Sarah Maison dévoile à Manifesto XXI le premier titre d’un EP de remix à venir en exclusivité, et c’est le groupe de pop française Pépite qui le signe. Il nous offre une nouvelle version du titre ardent « Torrent de Chaleur », remix bouillonnant lui aussi, où l’on retrouve facilement la patte de Pépite, derrière la voix incandescente de Sarah Maison. Si elle a su dans sa musique trouver un équilibre entre chanson française et sonorités orientales ; Pépite a su trouver un équilibre entre son électro-pop et l’univers de velours ensoleillé de la chanteuse. Le son est accompagné d’une vidéo (réalisée par Hedi Bensalem) où le ciel, la mer et le profil de la chanteuse se superposent d’une manière, il faut le dire, assez hypnotisante.
Rencontre entre Sarah Maison et Manifesto XXI
Elle va au Badaboum après, donc rendez-vous Charonne. La veille, elle était sur la scène du festival Smmmile Vegan Pop à la Villette. Elle arrive, elle est très grande, avec de longs cheveux noirs bouclés. Sarah Maison parle comme elle chante.
Elle chante en français, d’une voix grave qui peut partir très haut dans les aigus. Elle laisse traîner sa voix, c’est son côté lyrique. Elle chante des chansons d’amour surtout. Sa musique mêle synthés style raï, synthés style 80, pop des années 60, guitare, basse et violons. Le côté oriental n’est qu’une des facettes de sa musique : il y a quelque chose de chaud, de méditerranéen, il y a quelque chose de suranné, de kitsch, mais il y a aussi quelque chose d’ésotérique, de mystique. Quelque chose de sensuel dans la voix, quelque chose de drôle dans les paroles. Elle écrit, elle compose, elle interprète. Bref, c’est un mélange fait Maison.
Tenez, écoutez.
« Ce que j’ai appris aux Beaux-Arts, c’est que n’importe quelle forme, n’importe quel geste, a déjà été fait dans le passé. Ce qui n’a pas été fait, c’est toi. Et cette singularité est très importante pour moi. »
Depuis ses débuts folk et sans réverb’
« Ma mère est marocaine, on écoutait beaucoup de musique nord-africaine et africaine à la maison, c’est mes racines, c’est évident. Mon père est du Cantal. J’ai commencé par faire de la folk à Nice, guitare voix, vraiment très épurée, sans réverb’ sans rien. C’était assez mélancolique. Je chantais en anglais. Après je suis passée au français parce que j’en avais marre de chercher mes mots. »
Elle est très honnête dès le début. Elle dit que c’est une chanteuse à voix, qu’elle chante avec sa vraie voix. Que c’est le plus important pour elle, être soi. Et de l’être de la manière la plus sincère possible. Elle a vraiment l’air de l’être, sincère. Chaque pan de personnalité que Sarah laisse entrevoir reflète un des caractères de sa musique. Elle veut faire de la musique qui apaise les gens, qui met du baume au cœur.
« Je suis arrivée à Paris il y a quatre ans, je me produisais encore en guitare voix. J’ai commencé à bidouiller des logiciels avec des synthés, des sons. Le côté ludique d’un logiciel c’est que tu peux copier-coller, arranger, sampler, tout un univers, du coup c’était plus de la production que de la composition. Je faisais tout en même temps. La majorité des titres de l’EP sont nés comme ça, de cette expérimentation. Je laissais, et j’y revenais après. C’est comme ça que les univers se sont entrechoqués. »
Rien n’est univoque dans ses chansons. Elle chante la mélancolie amoureuse sans être triste. Elle peut porter des tenues traditionnelles et chanter en autotune. Et bien sûr, c’est très français et en même temps très oriental.
« Je ne fais pas de la musique orientale. C’est un accent, des sonorités. Je me suis dit : tu vas pas faire du raï, ça n’a aucun sens, je ne veux pas faire du tradi. Je veux faire un truc mélangé. Je m’approprie ces textures au fur et à mesure, c’est vraiment moi, même si je suis française, ça se voit sur ma gueule.»
Le côté drama : « Mon premier degré est au millième degré »
« Être honnête, chanter en français… il y a quelque chose qui peut être très kitsch et premier degré, surtout quand tu parles d’amour. Je suis à l’image de ma musique. J’ose espérer que je suis marrante, j’aime l’humour, et tu le sens dans ma musique. »
« C’est le drama. J’aime bien prendre une situation lambda et en faire quelque chose de grandiose. Dans un premier temps, je me suis amusée du thème amoureux. « Je t’aime », « tu me manques » « comment je vais faire maintenant que je t’ai vu ?’ »C’est le thème le plus chanté. « Dormir », « Muzul », « Western »… c’est ce qui a inspiré ces chansons. La personne que tu aimes est loin, c’est le drame. ‘ »n se voit que dans trois jours mais comment je vais tenir ? » Mon premier degré est au millième degré. Et vice versa. »
Sarah explique que c’est aussi inspiré de la poésie orientale, de la grande poésie arabe. Mais que c’est pareil chez les chanteurs français. Elle imite vraiment bien Johnny.
« Le côté kitsch de ma musique est complètement assumé. Kitsch ça veut rien dire, mais il y a un côté « on y va ». Je peux être fascinée par les disques de Christophe, de ces chanteurs de charme. C’est ce kitsch-là dont je parle, ils en mettent des tonnes, et ça j’adore. Johnny il crie, il donne tout. Tout ça pour dire qu’il a une moto tu vois. »
Une grande fan de la chanson française
A bien sûr été posée la question de ses inspirations, parce qu’on adore tout savoir.
« Dans la tradition de la chanson française, parce que je suis une très grande fan, il y a les chanteuses réalistes : Damia, Fréhel… qui roulent les « r ». C’était des femmes très fortes, ça parle de coke, de cigarettes : « Rien que pour un mégot, pour un bout de cigarrrette », « le Grand Frisé »… j’adore, il y a de l’humour même si c’est sérieux. Et puis Stella, qui se fout de la gueule des yéyés ou de Sheila tout en faisant des chansons géniales. Françoise Hardy pour la mélancolie et cette façon d’ouvrir son cœur sans complexe. Côté oriental : Oum Kalthoum, Majida el Roumi, Pari Zanganeh… Le psychédélisme oriental, les grandes orchestrations de violons, c’est magnifique. Nico du Velvet, tous les trucs fous de cette époque, John Cale, Syd Barrett, les premiers albums de Pink Floyd, ça m’a beaucoup inspirée. Le rock progressif aussi, des musiques très épurées qui peuvent partir d’un coup. Brigitte Fontaine, Dusty Springfield, les Ronettes, je suis une obsessionnelle, quand je rentre dans un style j’y vais jusqu’au bout. »
Les influences s’entremêlent à sa façon. Elle me parle de « Western arabisant », la chanson qui l’a faite connaître, et de son obsession de coupler la musique de western, la cavalcade, avec la chaleur du désert oriental. Elle m’explique qu’elle a tellement écouté de musique que même si elle se sait limitée par sa technique, elle peut se permettre de mélanger tous les styles à l’oreille, au feeling. Elle fait ce dont elle a envie, parce qu’elle sait qu’elle peut les marier.
Clips et rodage du live
Un clip est déjà sorti, celui de « Muzul » – un prénom qu’elle a inventé –, où elle nous parle de sable et de safran, fumant la chicha les cheveux au vent, avec ce refrain digne d’un tube RNB « Que le temps semble long comme en prison ». La vidéo montre Sarah chez elle, alanguie, exagérée, enfumée. Les images sont colorées, le décor fastueux, il y a beaucoup de tissus, de strass, de djellabahs.
Il est d’ailleurs prévu que tous les titres de l’EP soient mis en image. Elle a très envie que les gens la découvrent, la voient comme elle est : grande, atypique, et bien sûr, dramatique.
En parallèle des projets de vidéos, le live se met en place. Elle joue maintenant sur scène avec Hedi Bensalem à la basse, également co-arrangeur et co-réalisateur de l’EP. Un batteur les a rejoints, et un pianiste ensuite.
« On a fait notre première répétition tous ensemble, ça va épurer les sons. Trouver les bonnes personnes ça prend du temps, mais ça y est, pour la prochaine date au Point Ephémère, on sera quatre sur scène. On a plusieurs formations : duos, trio ou quatuor. »
Sur scène : pour ceux qui l’ont ratée le 10 octobre au Point Ephémère, d’autres dates sont à venir !
« Un disque c’est comme un bébé. Au début tu lui donnes tout et il te ressemble. Après il évolue, il grandit, il a sa propre personnalité. Quand j’ai écrit les chansons, c’était vraiment ce que je vivais. Mes morceaux étaient tellement vrais que j’étais gênée, c’était une mise à nu, et il faut du courage. J’arrivais seule sur scène, j’appuyais sur le bouton, et je chantais mes histoires. Maintenant j’ai moins la tachycardie sentimentale, j’ai l’impression que mes chansons sont devenues plus universelles. »
À suivre.
L’EP est dispo ici !