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Lesbien·nes au coin du feu, Ep 3: Boucler la boucle

Lesbien·nes au coin du feu, Ep 3: Boucler la boucle

Lesbien·nes au coin du feu
Bienvenue dans Lesbien·nes au coin du feu. Ici, on tend le micro à des femmes et personnes lesbiennes, bies ou pans, seules ou à plusieurs, pour qu’elles nous racontent un souvenir heureux de leur vie amoureuse. Histoires d’amour en cours ou passées, rencontres d’une nuit ou amourettes de vacances… Nous voulons diffuser des histoires lesbiennes pour donner le sourire, émouvoir et faire rêver.

Voici la retranscription du troisième épisode de Lesbien·nes au coin du feu, pour lequel Sam a accepté de nous raconter son histoire.

Pendant son année au Brésil, Sam a un coup de foudre pour Lola, sa colocataire espagnole. Quand Sam quitte le Brésil, une certaine Zoé prend sa place dans la colocation. Elle rencontre Lola à son tour.

Lesbien·nes au coin du feu

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Sam : On est en janvier 2019, j’habite à Lille pour mes études depuis 3 ans, et je suis sur le point de partir en échange universitaire au Brésil pour une année complète.

Je viens de me séparer de ma copine, et je suis à la recherche de renouveau. J’ai 22 ans à ce moment-là, 22 ans dont plusieurs années de lesbianisme assumé, out. J’ai eu des relations exclusives mais très constructives pour moi, pour qui je suis, et je suis toujours très proche de mes exes. Mes relations sont une partie de moi, c’est pour ça que je cherche à rester amie avec elles.

Quand j’arrive au Brésil, je suis vraiment dans l’optique de découvrir un maximum de choses. J’atterris dans une grosse colocation de dix personnes, avec des français·es et des espagnol·es. On compare notre maison à une auberge espagnole, pas seulement parce que la moitié des colocs sont espagnol·es, mais parce qu’il y a beaucoup de partage, dans les dîners, les activités, et même dans les fringues, on a carrément mis en place un dressing commun. Il y a un grand espace extérieur, beaucoup de plantes, la dynamique est très douce, il y a de la bienveillance entre chacun des colocs.

Dans cette coloc, je me fais beaucoup d’ami·es, on parle en portugais, un portugais qui est construit entre notre français natal et leur espagnol natal, donc un gros franco-portugnol. À côté de ça, je sors, je voyage beaucoup, je découvre tout ce que j’ai à découvrir pendant 6 mois.

En août 2019, donc 6 mois après mon arrivée au Brésil, je me suis déjà fait au mode de vie, au rythme de Sao Paulo, je suis bien dans mes baskets. Et à ce moment-là arrivent des nouveaux et nouvelles colocataires, dont beaucoup d’espagnol·es. Et surtout une espagnole, qui s’appelle Lola.

Elle est brune aux cheveux un peu ondulés, elle a les yeux marrons, assez foncés et en amande. Le jour où Lola arrive, il fait grand soleil. Ça se voit qu’elle est décalquée de son voyage, mais il y a quand même quelque chose de rayonnant qui se dégage d’elle, et ça fait pas ça avec tous les colocs espagnol·es. 

J’ai un véritable coup de foudre pour Lola, j’ai l’impression de déjà vouloir tout découvrir d’elle. Au début, on sait pas trop quoi se dire, les premiers échanges sont un peu compliqués, parce qu’elle parle quasiment que espagnol, alors que moi je parle cette langue créée au Brésil. Donc nos premiers échanges c’est des échanges sur le moment, sur la maison, sur ce qu’on va manger, sur l’activité qu’on va faire, rien de plus profond que ça. 

Mais on s’entend bien très rapidement, on commence à se débrouiller dans un mix de nos langues pour discuter ensemble. On rigole bien ensemble, on se rend compte qu’on vient d’horizons vraiment différents, et qu’on a pas grand chose en commun, à part notre maison. On parle pas la même langue, on fait pas du tout les mêmes études, même physiquement on a rien à voir. 

Le point qui nous différencie le plus, c’est qu’elle est très rêveuse, alors que moi je suis très terre-à-terre. Elle est beaucoup dans l’intuition, moi plutôt dans la justification pratique et technique. Elle est complètement passionnée d’astrologie, et moi l’astrologie ça me paraît tellement loin de ce que je connais de la vie, que je suis super curieuse de découvrir. Du coup elle m’apprend tout, elle me forme sur l’astrologie, elle voit bien que je suis intéressée donc elle me fait toute une charte astrale, on en parle pendant des heures et des heures. 

Moi pour le coup, je suis beaucoup plus attachée aux petits bonheurs du quotidien, les petites choses qui nous font plaisir, c’est mon côté très terre à terre. Donc tous les jours on fait ce qu’on appelle « les bonheurs du jour » c’est-à-dire que le soir, on se pose la question de « quels sont les trois petits bonheurs du jour qu’on a eus ? », est-ce que c’est le fait qu’Adriano notre coloc nous ait cuisiné une tortilla, est-ce que c’est que le bus soit arrivé pile au moment où je suis arrivée à l’arrêt de bus… Ça c’est les bonheurs du jour que j’essaye de transmettre à tous les colocs, et je sens bien que Lola ça lui plait beaucoup. Donc moi je lui dis mes bonheurs du jour et Lola me dit « bah aujourd’hui, côté astrologie, voilà ce qu’il se passe » ou alors « c’est normal que tu fit pas avec cette personne car elle est Taureau”. On est curieuses de découvrir l’autre, comment l’autre agit, réfléchit, réagit.

Aussi, on commence à flirter un peu, donc il y a ce côté « Je m’intéresse à tes sujets pour qu’on passe un peu de temps ensemble ». Et vu qu’on habite dans la même maison, il peut y avoir des moments de flirt n’importe quand. Naturellement on va s’embrasser, et on va passer de plus en plus de moments ensemble, on va se découvrir, physiquement, intérieurement, émotionnellement. Au Brésil, j’ai la sensation que tout est possible. Je m’étais donné une année pour vivre ce que j’avais envie de vivre et l’environnement, le cadre me le permettait. J’ai une certaine confiance en moi qui me permet de tout au moins essayer. 

Pendant deux-trois mois, on se fait des bisous, on couche ensemble. Un jour, je me réveille, je vais partir au travail, et je me dis : « Bon allez, cette fois-ci tu pars au travail mais tu lui fais un petit bisou avant« . Du coup je vais dans la cuisine et je l’embrasse juste avant de partir, et je vois ses yeux qui sont super étonnés, et en même temps elle a l’air trop contente de vivre ça à ce moment-là, parce qu’on en a pas l’habitude. Et moi je sors de la maison et je suis tellement heureuse dans la rue, c’était trop bien.

On passe 5 mois ensemble avec Lola, on vit une histoire simple, saine, passionnelle. C’est-à-dire qu’on vit notre relation de manière légère, on a pas besoin d’en discuter, de la décrire, on prend la chose telle qu’elle est, et en même temps elle est passionnelle parce que très profonde. On est aidées par le Brésil qui est un pays super vivant, une population très ouverte. De manière générale, mais sur le côté queer aussi. Tout est accepté, tu te balades avec qui tu veux dans la rue, tu te feras jamais mal regarder. Logistiquement on est aussi aidées parce qu’on habite la même maison, donc c’est plus simple quand il s’agit de rentrer ensemble. 

Je sais à partir du moment où je rencontre Lola, que je pars dans 5 mois. Il y a une question de temps qui est continue. Il faut profiter, et c’est pour ça qu’on parle pas tant de notre relation : on préfère garder ce temps là pour la vivre et apprendre à se connaître. Et vu qu’on est très très différentes l’une de l’autre, on passe beaucoup de temps à se découvrir. C’est assez dingue d’ailleurs, parce que moi avec mon côté très terre terre, normalement j’ai tout le temps besoin de tout expliquer, tout justifier, et là, on en parle pas.

En décembre 2019, mon départ du Brésil approche. Notre relation devient de plus en plus intense, cette question du temps est de plus en plus présente, on a l’impression que le temps file, ça se compte en jours, du coup que chaque moment ensemble doit être l’occasion d’un bon moment ensemble. 

Juste avant que je parte, on part pour un voyage avec une quinzaine de colocs, on fait un voyage assez calme, avec beaucoup de plage, de sport, de pique-niques, de jeux. Un jour, on va se baigner avec Lola, et quand on revient, on peut pas s’empêcher de s’embrasser sur la plage. C’est un des bisous qui est le plus fort de notre relation, parce que c’est un des derniers, parce qu’à ce moment-là ça se compte en jours. Et parce qu’on est sur cette plage immense du Brésil, avec personne si ce n’est nos colocs et ami·es, c’est un trop beau moment. Et en plus moi j’ai des lunettes, et quand je vais me baigner je les enlève, donc quand je sors de l’eau tout est nuageux, rêveur, je vois rien d’autre que Lola en fait. Je suis myope, donc tout ce qu’il y a plus loin de une mètre, je vois pas. Donc je suis vraiment focus sur elle.

On revient de ce voyage en bus, donc je passe ma dernière nuit avec Lola et au Brésil dans un bus, et on discute du fait qu’on est très très différentes mais qu’on s’aime quand même, on saurait pas l’expliquer. Et on décide d’aller, le lendemain, se faire tatouer toutes les deux un point sur notre corps : un point commun, pour essayer d’identifier le seul point commun qu’on ait ensemble. Moi je me fais tatouer sur l’aine, qui est l’endroit de mon corps le plus sensible, et Lola se le fait tatouer derrière l’oreille.

Au moment du départ, je pense que dans nos têtes avec Lola, c’est « on va se revoir » mais on sait qu’on ne se reverra jamais dans ces conditions-là, et que ce sera pas tout de suite, parce qu’on a chacune nos projets. On est ultra tristes, sauf qu’on savait dès le début, en se rencontrant, qu’on aurait que 5 mois. Je pars pour l’aéroport, je prends un taxi, et ce qui est marrant c’est que la dame qui me prend en taxi est franco-espagnole, elle est pas du tout brésilienne d’origine. 

Et  là je lui confie tout. Ça a été ma confidente pendant 35 minutes jusqu’à l’aéroport, elle m’a tellement écoutée, elle m’a tellement rassurée. À un moment, elle me dit : « tu verras, tu la reverras ». Et d’ailleurs elle envoie la même chose à Lola en note vocale depuis mon téléphone, en disant en espagnol : « je suis avec Sam, elle est très triste, et le fait que vous allez vous revoir j’ai envie de te le dire aussi, sois pas triste”. Et c’est tellement un beau hasard qu’elle soit franco-espagnole, et qu’elle soit aussi attachée et attachante.

Donc je pars du Brésil comme ça, en étant super triste mais en ayant sur la peau le point commun que j’avais avec Lola, de cette histoire qu’on a pu vivre ensemble.

Dès que je reviens en France, je fais une mission isolée pour une asso, dans laquelle je me retrouve avec une seule personne pendant quelques mois. J’ai une période de néant amoureux qui me fait beaucoup de bien, beaucoup de bien parce que j’ai des souvenirs doux de Lola, j’ai un rêve de pouvoir un jour la retrouver peut-être, puis surtout ça m’aide à me reconstruire moi, en tant que moi seulement. 

Lola est quelqu’un qui n’est pas du tout sur son téléphone, qui voit pas du tout l’intérêt de donner des nouvelles, alors que moi d’ailleurs je suis une personne plutôt connectée. Et donc je savais aussi en partant que j’aurais pas beaucoup de contacts avec elle, parce que c’est pas dans ses habitudes et qu’elle allait pas changer pour moi. Donc on a très très peu de nouvelles, on s’échange très peu de messages, mais ça ne me dérange pas car j’ai besoin de ce temps seule, c’est une chance pour moi. Je vis cette période assez calme intérieurement, je vis aucune autre relation amoureuse avec personne, j’en ai pas envie.

Il y a aussi cette histoire de Covid qu’on est en train de vivre et qui fait que tous les gens qui étaient encore au Brésil reviennent au final en France et en Espagne. Je suis de loin les départs de chacun de mes colocs, et de Lola et de mes ami·es. En juin 2020, tout le monde est revenu en France, que ce soit les colocs du Brésil que moi je connaissais à mon époque, ou les nouveaux et nouvelles de la maison du Brésil, qui étaient arrivé·es après mon départ. Et tout le monde se retrouve pour fêter les belles soirées d’été. 

Fin juin 2020, je fais une soirée avec ces ami·es-là, donc mes anciens colocs du Brésil, et je rencontre aussi des nouveaux colocs du Brésil, qui sont arrivés un à deux mois après moi et qui ont repris ma chambre, qui ont repris l’espace dans les maisons. À cette soirée je fais la connaissance d’une certaine Zoé, qui était arrivée un mois après mon départ et qui vivait dans la maison où j’étais. J’avais entendu parler d’elle, elle avait entendu parler de moi, je l’avais vue plusieurs fois sur des photos, sur des story. Donc il y a quelque chose comme si on se connaissait déjà un petit peu. 

Je suis contente d’enfin connaître cette personne, puis c’est une super amie de mes supers ami·es, donc je sais qu’on va bien s’entendre. Mon gaydar sait aussi qu’il y a quelque chose de lesbien en elle. Ça se passe super bien, il y a un espèce de feeling avec Zoé qui est naturel, puis on sort à peine du confinement, donc on est super heureux de rencontrer du monde. 

On passe une super soirée parce qu’on est entourées de nos amis communs. Il y a un petit jeu qui s’installe entre nous, on est entrain de faire un apéro sur les quais, on se déplace pas mal, on va s’asseoir l’une à côté de l’autre, on s’envoie des pics, on se balance des blagues. Il y a un truc de… Comme si on se connaissait vraiment bien, et qu’on était potes depuis longtemps, sans s’être jamais vues. 

À un moment, Zoé bouge en vélo à une autre soirée, et moi, de nul part, je lui file mon numéro pour savoir où c’est et la rejoindre plus tard. Donc on se connait pas, on s’est rencontrées 2h plus tôt, et 30 minutes après son départ je sur mon vélo pour la rejoindre, alors que tous mes potes restent sur les quais. J’arrive à la soirée où elle est, on se retrouve, le même feeling s’installe entre nous, comme si on se connaissait déjà bien. On danse chacune de notre côté, et là, après 2-3 move de danse, elle me sort : « Tu sais Sam, si un jour on couche ensemble, la boucle sera bouclée ».

J’ai un peu picolé à ce moment-là, mais je suis suffisamment lucide pour comprendre ce qu’elle veut me faire comprendre. Et ce qu’il faut comprendre, c’est que j’ai eu mon histoire avec Lola en étant au Brésil, et qu’un mois après, Zoé, en étant dans la même maison, a aussi eu son histoire avec Lola.

Et donc, il manque une histoire pour boucler la boucle.

Ce que je ressens quand Zoé me dit ça, c’est juste de la surprise, je me dis : « C’est dingue quand même, que la personne avec qui je suis ce soir et avec qui ça fit super bien, en fait elle a eu une histoire avec Lola ». Justement, je trouve ça super excitant. Ça me donne envie de boucler la boucle.

Donc ce soir là, on se retrouve avec Zoé, sans Lola, et puis on boucle la boucle.

Avec Zoé, c’est tout de suite assez direct entre nous, c’est tout de suite assez fort. À la différence de ma rencontre et de ma relation avec Lola, on a énormément de bases communes, on est françaises, on a vécu dans la même maison, on a des ami·es en commun, il y a une certaine culture commune aussi. Et surtout, on a beaucoup de passions en commun qu’on identifie rapidement, notamment le vélo, la mécanique vélo, la cuisine (comme beaucoup d’entre nous, certes), mais aussi les soirées d’été, le fait-maison, etc.

Il y a aussi la question du temps qui allège la relation qui commence avec Zoé : on sait en fait que notre relation n’est pas conditionnée par le temps, et je pense que c’est important. On prend le temps qu’on veut, pour vivre et faire ce qu’on veut. À la différence de ma relation avec Lola, dès que je rencontre Zoé, je ressens le besoin de discuter de ce qu’on vit ensemble. J’ai besoin de savoir ce qu’elle sait de moi, et moi lui dire ce que je sais d’elle. Ce qui était simple avec Lola, j’arrive pas à le rendre simple avec Zoé, parce que justement, avec Zoé j’ai besoin d’un cadre. Il y a un cadre autour de nous qui est commun, il n’y a pas cette question de timing, donc je lui dis que j’ai envie de structurer notre relation.  Car je sens aussi que Zoé, si c’est pas la femme de ma vie, c’est une histoire qui sera super longue. 

Quand Lola apprend pour Zoé et moi, elle est super surprise, elle a plein de questions à poser. Parce que c’est vrai qu’elle a eu des histoires avec deux personnes, et déjà, ces personnes se rencontrent, s’apprécient, puis sortent ensemble. Donc c’est un peu absurde pour elle, mais elle est super contente. 

À partir de ce moment-là, de juin 2020, je vis une histoire très belle avec Zoé. Il y a quelque chose de très fusionnel. On est pas dans la découverte mais plutôt dans le partage, on partage beaucoup. Presque deux ans s’écoulent, où vit ensemble, on a une relation très stable, même si on laisse place à l’aventure, on se laisse rêver par moments. Tout ce temps-là, on garde Lola en tête, même si on ne la voit pas parce qu’elle est en Espagne, et que nous on est en France.

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Dès qu’on se rencontre avec Zoé, elle me dit qu’elle ne veut pas être dans un couple exclusif. Donc dès le début, on a notre relation principale, mais on peut « aller voir ailleurs ». Sachant que de nos deux côtés, on a toutes les deux eu des relations très ouvertes au Brésil avec Lola, qui restent dans nos souvenirs. La première année, on a pas envie de voir d’autres personnes, on est trop bien juste ensemble, et au bout de six mois, on commence à avoir un peu des trucs à droite à gauche, de plus en plus, mais on discute beaucoup avec Zoé, donc on a pas peur de se perdre non plus. 

Au bout d’un moment, il y a des relations parallèles à la notre qui prennent plus de place, ce qui fait qu’on en discute beaucoup plus ensemble et qu’on commence à faire face aux difficultés de l’ouverture d’un couple. Et qui font qu’il faut qu’on gagne confiance en nous et en notre couple davantage.

En février 2022, avec Zoé on est toutes les 2 par chance entre deux contrats, donc on se laisse trois semaines de vacances et on essaye de monter un projet qui nous plait. On se dit qu’il y aura forcément du vélo, du camping, et il nous reste plus qu’à trouver la destination. Et en y réfléchissant, on se dit que ce serait beau d’aller retrouver Lola. Moi ça fait deux ans que je l’ai pas vue, j’ai eu cette histoire avec Zoé entre temps qui m’a conquise et je sais que c’est une histoire qui sera durable, mais il y a aussi quand même cette période amoureuse et histoire avec Lola qui reste dans un coin de mon coeur.

Donc on demande à Lola si elle est là à ce moment-là, et elle est là, elle est prête à nous accueillir chez elle à Alicante.

Et on part pour deux semaines de vélo. On part de Béziers dans le sud de la France. On roule pas mal la journée, on dort sous la tente le soir. On passe les Pyrénées, on passe Barcelone, et puis on continue de descendre la côte jusqu’à Alicante, où on s’apprête à retrouver Lola.

À ce moment-là, c’est ultra important qu’avec Zoé, on prépare nos retrouvailles avec Lola. Zoé me dit que ce serait bien, en plus de prévenir Lola qu’on arrive, et ben qu’on arrive pas avec nos gros sabots, qu’on lui demande si c’est bon pour elle, qu’on lui demande si on doit prévoir quelque chose de particulier, agir d’une certaine façon pour éviter de trop la blesser, parce que c’est quand même impressionnant pour elle de nous voir arriver ensemble. Et puis nous on a la force d’être à 2, et de pouvoir se préparer émotionnellement. Lola, elle, elle est toute seule. Donc c’est Zoé qui a la juste idée de penser à ça, et du coup on fait un groupe WhatsApp à 3, un groupe bienveillant, une safe place, où on lui dit quelque chose comme : « écoute Lola, on a pris conscience que c’était peut-être pas évident pour toi, on comprendre tout à fait, donc si jamais t’as besoin de quoi que ce soit en termes d’action, d’intimité, n’hésite à nous le dire. En tout cas, de notre côté, on va éviter d’arriver trop fort dans ta vie quoi.”

En réponse à ça, Lola nous fait plutôt comprendre que comme à son habitude elle est ok, que le destin va faire ce que le destin doit faire, donc elle est plutôt à l’aise avec le truc. De notre côté avec Zoé, on en parle beaucoup, on a des phases de stress, et en même temps beaucoup d’excitation de la retrouver. En fait, on a pas eu la même histoire au même moment, et en plus Zoé et Lola s’était retrouvées après leur séparation, quelques mois après, le temps d’un week-end avec nos ami·es. Alors que moi, je l’avais pas vue depuis 2 ans. Donc c’était vraiment deux schémas très différents. 

En arrivant à Alicante, on sait qu’on va pouvoir avoir une semaine entière ensemble, notre dernière semaine de vacances. Lola est aussi en vacances, donc c’est vraiment un timing parfait. Nous, on vient de faire deux semaines de voyage dans une tente, on est fatiguées, et quand on arrive chez Lola il fait trop beau, son appart est trop bien, on se pose. Ça se sent qu’elle est stressée, c’est normal, on l’est un peu toutes un peu. Mais on voit qu’elle a un peu le vertige de nous voir là, dans son cadre de vie quotidien, avec nos sales gueules de deux semaines de voyage. 

Donc au début c’est un peu stressant, c’est un peu gênant, mais comme ça fait deux ans qu’on s’est pas vues, on reprend le temps toutes les trois, on a beaucoup de choses à se dire. Pendant notre séjour chez Lola, on a chacune notre moment à deux, et c’est vraiment nécessaire. C’est Zoé et Lola au début qui prennent le temps de refaire un peu le point, de refaire surface, et de se retrouver intérieurement l’une et l’autre. Ensuite, moi, j’ai eu un gros temps avec Lola, pareil, qui nous permet de nous dire où on en était depuis deux ans, comment on a avancé. Et puis Zoé et moi, on se prend du temps ensemble. On sait que prendre ces temps-là à deux, c’est important et qu’on en a besoin chacune. Finalement ça se fait naturellement, en fonction des fatigues et des envies de chacune, mais c’est des temps qui sont fondateurs.

On parle beaucoup toutes les trois, et avec Zoé, on fait part à Lola de nos difficultés sur les relations ouvertes. Déjà elle est trop contente qu’on soit sur ce modèle-là, parce qu’elle à ce moment-là elle en sait rien. Elle a bien compris qu’avec elle ça va être particulier, qu’on va pouvoir vivre notre truc à trois, elle le sent bien. Mais c’est aussi parce que c’est une personne qui a compté pour nous avant. Du coup Lola nous demande exactement ce qu’on recherche dans notre couple ouvert, à quelles difficultés on fait face, et on se rend compte qu’en fait, avec Zoé, on y est allées un peu les yeux bandés. Tout con, on a même pas défini nos limites entre nous, ce qu’il est possible de faire et les limites qu’il faut pas dépasser, parce que ça atteint trop l’autre personne. Et enfait, il y a beaucoup de limites du côté de Zoé et du mien qui doivent être partagées. 

Et Lola nous aide énormément sur ça, parce que j’ai l’impression qu’elle nous apporte la théorie, et les trucs à faire pour ouvrir son couple. Parce qu’un couple ouvert, ça peut pas être ouvert comme ça, c’est beaucoup de discussions, c’est aussi un cadre à imaginer et à concevoir sur mesure, pour qu’il soit viable. Et ça, c’est vraiment Lola qui nous le partage.

Dès le début, on dit à Lola qu’on aimerait bien dormir avec elle, parce qu’on veut pas que ce soit gênant à un moment si on dort ensemble. On se dit : « Dormons toutes dans la même chambre », parce qu’on est potes avant tout. Donc voilà, on dort les premières deux nuits ensemble avec des petits câlins, des trucs mignons mais pas vraiment plus. Puis il y a un moment où on retrouve une autre intimité, celle qu’on avait par deux au Brésil et en France. On passe un très beau moment ensemble, et on boucle finalement cette grande boucle qu’on vit ensemble. 

À la dernière nuit, je demande à Lola si on peut rester amoureuses d’elle, ou si elle nous l’interdit. Et elle nous dit qu’on peut. 

Parce que cette histoire, elle est évidemment amoureuse des trois côtés, il y a quelque chose de très fort qui se vit entre nous trois, à la fois chacune de nos côtés et nous trois ensemble. Les trois schémas de relation sont très différents, on est sur une relation assez cadrée et bien couverte avec Zoé, et sur une relation qui est pas du tout définie avec Lola. 

À la suite de ce séjour à Alicante, il y a rien de convenu avec Lola, c’est compliqué de dire qu’on est dans une relation, mais ce qui est sûr c’est que nos coeurs sont avec les uns et les autres. Je pense honnêtement que cette histoire polyamoureuse sera très longue, qu’on va pouvoir se revoir, que ce soit dans des groupes d’ami·es avec nos potes du Brésil, ou que ce soit entre nous. Qu’on pourra se faire des vacances ou des moments ensemble. En plus d’être éternelle, je pense que cette relation est et continuera d’être très constructive pour nous trois. Pour Zoé et moi par exemple, ça a été super important d’avoir ce temps avec Lola, qui est elle convaincue des histoires polyamoureuses et des couples ouverts, et qui a su nous convaincre aussi. 


Vous venez de lire le 3ème témoignage de Lesbien·nes au coin du feu, un podcast Manifesto XXI signé Athina Gendry. Merci à Sam de nous avoir partagé son histoire. Cet épisode a été monté par Louise Despret, et Jeanne Chaucheyras a assuré la réalisation, le sound design et la musique originale. Il a été produit par Soizic Pineau, avec Apolline Bazin à la distribution et promotion, et Coco Spina à la direction éditoriale. L’identité visuelle et la direction artistique de ce podcast ont été imaginées par Dana Galindo. Léane Delanchy anime le compte Instagram @lesbaucoindufeu et a réalisé l’illustration de cet épisode.

Merci au média Hétéroclite ainsi qu’à ACAST pour la diffusion du podcast. On vous retrouve bientôt pour un nouveau témoignage. En attendant, si vous avez aimé cet épisode, n’hésitez pas à le noter et à le partager autour de vous.

Si vous souhaitez vous aussi raconter une belle histoire au micro de Lesbiennes au coin du feu, vous pouvez nous la partager à l’adresse mail suivante : lesbiennesaucoindufeu@gmail.com

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