humilité face à son outil et même si l’improvisation est toujours possible au moment de l’impression cela demande d’avoir déjà une idée du résultat à atteindre.
J’aime aussi l’idée de travailler sa main toute sa vie, c’est une quête sans fin qui me motive chaque matin. La sérigraphie est pour moi le prolongement du dessin, on apprend tous les jours. J’aime aussi la liberté qui va de pair avec un savoir-faire que l’on apprivoise, être capable de créer des grands formats de A à Z, du dessin à l’impression, en pouvant choisir moi-même toutes les étapes, faire mes propres essais, erreurs, découvertes, c’est très joyeux et c’est ce qui rend mes images personnelles.
Oui petit à petit cela a changé la façon dont je construis mes images. Je pense en couche, passage, aplat, trame. J’ai aussi tendance à créer des images plus grandes parce que je ne suis plus limitée par le format ou le type de papier.